Film finlandais de Aki KAURISMÄKI – 98’
Port d’Helsinki, Finlande : Dans un cargo tout juste amarré, un homme s’extrait péniblement d’un tas de charbon. Il est tout noir, il se douche c’est un blanc : Khaled (Sherwan HAJI), un réfugié syrien. Dans la même ville, un finlandais, Wilkström (Sakari KUOSMANEN), la cinquantaine, commercial en lingerie décide de quitter sa femme, de vendre son stock, et avec son pécule, de racheter un restaurant : la Chope Dorée. Deux destins, d’abord fort éloignés : un immigrant forcement nomade et un natif naturellement sédentaire se croisent au mitan du film… Par un bref échange violent : chacun frappe l’autre au visage puis se retrouve dans le restaurant de Wilkström, la Chope Dorée, où ce dernier offre à manger à Khaled.
Une autre histoire commence alors, balançant entre les finasseries de l’administration finlandaise concernant Khaled - est-il un « bon refugié » ou non - et les interventions burlesques des bureaucrates venus vérifier le bon fonctionnement du restaurant de Wilkström qui, entre-temps, avait engagé Khaled. Le récit glisse d’une scène à l’autre avec fluidité. La magie cinématographique opère avec humour. Les plans sont composés avec rigueur et rien, ni dans le décor, ni le jeu « à plat » des acteurs ne vient parasiter le déroulé de l’action. Il y a une sorte de froideur réjouissante teintée d’un humour discret. Rien n’est appuyé mais tout paraît évident, tant le réalisateur également scénariste maitrise, sa narration.
Aki KAURISMÄKI développe une longue filmographie et nous avait déjà étonné avec son précèdent film « Le Havre » (2011 – Prix Louis DELLUC) tourné en France. Son ton à la fois froid, détaché, burlesque à l’instar des films muets qu’il admire nous montre les mécanismes de la société finlandaise tolérante (les gens ordinaires) et vétilleuse (l’administration). La violence que subit à un moment Khaled est le fait de demeurés affirmés défendant la « pureté finlandaise » contre la tolérance globale de cette société.
Ce long métrage, proche par instant des incunables muets (peu de paroles), nous émeut sans nous attrister car il s’achève sur une note douce/amère d’espoir. Il ne faut pas désespérer de l’humain.
Ce film a obtenu l’Ours d’Argent du meilleur réalisateur à la Berlinale 2017.
Jean Louis Requena