Très belle messe célébrée dimanche dernier par l'abbé Don Vincent Morandi aidé d'un jeune servant, un sympathique étudiant détaché pendant quelque temps du séminaire de la Communauté Saint-Martin à Evron (Mayenne), désormais le plus grand de France... Une cérémonie agrémentée de beaux chants en basque repris par la nombreuse assistance et accompagnés par le talentueux organiste Laurent Riboulet de Sabrac. Un verre amical ensuite, comme à l'habitude, partagé chez les Pétard-Hole, "lehenauzoak" (premiers voisins, en basque) de la chapelle...
Car c'est la tradition à la Chapelle Impériale de Biarritz, propriété de la ville de Biarritz qui y fait célébrer chaque année quatre messes : le 9 janvier pour l'anniversaire de la mort de Napoléon III, le 1er juin pour celui de la mort du prince Impérial, le 11 juillet pour l'Impératrice Eugénie et le 12 décembre pour la fête de Notre-Dame de Guadalupe.
L'occasion également pour nos lecteurs de se familiariser avec la passionnante histoire de cet authentique monument biarrot et des relations étroites de notre région avec le Second Empire grâce à mon livre "Napoléon III, Eugénie et la chapelle impériale de Biarritz".
Les Éditions Askatasuna viennent de le rééditer sous une toute nouvelle forme (illustrations, maquette, etc.). Selon la postface de l'écrivain et homme de médias Jean-Pierre Alaux (l'auteur, entre autre, de la série "Le sang de la vigne"), l'infatigable entrepreneur Napoléon III et Eugénie la divine inspiratrice demeurent, encore et toujours, l'âme de Biarritz, envers et contre les "calomnies allant du ridicule à l'odieux", selon l'expression employée dans sa préface par Jean-Claude Lachnitt, Secrétaire-général de la Fondation Napoléon.
En attendant sa diffusion en librairie, on peut se procurer cet ouvrage en me contactant au tél. 06 62 72 56 49 ou à alexandredelacerda1212@gmail.com
Le destin héroïque d'un jeune homme dont l'enfance fut liée à la villégiature impériale mise en valeur par ses parents
La naissance très attendue de l'héritier du trône
Eugénie de Montijo, d'origine espagnole et fille cadette du comte et de la comtesse de Teba, avait épousé Napoléon III le 30 janvier 1853, à l'âge de 26 ans révolus. L'année suivante, les souverains passèrent l'été à Biarritz où l'Empereur attendait la rapide d'une santé éprouvée par les laborieux travaux du gouvernement, ainsi qu'une vigueur nouvelle pour la constitution délicate d'Eugénie dont on attendait un héritier afin de consolider la dynastie renaissante. En juillet 1855, l'empereur rejoignait à Biarritz Eugénie arrivée des Eaux-Bonnes où elle suivait une guérison en prévision d'un heureux événement qui aura lieu l'année suivante : la naissance, en mars, de l'héritier du trône !
Or l'imagination de l'impératrice se complaisait souvent dans le tragique selon ses paroles que rapportait Augustin Filon, précepteur du jeune Louis-Napoléon : « En 1855, j'étais à Biarritz ; une nuit, je fus éveillée par le tocsin qui annonçait un incendie ; je me levai en haine et j'allai faire la chaîne : je sentis alors, pour la première fois, tressaillir mon enfant. L'idée me vint qu'il était destiné à mourir de mort violente ».
En attendant, au milieu de la « cohue cosmopolite » qui avait toujours entouré Eugénie - et qui constitua l'assise du renom touristique de Biarritz – la présence des souverains déchaînait toujours beaucoup d'enthousiasme. En particulier, « tout le monde était charmé de la gentillesse du Prince Impérial et de la grâce qui distinguait ses manières. Les années précédentes, les petits garçons et les petites filles étaient admis à partager ses jeux ; ils folâtraient pêle-mêle dans les dépendances de la villa. Cette année (1865), les choses ont changé ; les petits garçons, seuls, sont admis à jouer avec le jeune prince ; les petites filles s'amusent à part» ...
Sur la plage du Port-Vieux, en même temps qu'il apprenait à nager, il s'amusait aussi à construire des fortifications de sable dans la gaieté générale d'un groupe de petits garçons de son âge, fils de pêcheurs et de « baigneurs » biarrots ; un dimanche, même, les petits matelots revêtus pour la circonstance d'un élégant costume de marin, offrantent à leur camarade impérial de jeux une jolie corvette portant le nom de « France », parfaitement construite et gréée, posée sur un char antique et ornée de charmantes décorations, présent de la commune de Biarritz au jeune prince...
Promenades impériales et effusions populaires
Le couple impérial excursionna abondamment autour de la Villa Eugénie. Dans les grottes de Sare, une cinquantaine de jeunes gens du pays, « revêtus de l'élégant costume ancien des Basques, leur offrirent le fantastique et original spectacle des danses nationales exécutées aux flambeaux »...
A Zugarramurdi, Mérimée raconte « qu'ils étaient dirigés par un homme singulier qui avait gagné une grande fortune dans la contrebande (il s'agissait de Michel Dihursubéhère qui, quelques vingt ans auparavant, avait fait traverser plusieurs fois la frontière au prétendant don Carlos, en pleine guerre carliste) ! L'Impératrice l'avait chargé de veiller sur le Prince Impérial, qu'il a fait passer, lui et son poney, par les chemins les plus impossibles que vous puissiez imaginer, ayant autant de soin de lui que d'un scrutin de marchandises prohibées ».
On organise encore des promenades nautiques sur les ondes fugitives de l'Adour, jusqu'à Lahonce. En revanche, certaines excursions en mer faillirent tourner au désastre. Particulièrement à Saint-Jean-de-Luz, en octobre 1867, au retour d'une excursion à Fontarabie, le yacht impérial « Le Chamois » donna sur les rochers par nuit noire, avec treize personnes à bord, dont l'Impératrice et le Prince Impérial ; le pilote, qui se porta à l'avant au moment où l'étrave heurtait les rochers, tomba et mourut en se fracassant la tête. Mais l'enfant fut sauvé par les marins...
La vie de tous les jours… avant que n'éclate l'orage !
Dans ses lettres à la comtesse de Montijo-mère dont il était l'ami, Prosper Mérimée donnait souvent des nouvelles de l'impératrice : le 8 décembre 1858, il lui écrivait : « Je viens de passer trois semaines à Compiègne. L'impératrice était non seulement en parfaite santé, mais plus gaie et plus animée que je ne l'avais vue depuis longtemps. Elle a fait avec l'empereur des courses à pied de plus de deux lieues, sans en paraître le moins du monde fatiguée. Le prince impérial est fort et gaillard. Il ressemble singulièrement à sa mère, avec un petit air de famille de l'oncle, surtout dans le bas du visage. J'ai remarqué qu'on l'élevait bien, c'est-à-dire en l'avertissant des dangers et en lui permettant d'en faire d'innocentes expériences qui valent mieux que les plus longs sermons. Ainsi on l'a laissé constater par une petite brûlure que la flamme d'une bougie ne valait rien à manière et que le parquet d'une chambre était moins doux qu'un coussin ».
En août 1870, entraînent les désastres de la guerre : « l'impératrice m'a dit que l'empereur supportait très bien la vie qu'il mène, ainsi que le prince impérial. Pauvre enfant, c'est une éducation grossière qu'il reçoit là. Puisse-t-elle lui profiter pour l'avenir ».
Et dans sa dernière lettre à la comtesse de Montijo, Prosper Mérimée annonçait : « Paris, 8 septembre 1870. Les dernières fois que j'ai eu l'honneur de la voir (l'impératrice, ndlr.), elle m'a paru complètement dégoûtée de sa position, lasse d'avoir vu tant de faussetés et tant de lâchetés. A plusieurs reprises, elle m'a dit qu'elle espérait bien que son fils n'aurait pas d'ambition et ne penserait qu'à vivre heureux dans l'obscurité. Cela est facile à dire et on ne peut manquer de le dire, la situation étant donnée, mais personne ne sait ce qui arrivera dans dix ans. Pour moi, je crois qu'il doit se tenir prêt pour son heure, si elle doit venir. Il a beaucoup à apprendre de son père et de sa mère et ces deux derniers mois ont dû lui valoir plus qu'un cours d'histoire de deux ans ».
L'exil en Angleterre
Napoléon III avait été remis en liberté après sa captivité chez les Prussiens ; il arriva à Chislehurst le 20 mars 1871. Alors fut organisé autour des anciens souverains et de leur fils une manière de cour, avec les deux nièces de l'Impératrice, filles de la duchesse d'Albe (plus tard duchesse de Medina-Coeli et duchesse de Tamamès), avec le duc de Bassano, ancien grand chambellan, fils le marquis de Bassano, le comte Clary, Mme Lebreton, Augustin Filon, précepteur du Prince, et quelques personnes, fidèles aux exilés, qui constituaient un service d'honneur.
La mort de Napoléon III survint le 9 janvier 1873. Ce ne fut pas seulement un grand deuil pour sa veuve et pour son fils ; ce fut encore un événement gros de conséquences politiques. Le nouveau chef du parti bonapartiste, Napoléon IV, était un jeune homme de près de dix-sept ans à cette époque, sur qui ses partisans pouvaient fonder de légitimes espérances. Dans les derniers jours du mois d'août 1870, quand on attendait les pires malheurs, l'Impératrice découragée avait envisagé pour le Prince impérial le repos du silence ; elle avait dit à Mérimée : « J'espère que mon fils n'aura pas d'ambition et qu'il vivra heureux dans l'obscurité » .
Et pourtant, ses partisans n'affirmaient-ils point « qu'excellemment préparé à sa future tâche, en particulier lors de son exil au Royaume-Uni, avec qui il eut moult entretiens politiques sur la manière de gouverner et de conduire les affaires de l'Etat, tous les partisans de l'Empire présents aux funérailles de sa Majesté l'Empereur, notamment les députés bonapartistes et une partie considérable de la foule, clament dans le parc de Camden Place "Vive Napoléon IV !" ».
C'est alors que survint l’affreux et cruel meurtre par les zoulous du Prince Impérial alors présent sur place sous uniforme anglais... En effet, après la défaite infligée aux Anglais par les Zoulous le 22 janvier 1879, le fils de Napoléon III et d'Eugénie (alors en exil à Londres) avait reçu le 24 février l'autorisation du duc de Cambridge de partir pour la durée de la campagne en Afrique du Sud.
Le dimanche 1er juin, le prince impérial, attaqué par les Zoulous et désarçonné, se retrouva seul face à tous ses adversaires. Son cheval était déjà loin et les Zoulous se ruèrent vers lui en poussant leurs cris de guerre.
Le jeune prince sort son revolver et de la main gauche tira par trois fois. Il évite bien une première sagaie, parvenant même à la renvoyer vers ses agresseurs, mais la seconde l'atteignit à l'épaule gauche. Sept guerriers zoulous furent sur lui : il reçut un coup à la poitrine, alors même qu'une autre sagaie l'atteignait à l'œil droit, l'enfonçant au fond du crâne.
Lorsque le prince tomba au sol, il était déjà mort. Et les Zoulous allaient s'acharner sur son corps avec la pointe de leurs sagaies… Il avait 24 ans. Sa mère, l'impératrice Eugénie, en exil en Angleterre où elle s'était réfugiée après la défaite de Sedan en septembre 1870, se rendit sur place afin de voir où son fils unique avait été tué, elle « devait encore survivre 40 ans à ses douleurs ».
Chers souvenirs
En juin 1901, l'ambassadeur Maurice Paléologue s'entretient avec Eugénie : - Parmi tant de belles heures qui ont jalonné votre règne, quels furent les plus radieuses, les plus exaltantes, je veux dire surtout celles qui découvraient devant vous les plus séduisants mirages ? Sans la moindre hésitation, elle a répondu : - Oh ! d'abord, le baptême du prince impérial, le 14 juin 1856. Pendant le trajet des Tuileries à Notre-Dame, j'étais seule avec l'empereur dans le carrosse pompeux de notre mariage. Le prince impérial, ses gouvernantes et sa nourrice occupaient la voiture précédente. C'était vers six heures du soir. Des maréchaux cavalcadaient à nos portières. On nous acclamait frénétiquement. Le soleil, qui commençait à décliner, empourprait la rue de Rivoli ; nous défilions dans une lumière éblouissante. Près de moi, l'empereur restait silencieux, ne s'occupant qu'à saluer. Je ne lui disais rien non plus, parce qu'une allégresse ineffable me soulevait l'âme; je me répétais intérieurement : « C'est par cet enfant, c'est par mon fils, que la dynastie napoléonienne s'enracinera définitivement sur la terre de France, comme s'y est portée, il y a huit siècles, la dynastie capétienne ; c'est lui qui mettra le sceau définitif à l'œuvre de son père ! ... » Et pourtant une voix secrète me chuchotait que les mêmes pompes officielles, les mêmes ovations populaires, les mêmes salves d'artillerie, les mêmes volées de cloches avaient célébré les baptêmes du dauphin Louis XVII, du roi de Rome, du duc de Bordeaux, du comte de Paris. Et qu'étaient-ils devenus, ces pauvres enfants ? La prison, la mort, l'exil ! ... Mais une autre voix plus forte me rassurait aussitôt, me dilatait le cœur, me remplissait de confiance et d'orgueil… A la fin de la cérémonie, lorsque l'empereur a élevé notre fils dans ses bras pour le montrer soudainement au peuple, mon émotion est devenue si poignante que mes jambes se sont dérobées sous moi, et que j'ai dû m'asseoir précipitamment…
Après ce magnifique souvenir, le plus brillant que je conserve, c'est encore sous les voûtes de Notre-Dame qu'il s'encadre, le 3 juillet 1859, au Te Deum pour notre victoire de Solférino. Vous vous rappelez que, pendant la guerre, l'empereur m'avait confié à la régence. Je me suis donc rendu à Notre-Dame, en qualité de régente, avec le prince impérial à ma gauche. Rien ne saurait vous décrire l’enthousiasme de la foule. Par instants, les acclamations faisaient un tel vacarme, que nous passions devant les musiques militaires sans les entendre. Au retour, on se mit à nous cribler de fleurs ; elles résonnaient sur la cuirasse des Cent-Gardes comme une mitraille, notre voiture en était pleine ; mon fils tressautait de joie, battait des mains, envoyait gentiment des baisers à la foule. Ce jour-là aussi, j'ai eu la certitude éclatante que Dieu réservait à mon enfant la mission glorieuse de couronner l'œuvre de son père.
L'Impératrice avait acheté dans le Hampshire, à Farnborough, en 1886, une vaste demeure et fait construire sur ses terres une église. L'église Saint-Michel, desservie par des religieux français. C'est dans cette crypte qui dormaient de leur dernier sommeil, depuis 1888, Napoléon III, mort en 1873 à Chislehurst et le Prince Impérial tué par les Zoulous, en Afrique du Sud en 1879.