0
Patrimoine religieux
"Au matin de Pâques", de Caspar David Friedrich, 1774 - 1840
"Au matin de Pâques", de Caspar David Friedrich, 1774 - 1840

| François-Xavier Esponde 947 mots

"Au matin de Pâques", de Caspar David Friedrich, 1774 - 1840

Ce tableau du peintre conservé au musée Thyssen Bornemisza de Madrid illustre ce matin de Pâques 2025 dans le tourbillon agité de l'histoire des hommes, de jeux de teintes clair et obscur parfaitement adaptés.

Le grand peintre romantique allemand connu pour son œuvre fut l'auteur de cette peinture très à propos.

"L'âme de la nature tourmentée est habitée de sommets escarpés à pics vertigineux, des plaines lugubres qui semblent inhabitées par l'humain, des pentes verdissantes de printemps, des grèves nocturnes qui engagent vers l'inconnu, des roches, des glaces, des arbres et des lacs à l'infini " dans cet horizon où l'on suit l'artiste à travers ses créations dispersées en de nombreux endroits.

Oui demeurent des églises, des personnages succincts, mais la dominante vient de la nature et que de la nature. On devine l'influence des paysages inspirés des abords de la Baltique, où il naquit comme sujet du roi de Suède, et où il apprend le dessin, en ses nombreuses excursions dans les environs de Dresde .Il y  vécut longtemps, "le peintre invente ou recompose bien plus qu'il ne copie à partir de dessins réalisés in vivo, dans ce répertoire inédit et adapté à des contextes différents de l'histoire."

Le penseur Goethe l'admirait et le peintre pensait que dieu se laisse voir aux hommes  à travers la nature, une idée très moderne aujourd'hui, dans une peinture qui n'est une géographie mais le sens de l'âme humaine et du divin de la création. La toile disent les commentaires d'art, est petite, tripartite et très structurée comme à son habitude.

"Une peinture empreinte de spiritualité chrétienne non dite mais montrée sans pour autant représenter d'épisode biblique", s'agissant à la fois de se dissocier d'un modèle artistique dont il critiquait le bric-à-brac et de modèles catholiques aux représentations foisonnantes pour se fixer sur l'essentiel d'une éducation luthérienne à chercher dans une intériorité. Dieu s'y trouve dans la nature bien plus que les signes divins comme rapporté selon le peintre par la pensée catholique. Le titre de l'exposition au Métropolitan Museum of Art en 2025 se nomme "L'âme de la nature".

Le monde du peintre est mystérieux à cause du sens caché que l'on peut deviner dans ces demi teintes soutenues. Le peintre put affecter des paysages à des retables comme il le fera pour le retable de Tetschen et prétendre invoquer Dieu par une nature symbolique, ce visage sacré a pu choquer des contemporains chrétiens non luthériens. Parmi des figures solitaires représentées dans un décor de mélancolie, dans une nostalgie ambigüe d'un ailleurs de Dieu. 

Dans Le Matin de Pâques, les figurants sont de dos aux visiteurs en attente de quelque chose. Le peintre se fixe de regard sur une croix, ou un clocher mais le plus souvent sur une fenêtre, un arbre ou une lueur  dans la nuit qui suggère la présence divine . D'autres peintres auraient préféré identifier la présence solaire comme Soleil de justice Mt 3, 20 Le peintre choisit la lune laissant au regardant le choix de préférer l'un ou l'autre, ou d'identifier ici la lune comme reflet de la lumière d'un Christ tourné vers le Père.

Le peintre s'attache à des signes comme une borne de pierres comme autant de chemins sinueux de cette toile, comme la présence de trois personnages peut encore signifier la Trinité laissant au récit visuel le choix de l'interprétation.

Le chemin de vie de Friedrich aura connu bien des deuils dans la vie personnelle, et des temps de dépression - burn out, aujourd'hui, en langage moderne -. Le peintre se fit un nom et fut reconnu par le Roi de Prusse à trente ans, disent les commentaires biographiques. Objet, comme bien souvent chez les vrais artistes, de débats contrastés, des admirateurs et des autres, la peinture de Friedrich est redécouverte au début du XXème siècle après le temps de l'oubli et celui de la reconnaissance !

Friedrich privilégie des temps d'indécision du lever du jour, aurore ou crépuscule brumes ou couchers du soleil. Le titre du tableau commenté a une portée symbolique particulière, après la sabbat, disent les textes du matin de Pâques, les trois Marie vinrent pour regarde le Sépulcre, dit Matthieu au 28, 1, de grand matin  selon Jean 20,1, pour Luc il s'agira de la pointe de l'aurore, 24,1 et chez Marc de lever du soleil, 16,2.

Cette aube de la Résurrection est unique et à nulle autre semblable,. "Rien ne l'assure sinon la marche empressée des femmes , des bourgeons de nature à la pointe des ramilles, une lune paresseuse, une lumière rosée orientale, dans un ciel qui s'ouvre au centre du tableau sur des zébrures plus claires."

Pour cet artiste génial et dépouillé, il faut selon ses termes, "pour croire en la Résurrection se tourner vers soi même et vers son cœur". Le peintre doit peindre ce qu'il voit autour de lui mais en lui, tel l'appel du message au Matin de Pâques, au delà de sa représentation même assurant la continuité de l'art et de la spiritualité. Un chemin de Dieu comme une marche pressée des saintes femmes au matin du Jour dit, sans trop préjuger de ce mystère qui les dépasse !

Nota :

En ce matin de Pâques en cette année de l'espérance jubilaire, les événements spirituels se vivront à Rome en l'absence du pape François qui a rejoint la Maison du Père, au cœur de la foule en pèlerinage dans la ville sainte, dans le temps de l'incertitude des jours prochains, du monde et de la concorde internationale. En des jours attendus de justice et de paix que cet artiste allemand du dernier siècle retrouvé représentaient en des teintes de couleur entre deux, entre soi et entre voies qui se cherchent !

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription