« Eva en août » - Film espagnol de Jonas Trueba – 129’Fin juillet à Madrid, capitale de l’Espagne. Dans un grand appartement lumineux du centre-ville, Eva (Itsaso Arana) devise avec un ami cinéphile désireux de fuir la canicule madrilène du mois d’août et ses fêtes incessantes : San Lorenzo et celle de la Virgen de la Paloma. Au terme de l’entretien, l’ami lui confie les clés de son logis débordant de livres. Eva, 33 ans, est une jolie femme heureuse d’occuper ce bel appartement obligeamment prêté, confortable, idéalement situé au cœur de la mégapole. A la tombée de la nuit, la température devenant supportable, elle déambule dans les rues animées, se mêle aux badauds, assiste à des concerts et des performances improvisées en pleine rue.
Eva, placide, ne s’ennuie pas … elle flâne au gré des soirées et des rencontres.
Une nuit, elle fait la connaissance de deux garçons étrangers, l’un anglais, l’autre gallois, qui entonnent dans une bodega clandestine un chant guerrier des brigades internationales. Eva aime discuter avec âpreté sans jamais renoncer à ses arguments. Sous son aspect sympathique, gracile, souriant, elle est incisive, ne s’en laisse pas conter. Au milieu de cette nuit de discussion et d’errance, elle ne peut entrer dans son immeuble. Seule dans Madrid, elle appelle une copine qu’elle n’a pas vue depuis longtemps et qui est devenue, entre-temps, mère célibataire. Le lendemain au petit déjeuner, la retrouvaille avec son amie, réveille en elle des angoisses : elle a 33 ans, son horloge biologique ne cesse de tourner …
Les chaudes nuits madrilènes se suivent et ne ressemblent pas … d’autres rencontres et d’autres échanges dans le bruit ambiant assourdissant ou le silence.
Eva en août (titre original : La virgen de agosto – la vierge d’août) est le cinquième film du jeune réalisateur madrilène Jonas Trueba (38 ans). Aucun de ses précédents longs métrages n’ont été distribués en France, ce qui est dommage compte tenu de la qualité de son dernier opus. L’histoire d’Eva à Madrid, dans un « barrio » (quartier) populaire du centre-ville se déroule du 1er au 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge Marie, elle est narrée jour après jour suivant une double dimension : laïque et symbolique. L’actrice qui interprète Eva (Itsaso Arana) a collaboré activement à la construction du scénario avec le réalisateur, amenant une fluidité, une légèreté vaporeuse au déroulé de l’histoire. Elle est de tous les plans, de jour badaudant dans l’appartement, de nuit parcourant les rues adjacentes de celui-ci au cœur des manifestations (férias) profanes (concerts, performances de rues, fêtes foraines, etc.). Les cortèges religieux sont suivis de son balcon. Eva est une femme d’aujourd’hui, en attente, en errance passagère, qui s’interroge sur son devenir. Eva en août, nous fournit peu d’éléments sur son passé, sur ses probables échecs, sa part d’ombre. Il n’empêche qu’Eva reste en toute occasion animée d’une curiosité narquoise : elle n’est dupe ni d’elle, ni des autres.
Eva en août (129’) est photographié avec une apparente simplicité, mais le cadre est parfait, à bonne distance des acteurs et surtout de l’actrice principale dont le chef opérateur (Santiago Racaj) exploite le visage mutin, lumineux, qui exprime une large palette de sentiments : son visage est un paysage. L’autre personnage omniprésent est Madrid, capitale un peu triste, disparate, manquant d’unité architecturale, mais à la population tonifiante même sous la touffeur de l’été. Outre les images, il faut noter la qualité du son direct parfaitement maîtrisé : les dialogues souvent incisifs, voire drôles, sont audibles en premier plan sonore, même dans des ambiances de soirées bruyantes, de fêtes foraines, etc.
Jonas Trueba ne cache pas son admiration pour le cinéaste français Éric Rohmer (1920/2010) et ses « Comédies et Proverbes » en particulier le Rayon Vert (1986) tourné pour une grande part à Biarritz dans des conditions spartiates (petite équipe de tournage - format 16 mm). Il s’en est inspiré avec bonheur grâce à la complicité active d’Itsaso Arana, son interprète, tout comme Marie Rivière (Delphine) l’avait fait dans le Rayon Vert.
Eva en août est une « perle » cinématographique venue d’Espagne qu’il faut s’empresser d’aller voir en salles par ces jours caniculaires.