Le CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée) vient de publier les chiffres des entrées dans les salles obscures (environ 5.500 écrans, soit 9 écrans pour 100.000 habitants) pour l’année 2019 : 213,3 millions de spectateurs. La fréquentation représente le deuxième plus haut niveau depuis 1966 (234,2 millions – effet la « Grande Vadrouille » de Gérard Oury à 17 millions d’entrées) suivi de 2011 (217,2 millions – effet « Intouchables » d’Olivier Nakache et Éric Toledano à 10 millions d’entrées). Depuis six ans, la barre des 200 millions d’entrées est franchie malgré la concurrence existante (vidéo à la demande, YouTube, Netflix, etc.) en attente du renforcement de l’offensive américaine dès 2020 (Apple +, Disney +, Salto, Hulu, etc.).
Toutefois si l’on examine de plus près, la « remontada » du nombre de spectateurs entre 2018 (200,5 millions) et 2019 (213,3 millions, soit +6%) elle est due en partie à une forte progression des films américains : 117,6 millions d’entrées (+ 32,7%), « soit le plus haut niveau depuis 1957 » souligne le CNC. Les poids-lourds hollywoodiens ont phagocyté le marché français : « Le Roi Lion » (9,7 millions), « Avengers : Endgame » (7 millions), « La Reine des neiges 2 » (5,8 millions) sans oublier le démarrage foudroyant du dernier « Star Wars », épisode IX : « L’Ascension de Skywalker » qui a capitalisé en une semaine (18 décembre au 24 décembre 2019) 2,4 millions d’entrées !
Ainsi, la part de marché du cinéma américain bondit de 44,1% en 2018 à 55,2% en 2019. Parmi les longs métrages ayant dépassé les 3 millions d’entrées, un seul film français : « Qu’est ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? » de Philippe de Chauveron (6,7 millions d’entrées). No comment !
A contrario, en 2019, la part de marché du cinéma français a baissé par rapport à 2018 (35% contre 39,3%). Cette diminution s’explique, de notre point de vue, par l’offre globale surabondante, le marketing agressif, la promotion complaisante, inepte, des mass médias de notre pays pour tous les blockbusters américains. Résultat : ces derniers saturent longuement nos écrans. Ajoutons-y la médiocrité de certains films français (scénarios indigents, acteurs « comiques » en roue libre, réalisation routinière, etc.). Fort heureusement, sur les 300 longs métrages produits (français ou à initiative française), notons quelques exceptions notables (dans l’ordre d’apparition sur les écrans) : « Grâce à Dieu » François Ozon, Sibyl de Justine Triet, « Roubaix une Lumière » d’Arnaud Desplechin, « Portrait de la Jeune Fille en Feu » de Céline Sciamma, « Alice et le Maire » de Nicolas Pariser, « Les Misérables » de Ladj Ly, « La Belle Époque » de Nicolas Bedos, « J’accuse » de Roman Polanski, etc. Tous ces films ont trouvé leur public (plutôt cultivé et âgé – CSP+ de + 50 ans) mais aucun n’a dépassé la barre de 1,5 millions d’entrées à part les « Misérables ».
Le cinéma français (production et diffusion), seul cinéma national résistant en Europe (exception culturelle française !) face aux industries cinématographiques hollywoodiennes flanquées de leurs alliés objectifs (plateformes streaming !) doit se protéger sous peine d'être réduit à la portion congrue sous le double effet d’une désaffection d’un jeune public abonné à d’autres types de visionnage (télévisions, ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.) et par l’érosion inéluctable, naturelle, d’un public plus âgé, nourri depuis l’enfance au 7ème art.
La tâche ne sera pas facile : l’offre globale annuelle est de 700 nouveaux longs métrages, soit une moyenne d’environ 14 films par semaine !
En ce début de nouvelle année, nous souhaitons que le cinéma français consolide ses bases grâce a un CNC performant et offensif (nouvelle direction) et a un « nouveau train » législatif (1er trimestre 2020 ?) ciblant les plateformes streaming (régulation, timing, fiscalité, etc.).
Avec son navire-amiral (le Festival de Cannes), vitrine incontestable du 7ème art et ses multiples vaisseaux (festivals, manifestations cinématographiques diverses) auxquels s’additionne le formidable réseau des cinémas classés Art et Essai et leurs environnements associatifs, le cinéma français doit maintenir son rang mondial par son antériorité (1895 !), sa notoriété, sa diversité.
Nous avons la chance sur la CAPB (Communauté d’Agglomération du Pays Basque) de disposer de cinémas d’art et essai : « L’Atalante » à Bayonne (3 salles), « Le Royal » à Biarritz (3 salles), « ltsas Mendi » à Urrugne, l’association Cinévasion (8 salles dans le Pays Basque)… Profitons-en !