On dit du chien qu'il est le meilleur ami de l'homme ! Que dire du cheval, frère d'armes des soldats en 1914, et parfois en 1939 ?
Il faut aller visiter à Meaux au Musée de la Grande Guerre l'exposition de ce compagnonnage des hommes et des chevaux lors des guerres passées en France. Le film "Cheval de guerre" de Steven Spielberg en 2011 a adapté le roman de Michael Morpurgo sur le destin des équidés mobilisés pour la guerre, dont les documents d'origine sont exceptionnels. Authentiques, diront les admirateurs de l'Exposition ! Le sujet de ce rapport n'ayant jamais été évoqué avec un tel profil, le vide documentaire est désormais comblé.
La communauté du destin des hommes et des montures est absolue et pour les populations civiles et les chevaux, leurs compagnons sont irremplaçables.
Les chiffres qui s'affichent sur la mort des hommes et de leurs chevaux sont impressionnants, tragiques et inoubliables.
Sur 8,4 millions de soldats français mobilisés, 1,4 perdirent leur vie. Et sur 1,9 million de chevaux engagés, ânes et mulets ajoutés, 1,14 million disparurent au milieu des batailles, sans autre soin que le sacrifice fatal pour éviter la souffrance ! Et chiffre suprême sur 11 millions d'équidés pour les belligérants tous réunis, la moitié disparut dans cette funeste guerre !
L'exposition n'évoque pas ce récit macabre mais la complicité des humains avec le cheval de compagnie, de labeur, de voyage et d'agrément. Et des contemporains se mettent à vouloir ériger quelque monument immatériel celui-ci pour ne pas l'oublier.
Les anciens ou les jeunes de ce temps disent combien leurs propres parents vivaient avec le cheval de ferme pour la majorité des paysans français, une relation quasi familiale ; le cheval partageait les joies et les épreuves du travail bien fait ou accompli. En 1914, selon l'Exposition, la France comptait 39 millions d'habitants et 3,5 millions de chevaux, soit un cheval pour onze sujets.
L'armée française disposait donc de 190 000 équidés dont elle avait décidé "la réquisition" comme en toute guerre, pour l'intérêt commun de la nation. Point d'autre décision pour s'y soustraire, la punition et l'obligation selon les avis placardés par les autorités partout en France. Le cheval disposait d'un numéro matricule comme une voiture plus récemment, ces chevaux n'avaient nullement été préparés à la guerre et au feu des combats, dès lors soumis à des pertes considérables.
Retirés à leur propriétaire - bien souvent un laboureur ou un chef de fiacre, les taxis d'époque -, on comprenait ce qu'une telle absence engendrait pour le travail de la terre et les transports. Le bœuf faute de cheval, le vélo faute de voiture à cheval, et ainsi une autre vie imposée par les circonstances.
La mort des hommes et celle des chevaux étant circonstancielles, l'un et l'autre disparaissaient ensemble au combat.
La cavalerie de cette époque montrait en image flatteuse de ces équidés admirés et admirables On avait même placé au centre du musée cinq cavaliers armés de pied en cap et montés sur des chevaux grandeur nature afin de séduire les visiteurs. On en rêve, on s'imagine cavalier d'un instant pour cette époque !
Il y a encore les armes et les casques des soldats, un impressionnant colback de hussard allemand qui inspire la terreur de ces montures hautes et souveraines, comme celles des armées napoléoniennes qui ont tant impressionné dans nos pays par leur dimension souveraine, leur dimension et leur force. Le détail des habillements venant en sus enrichir le visage des cavaliers en blanc ou rouge, et des couleurs saisissantes de ce temps.
Si les soldats s'enterraient dans les abris ou les tranchées, les chevaux représentaient la seule alternative au transport des canons, des matériels militaires, "Il fallait six chevaux pour tirer le canon de 75, dit le commentaire de l'Exposition, chacun tractant 150 kg et portant un homme et son matériel".
Si les chevaux étaient à la guerre comme les laboureurs, les femmes et de très jeunes enfants furent réquisitionnés à leur tour par les grands-parents pour les travaux des champs, des labours et des récoltes.
L'armée ayant mobilisé les équidés du pays, il fallut importer 500 000 chevaux des Etats-Unis, et 70 000 d'Argentine, pays légendaire d'élevage des chevaux.
L'exposition ouverte jusqu'en janvier 2026 ne peut priver les chevaux de se faire entendre, souffrant eux aussi avec leurs cavaliers, des écrivains tel Erich Maria Remarque, Céline ou Maurice Genevoix témoignent de l'évolution progressive de cette époque à cheval vers les machines et les véhicules modernes pour les besoins de la guerre.
Et les amoureux des chevaux montés contempleront le casque de la Garde Républicaine, seule unité désormais de l'armée française où le cheval revêt une autre symbolique que de la chair à canon, victime malgré lui de ses auteurs.