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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena : « L’Opéra »
La critique de Jean-Louis Requena : « L’Opéra »
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| Jean-Louis Requena 465 mots

La critique de Jean-Louis Requena : « L’Opéra »

Film Franco-Suisse de Jean-Stéphane Bron – 110’

Autant l’avouer immédiatement, nous avons une certaine prévention contre les documentaires. La longue histoire du cinéma mondial a démontré que ceux-ci pouvaient être manipulés sans difficulté par leurs protagonistes. La propagande la moins subtile, un unique point de vue, le dominant, ou réputé tel, nous conforte sur le vieil adage cinéphile : Documentaire, « docu-menteur ».

C’est donc avec une sorte de défiance à l’encontre des faciles manipulations audiovisuelles, le son contredit l’image et vice-versa, souvent grossières, parfois pernicieuses, que nous avons visionné le nouveau long métrage, son quatrième, du suisse Jean-Stéphane Bron lequel est  précédé, il est vrai, d’une excellente réputation de documentariste.

D’abord Jean-Stéphane Bron s’est immergé avec une petite équipe de trois personnes – lui, le preneur de son, un caméraman et une assistante - durant un an et demi dans les deux « paquebots » que sont l’Opéra Garnier - temple de la danse, et l’Opéra Bastille - navire amiral de la direction. De surcroît, à partir des immenses matériaux enregistrés, il nous propose un montage ordonné autour du monde d’en haut, les dirigeants, en particulier le nouveau directeur Stéphane Lissner, et le monde d’en bas : les régisseurs, les habilleuses, les ouvriers qui travaillent en coulisse pour alimenter la machinerie, parfois en surchauffe (menaces de grève !). De l’autre les artistes : un jeune russe Micha (Mikhail Timochenko), baryton basse qui gagne le concours de chant et est de fait, intégré à la troupe. Une diva qui demande à son habilleuse de la filmer avec son Smartphone au moment des saluts, une danseuse haletante, sortant de scène, qui s’écroule de fatigue en coulisse (magnifique plan séquence).

Le metteur en scène et sa monteuse (Julia Lena) multiplient les points de vue dans un discours fluide, jamais heurté, ni démonstratif. C’est nous spectateurs qui jugeons, apprécions ou pas leurs propositions. Cela s’appelle la démocratie. C’est la grande leçon de ce film ou pour produire un spectacle exigeant, Moïse et Aaron d’Arnold Schönberg avec cœur, orchestre symphonique, énorme taureau sur scène (easy rider, figurant placide de 1500 kilos !) ou les « Maitres Chanteurs » de Nuremberg de Richard Wagner avec pléiades de chanteurs aux egos surdimensionnés, il faut du temps et de la pédagogie.

Ce documentaire nous réconcilie avec l’approche naturaliste du cinéma car, sur une durée « normale », une heure cinquante, il nous donne matière à penser la réalité artistique, économique (la billetterie aux tarifs stratosphériques !) dans sa complexité et non pas du prêt-à-penser qui sont le lot commun de la majorité des documentaires audiovisuel (la télévision étant à cet égard trop souvent le pire des médias de masse : vu à la télé !).

Un regard à tous égards lucide sur notre société à travers le prisme de la haute culture artistique (Opéra, chant, ballet).

Jean-Louis Requena

 

VISUEL / DR

 

« L’Opéra » : une réalité complexe fil

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