« Ad Astra » - Film américain de James Gray – 124’ Dans un futur proche (2050/2055), Roy McBride (Brad Pitt) est un astronaute confirmé. Il réussit sans problème tous les tests d’aptitudes physiques et psychologiques. En toutes circonstances il demeure calme, maître de lui-même : son rythme cardiaque ne dépasse jamais 80 battements. Pour le moment il travaille au sommet de gigantesques superstructures métalliques qui culminent à 30 kms. Une sorte d’orage magnétique éclate. Les énormes édifices métalliques se disloquent…Des tronçons entiers se détachent : il tombe en chute libre, engoncé dans son scaphandre autonome, mais s’en sort miraculeusement grâce à son parachute de survie !
Sur terre, l’enquête démontre que l’accident est dû à un orage galactique provenant de la proximité d’une lointaine planète du système solaire : Neptune. Lors d’une exploration, 19 ans auparavant, dans cette lointaine contrée, à 4 milliards de kilomètres de la Terre, le père de Roy, Clifford McBride (Tommy Lee Jones), a disparu avec son équipage. Depuis 16 ans, Clifford Mc Bride est déclaré mort car malgré de nombreuses tentatives pour le contacter, il n’a plus donné signe de vie…
Les surcharges électriques en provenance de Neptune provoquent des catastrophes sur notre Planète Bleue, la Terre. La vie terrestre semble en grand danger. Roy accepte de partir pour la lointaine planète dans l’espoir de comprendre le phénomène et d’y retrouver son père…
La lune, surtout colonisée sur sa face cachée, sert de base de départ pour Mars, dernière station avant le grand voyage. L’odyssée dans l’espace du volontaire Roy McBride n’est pas sans danger physique et psychique…
Pour son 7ème opus, James Gray (50 ans) reprend le thème de la filiation père/fils dans le cadre de la conquête spatiale. Son précédent film « The Lost City » of Z (2016) explorait cette relation de filiation dans le cadre d’une recherche obsessionnelle du père pour une mythique civilisation (disparue ?) en Amazonie. Toute l’œuvre de ce réalisateur, scénariste, ou coscénariste, de ses longs métrages a une thématique centrale : la famille et les relations complexes entre ses membres et cela dès son premier opus (« Little Odessa » - 1994).
La relation filiale père/fils est ici « éclatée » dans l’espace et le temps : les distances sont astronomiques (milliards de kilomètres !) et le temps se compte en années et non en journées. La poursuite semée d’obstacles inouïs du fils vers le père, s’apparente à celle du capitaine Willard à la recherche du colonel Kurtz dans Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola : film préféré de James Gray, et adaptation cinématographique (lointaine !) du chef d’œuvre littéraire « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad (1857/1924).
Réaliser un film de science-fiction « alimenté » par un budget confortable (80 millions de $) n’est pas aisé tant le chemin étroit est balisé de grands films… et de nanars affligeants (trop nombreux à énumérer). Citons quelques longs métrages importants : le chef d’œuvre absolu du genre, le film matriciel, « 2001, l’Odyssée de l’espace » (1968) de Stanley Kubrick, plus proche « Gravity » (2013) d’Alfonso Cuaron, Interstellar (2014) de Christopher Nolan et enfin « First Man » (2018) de Damien Chazelle. Ces réalisations ont innové autant sur le plan scénaristique que sur le plan technique : elles ont progressé en complexité. Les effets spéciaux numériques (pour les trois derniers, le film de Stanley Kubrick a été réalisé avec des trucages remontants à Georges Méliès ! (1861/1938) sont intégrés à la narration et non superflus afin d’épater le spectateur. Les décors sont dépouillés (façon Stanley Kubrick) et n’ont qu’une fonction : renforcer la sensation de solitude des personnages en lutte d’abord contre eux même plus que contre la dangerosité de leur environnement : le vide spatial est inhospitalier par nature et renvoit, par le port du scaphandre intégral obligatoire, à un isolement sensoriel propice au retour sur soi. L’enveloppe étanche constitue une manière de bulle qui nous contraint, nous étreint, nous laisse solitaire, isolé, confronté aux angoisses, à la peur…
James Gray, aidé par son chef opérateur Hoyte Van Hoytema qui éclaire magnifiquement les scènes par des lumières froides (tournage en 35 mmm argentique et non en numérique) nous émeut par la tristesse distancée générée de son œuvre : la proposition visuelle est une sorte de « symbolisme colorimétrique ». Le résultat final est un conte spatial, non réaliste par certaines séquences, mais si humain dans ses rapports familiaux (disparition d’un être cher).
Ad Astra est une œuvre ambitieuse qui mélange à la fois l’espace quasi infini du cosmos et celui étroit de l’intime : c’est la juxtaposition chaotique de l’infiniment grand et l’infiniment petit. Le dernier opus de James Gray souligne à nouveau l’originalité de ce réalisateur américain d’une grande intelligence visuelle et scénaristique, autour d’une thématique à priori banale, mais trop humaine : la famille !