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Cinéma
« Félicité », film d’Alain Gomis – 123’
« Félicité », film d’Alain Gomis – 123’
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| Jean-Louis Requena 445 mots

« Félicité », film d’Alain Gomis – 123’

Félicité (Véro Tshanda Beya) est une femme noire, à la présence rayonnante, chanteuse la nuit dans un bar improbable, à l’épicentre d’une mégalopole moite, Kinshasa (12 millions d’habitants !) capitale de la République Démocratique du Congo (RDC). Ses jours et ses nuits sont une lutte pour la survie dans ce climat étouffant ou la corruption règne en maître. Sans relâche elle se bat contre tout et tous pour exister dans cette ville tentaculaire à la dérive, dans son pays, la RDC (ex-Congo Belge) née dans la violence (le Roi Léopold II de Belgique en 1885 en avait fait son territoire colonial personnel !), et soumis depuis lors à ses cycles incessants de guerres internes.
Dans son bar minable où traînent des clients alcoolisés, Félicité chante en Lingala avec un groupe de musiciens congolais, les Kasai Allstars. Soudain on lui annonce que son fils unique, Samo 14 ans (Gaétan Claudia) a eu un accident de moto. Elle se précipite à l’hôpital où gît son fils inanimé, dans une salle commune saturée de bruits et de saletés. Le chirurgien corrompu réclame sans détour de l’argent pour soigner son fils de sa fracture à la jambe. Comment trouver la somme importante que le « toubib » réclame pour intervenir ? Félicité, en mère courage, court dans Kinshasa pour réunir la somme réclamée par le médecin. Après les chants du soir dans le bar surchauffé, les scènes domestiques ou son amoureux transi, grand géant noir débonnaire Tabu (Papi Mpaka), lui fait une cour assidue, un deuxième film commence à l’image sombre, moins lumineuse (chef opérateur, Céline Bozon). Arrivera-t-elle à sortir Samo de cet enfer ?
L’image change, mais le son également car, les musiques congolaises des Kasai Allstars alternent avec de courtes séquences, de plus en plus fréquentes, de l’Orchestre Symphonique de Kinshasa répétant Fratres d’Arvo Pärt. Confrontation entre la musique populaire congolaise et la musique savante européenne qui se côtoient et s’ignorent.
Pour son quatrième long métrage, le réalisateur franco-bissau-guinéo-sénégalais Alain Gomis (né en 1972) fait preuve ici d’une maîtrise cinématographique tant scénaristique que visuelle, car il n’hésite pas à prendre des risques narratifs pour nous proposer un film ambitieux, nonobstant des moyens économiques limités. C’est tout à son honneur, pour nous qui supportons (mal !) les horreurs cinématographiques aux budgets pharaoniques qui encombrent nos écrans.
Alain ici a été récompensé, pour ce film, par un Ours d’Argent au Festival de Berlin 2017.
C’est un film à voir car il dépeint une autre réalité : l’Afrique Centrale dans sa complexité préoccupante, voire explosive : quelques plans dans les rues dévastées de Kinshasa, écrasées par la chaleur, surpeuplées, en disent fort long sur le devenir de cet étrange pays qu’est la République Démocratique du Congo.
Jean Louis Requena

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