États-Unis. Une ville dans l’Etat de Géorgie. Un trentenaire, Justin Kemp (Nicolas Hoult) vit avec sa compagne Allison dite Ally (Zoey Deutch), enceinte sur le point d’accoucher. Sa grossesse est difficile ; Justin prévenant, protège sa femme de son mieux. Il a décoré avec minutie la chambre du bébé à naître. Justin est un ancien alcoolique qui suit une thérapie dans un groupe de repentis, les alcooliques anonymes, animé par l’avocat Larry Lasker (Kiefer Sutherland). Justin annonce à Ally qu’il a reçu un avis l’informant de sa convocation comme juré d’assise au tribunal du district. Compte tenu de son passé, conduite en état d’ébriété, il pense qu’il sera récusé, au moment du choix du jury final clôt avant l’ouverture du procès. Contre toute attente, il est retenu. Il devra donc assister aux débats au terme desquels il participera, avec les autres jurés, à l’élaboration d’un verdict.
Après une longue mise en place des jurés, choisis conjointement par la défense, dirigée par l’avocat Éric Resnick (Chris Massina), et l’accusation menée par la procureure Faith Killebrew (Toni Collette), le procès pour homicide volontaire s’ouvre. Dès l’exposition des faits Justin est troublé : il connait l’inculpé, James Michael Sythe (Gabriel Basso), et sa victime présumée Kendall Carter (Francesca Eastwood). En effet, un an auparavant il avait assisté, dans un bar de la ville, a une violente altercation de ce couple en rupture. James s’est montre très menaçant tandis que Kendall a brusquement quitté l’établissement sous une pluie battante, poursuivit un moment par son ex-conjoint vociférant. Quelques jours après, un randonneur trouve le corps sans vie de Kendall au fond d’un ravin, près d’un ruisseau, en bordure d’une route.
Cette nuit-là, extrêmement pluvieuse, Justin avait emprunté cette route glissante pour rentrer chez lui. Le doute le ronge d’autant que son 4x4 a percuté, dans la tourmente, un obstacle. Et si James qui clame son innocence n’était pas l’assassin, qui est le coupable idéal ? La procureure Faith Killebrew, candidate à l’élection de procureur du district, une promotion, espère qu’avec cette affaire elle ralliera l’électorat grâce à une condamnation exemplaire pour violence domestique.
Au terme de longs exposés de faits contradictoires, Justin et les autres jurés se retirent pour délibérer. Les jurés sont issus de toutes les classes sociales et de toutes les sensibilités (religieuses, politiques, etc.). Parmi eux, Harold Tchaikovsky (J.K Simmons) un policier retraité perspicace.
Sous la gouverne de la présidente des jurés, un premier tour de table est effectué …
On ne présente plus Clint Eastwood, acteur, réalisateur, compositeur et producteur, monument du cinéma américain depuis plus de cinquante ans. Juré n°2 est sa 41ème réalisation depuis … Un Frisson dans la nuit (1971). Aujourd’hui, Clint Eastwood est âgé de 94 ans. Il est né à San Francisco en mai 1930 ! Sa longévité artistique est peu commune dans le monde des arts. A son âge, toujours actif, il atteint les sommets des peintres Michel-Ange (94 ans), Pablo Picasso (92 ans), ou du chef d’orchestre Arturo Toscanini (90 ans) : nonagénaires créatifs jusqu’à leur dernier souffle !
Le secret de sa longévité créative est, outre une hygiène de vie soutenue (pas d’alcool, pas de tabac, etc.), un système de production « artisanale » maîtrisé : petite équipe technique dévouée (production, décors, photographie, etc.), rapidité des tournages (mise en place simplifiée), et budget des films respecté (Le coût de Juré n°2 est de 35 millions de $, une bagatelle pour un « produit » cinématographique américain). Dès 1968, après La Trilogie du Dollar 1964/1966 (Pour une poignée de dollars, Pour quelques dollars de plus, Le Bon, La Brute et le Truand) de l’italien Sergio Leone (1929/1989), il devient star internationale. Dès lors, Clint Eastwood crée sa propre société de production, Malpaso, coproductrice de tous ses films : Impitoyable (1992), Un monde parfait (1993), Sur la route de Madison (1995), Gran Torino (2009), etc.
Clint Eastwood s’inscrit dans la lignée des grands maîtres du cinéma classique américain, des pionniers de cet art qui ont connu les balbutiements du muet (1895/1927) jusqu'à l’arrivée définitive du parlant (1930). Ainsi, avec ce vécu, d’une manière empirique, ces derniers ont participé avec modestie, à l’élaboration d’un langage nouveau, cinématographique, d’abord strictement visuel (raconter une histoire par les seules images), puis avec une image mixée au son, sans « cannibaliser » l’une par rapport à l’autre (difficile équilibre contrarié par les studios hollywoodiens : logorrhée de paroles et musiques envahissantes). Citons quelques un de ses glorieux devanciers : John Ford (1894/1973), Howard Hawks (1896/1977), William A. Wellman (1896/1975), Raoul Walsh (1887/1980). Leur credo : rythme narratif soutenu, clarté du récit, absence d’effets faciles. A n’en pas douter, Clint Eastwood, dans ses meilleures œuvres, demeure le dernier cinéaste de cette lignée.
Juré n°2 est un film de procès ou de prétoire, un genre en soi, popularisé par le cinéma américain (Douze Hommes en colère – 1957 - de Sidney Lumet) mais pas uniquement. En France Georges Lautner (1926/2013) a réalisé, en 1962, un long métrage avec Bernard Blier (1916/1989), Le Septième Juré à l’intrigue proche de l’histoire du Juré n°2 mais sans sa force et sa subtilité.
Clint Eastwood excelle dans les relations d’un individu avec un groupe, une communauté, que ce dernier soit intégré ou marginalisé. Chez lui la mise en scène simplifiée, claire, est une question de morale : droite sans affèteries inutiles, ce qui n’exclue pas la complexité du récit. Tous les êtres comme Justin (Clint ?) sont porteurs d’une culpabilité souvent ancienne mais toujours présente. Les principes moraux induisent une mise en scène épurée, lestée de tout superflu. Ainsi il n’y a que quatre décors dans ce film : le domicile du juré, les salles du tribunal, le bar, la route : économie de lieux, économie de moyens. Soulignons également, le travail de montage de Joel Cox (flashbacks en courts inserts, une véritable marqueterie), collaborateur habituel de Clint Eastwood depuis L’Inspecteur ne renonce jamais (1976) : un long compagnonnage.
Face au Juré N°2, le studio Warner Bros coproducteur historique et distributeur devant cette œuvre « non commerciale » souhaitait l’allouer directement à une plateforme de streaming sans une exploitation en salle, faisant fi de la notoriété du réalisateur… et des recettes anciennes, lucratives, générées par son œuvre !
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Le Cid (1637) de Pierre Corneille (1606/1684)
En définitive le film est sorti en salles, quoique dans en nombre de copies restreintes. Il faut aller le visionner car c’est l’œuvre, peut-être ultime, d’un géant du cinéma classique américain et d’un géant tout court du 7ème art.