Avec le décès subit à l’âge de 68 ans de Bertrand Harriague – « Pettan » pour ses nombreux amis - c’est une perte inestimable qui frappe tous les passionnés d’aventures maritimes et de l’histoire des corsaires qui ont illustré notre région. Après une trajectoire professionnelle commerciale bien remplie au sein des coopératives de Mondragon ainsi qu’à la direction de Chupa-Chups à Bayonne, Bertrand Harriague avait encore œuvré, comme passionné de l’histoire des Chemins de Compostelle, en créant aux Halles de Saint-Jean-de-Luz un magasin de fins produits gastronomiques en relation avec cette thématique.
Mais l’appel du large résonna le plus puissamment chez ce descendant de la lignée d’armateurs Harriague qui s’était illustrée aux XVIIème et XVIIIème siècle comme en témoignent diverses archives, par exemple cette « Relation du combat qui s'est donné le 19 juillet 1756 à la hauteur du Portugal entre le bateau corsaire "Le Sauveur", armé à Bayonne par le sieur Pierre Harriague, monté de 8 canons, 10 pierriers et 90 hommes d'équipage, contre un paquebot du roi d'Angleterre armé de 18 canons, 10 pierriers et cent cinquante hommes d'équipage ».
Ainsi, il y a quelques années, en entrant à l’Ordre des Corsaires Basques - Saint Jean de Luz / Ciboure -, Pettan Harriague avait orchestré à la Tour de Bordagain à Ciboure une belle et remarquable exposition : « Korsariak edo Piratak, sur les Traces de nos Corsaires, entre Mythe et Réalité ».
C’était le fruit d’un long travail d’investigations mené grâce à sa persévérance et sa passion de recherche pour rassembler des collections privées de divers objets, instruments de navigation, de pêches, armes utilisées, maquettes, documents, cartes, tableaux d’imagerie de marine, et une galerie de portraits de nos célébrités.
Etonnante et impressionnante, cette présentation avait permis aux visiteurs de voyager dans le temps, et géographiquement, des « Terres Neuves à las Indias » où nos marins chassant la Baleine et pêchant la morue afin de nourrir leurs familles, rêvaient de faire fortunes en temps de guerre avec la chasse aux galions des flottes d’or ou d’une bonne prise…
Encore l’année dernière, à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine, Pettan Harriague présentait sous chapiteau au port de Saint Jean de Luz une exposition sur le ravitaillement de l’île de Ré par les flottilles basco-landaises à l’automne 1627 : « ce fait d’armes du forçage du blocus anglais de Buckingham par nos marinsavait permis de conserver les citadelle de Saint-Martin de Ré et le fort de la Prée.
Richelieu ayant organisé la défaite des anglais avec des débarquements nocturnes de transport de troupes, de vivres, munitions et médicaments », il s’agissait pour notre capitaine des Corsaires basques « d’honorer le devoir de mémoire sur ce fait d’armes des marins basques en prélude du siège de la Rochelle ».
Et quelques heures encore avant son départ, j’échangeais avec lui des projets pour continuer de rassembler des éléments et développer des manifestations en relation avec cette fabuleuse épopée.
Et par ailleurs, avant de céder la « capitainerie » des Corsaires à son successeur, Pettan avait encore célébré le 50ème Grand Chapitre de la confrérie dont je m’honore d’être membre depuis… 1988 !
Jubilé qui avait débuté, comme il se doit, par une navigation dans la baie de Saint-Jean-de-Luz pour rendre les Honneurs aux disparus en mer, suivie du défilé en ville des Confréries (avec passage par la stèle des Corsaires basques) et de la Messe en l’Église Saint-Jean-Baptiste, avant les intronisations des nouveaux « Corsaires d’honneur » à la ferme "Inharria" à Saint-Pée.
A cette occasion, Pettan Harriague avait rappelé – autour de notre vieux chant guerrier « Jeiki, jeiki, etxekoak, argia da zabala…bai ta ere, ikaratzen, holandrese ibarra» (levez-vous, gens de la barque, du côté de la mer résonne la trompette d'argent, les rivages des Hollandais tremblent – tout ce qui liait (et opposait) nos marins basques avec les Hollandais, en particulier le style « hollandais » de la « maison de Ravel » à Ciboure, construite au XVIIème siècle par l'armateur Esteban d'Etcheto qui avait beaucoup navigué aux Pays-Bas…
En y ajoutant « les prémices de notre Ordre des Corsaires, débutés en 1966 comme « Corsaires du roi » à l'occasion d'un congrès organisé à Saint-Jean-de-Luz par Georges Pialloux et le maire de Saint-Jean-de-Luz, à l'époque Pierre Larramendy, pour célébrer les descendants nationaux des familles de corsaires. Puis en 1971, ce fut des recherches sur les descendants de ces marins locaux. Ce mouvement sera officialisé en 1973 » .
Et sans oublier toutes les occasions où nous nous rencontrions, en particulier lors de nos prix respectifs aux courses de trot à l’Hippodrome de Biarritz… Ou encore il y a quelques jours aux Récollets, lors du concert annuel des Amis de l’Orchestre du Pays Basque, également consacré cette année à l’épopée maritime.
Combien de projets encore, en particulier la création d’un musée des Corsaires, « pour transmettre cet héritage qui se perd aux futures générations », et d’une « Fête des Corsaires, pour relancer la Fête du thon qui s’essouffle » !
Les obsèques de Bertrand Harriague se dérouleront ce vendredi 22 novembre à 14h30 à l’église Saint-François-Xavier à Socoa.