L’UTL Côte basque – Sud organise une passionnante conférence sur « le Mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche » qui sera donnée à la Villa Ducontenia mardi 11 mars prochain à 15h par Henry et Dominique Léremboure, propriétaires de la Maison Louis XIV.
Villa Ducontenia (12, avenue Ithurralde à St-Jean-de-Luz) / Entrées : 5 € pour les non abonnés ou 30 €, carte d'adhérent donnant droit aux 27 conférences de septembre à avril / Tél. : 05 59 26 41 95).
L’occasion de reprendre l’historique de l’événement tel que je l’avais évoqué dans mon livre « Pays Basque entre Nive et Nivelle » (Privat, juin 1996, Prix Georges Goyau de l’Académie française, 1997).
L'une des conséquences de la Paix des Pyrénées était le mariage du roi de France avec l'infante d'Espagne Marie-Thérèse. Le futur Roi Soleil, entré dans sa vingt-deuxième année était pourtant follement amoureux de Marie Mancini, nièce de Mazarin. Il acceptera la raison d'État qui l'unira à sa cousine, la fille de Sa Majesté Très Catholique, le Roi Philippe IV. C'est ainsi qu'après un assez long périple, le 1er mai 1660, Louis XIV fut reçu à Bayonne au milieu de grandes festivités financées par le Bilzar (assemblée) du Labourd.
Le 8 mai 1660, Louis XIV entre à Saint-Jean-de-Luz. Les canons tonnent. Les cloches sonnent à toute volée. Au long des rues, s'aligne la milice en armes. Aux fenêtres de maisons, se presse une immense affluence. Le cortège royal apparaît. Mousquetaires, écuyers, officiers, caracolent autour du carosse royal, tout étincelant d'or.
Après la harangue du Bayle, Martin de Haraneder, entouré de ses jurats, danseurs basques, coiffés de bonnets écarlates, les habits ornés de rubans et blancs et bleus, exécutent le pas national. La Cour applaudit les Crascabilaires, tout chargés de grelots, cousus à leurs vêtements.
Sur le portail de l'église, le curé, Bertrand de Hayet, encadré par ses 16 vicaires, bénit le roi au passage.
La maison Lohobiague reçoit Louis XIV. Celle de Joanenia, appartenant aux Haraneder, est destinée à Anne d'Autriche. Dans ce quartier où résidaient les riches et puissantes familles d'armateurs luziens, leurs grandes et belles demeures ont conservé jusqu'à nos jours leur tour orientée vers la mer et destinée à guetter les navires, leur arrivée et leurs mouvements dans la rade.
Quant à Mazarin, il s'installe dans une maison du quai de Ciboure, où entre deux crises de goutte, il continue de mener la politique de la France. A lui tout seul, il ne se déplaçait pas sans "un équipage de cent cinquante gentilshommes et autant de gens de service et de suite, une garde de cent chevaux et de trois cents fantassins, vingt-quatre mulets couverts de riches housses de soie, plus sept carrosses pour sa personne et quantité de chevaux de main..."
Jusqu'au 11 juin, Saint-Jean-de-Luz est en fête. Sur la Nivelle, se dressent les bateaux pavoisés. Par les rues, passent évêques et seigneurs, parés des plus riches habits, certains s'endetteront même pour se rendre aux cérémonies.
Fêtes et promenades se mélangent aux exercices de piété.
Louis XIV suit la procession de la Fête de Dieu. Les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne rencontrent les acteurs espagnols à l'occasion de représentations théâtrales et de divertissements produits dans la nouvelle maison commune, dont la construction à peine achevée par un bayle (maire) vindicatif veut déjà faire de l'ombre à la puissante voisine des Lohobiague. De grands bals y seront également donnés. Grands seigneurs et grandes dames font de multiples excursions à la frontière.
Le 9 juin, un cortège éblouissant accompagne les jeunes époux. L'église avait été reliée au logis de l'Infante par un passage en bois recouvert de riches tapisseries permettant aux membres du cortège de traverser à pied sec une place en terre battue (ou recouverte, tout au plus, de méchants pavés).
Divers écrits, essentiellement ceux du Chanoine Mathieu de Montreuil et de quelques mémorialistes de la Cour, permettent de reconstituer ce que dut être l'ordonnancement de la cérémonie.
En tête, marche le grand Prévôt et ses officiers ; puis, les Suisses, les trompettes et quelques gentilshommes.
Le Cardinal parait en camail et rochet.
Louis XIV, dans tout l'éclat de sa jeunesse, avivé par le manteau de brocart d'or, attire les regards et les cœurs.
La reine, petite, mais menue et gracieuse dans sa robe lamée d'argent, à la longue traîne de velours violet, semée de lys, porte sa lourde couronne sur la tête.
Une cérémonie complexe
L'église paroissiale est trop exiguë pour accueillir cette foule. Le roi fait réserver aux notables du lieu une place privilégiée.
Il avait été décidé que les ducs et pairs, ainsi que les maréchaux, resteraient debout pendant les cérémonies. Les prélats occupent la place que l'usage leur réservait sur les bancs. Un conflit de préséance éclate, l'incident est conté par François Abbadie et Edouard Ducéré :
"Les évêques assis ! Les ducs debout ! Quel outrage pour ceux-ci ! Les ducs se plaignent, ils demandent des sièges, on les leur refuse; alors, comme le soin de leur distinction les touche après tout plus que leurs aises, ils se résignent à n'être pas assis, pourvu que les évêques de leur côté restent debout. Mazarin, sollicité dans ce sens, et plus intéressé à ménager l'épée que la crosse, donne raison au parti des maréchaux, fait enlever le banc des évêques et déloger ceux qui y avaient déjà pris place. Grand émoi dans le camp des vaincus. Les ecclésiastiques s'assemblent dans la sacristie. Ils suggèrent à l'évêque de Bayonne de venger l'affront fait à ses collègues, en refusant de bénir le mariage, mais le sage prélat recule devant un acte d'insubordination qui pourrait lui ouvrir les portes de la Bastille."
Pour donner libre cours à leur dépit, dit la chronique du temps, ils quittent l'église. On ne sait jusqu'où ils pousseront la promenade.
La longue cérémonie se déroula jusqu'à trois heures de l'après-midi. Finalement Mgr d'Olce donne la bénédiction nuptiale. Le cardinal de Mazarin présente au couple royal l'instrument de paix admirablement ciselé. La cérémonie terminée , le cortège gagne la maison des reines dans le même ordre. Du haut des galeries de Joanoenia, Mazarin, Louis XIV et Marie-Thérèse jettent à la foule des poignées de pièces d'or et d'argent qui portaient, à l'avers, les deux figures royales et au revers, la ville de Saint-Jean-de-Luz, sur laquelle tombait une pluie d'or, avec cette inscription : Non Laetior alter : il n'en est pas de plus joyeuse.
La Reine, avec sa belle-mère (et tante) Anne d'Autriche rejoignit plus tard à Lohobiague-Enea son époux qui manifestait quelque hâte pour la nuit de noces ; au moment de l'habillage, elle pressait ses camareras (dames d'atours) par des "presto, presto, que el rey me espera !"
Malgré la légende, il semble que ce n'est que bien après le départ du couple royal (peut-être lorsque le magnifique retable fut exécuté dans l'atelier de Martin de Bidache, entre 1666 et 1670) que la porte par laquelle il eut accès à l'église fut murée, afin que nul ne la franchisse jamais, avec un ciment qui a résisté à toutes les révolutions. En 1790, les Sans-Culottes de Saint-Jean-de-Luz ne réussirent pas, malgré leur acharnement à la faire éclater.
En 1701, Joannes de Quirno, harponneur de baleines, y aurait dansé devant le duc d'Anjou ; le petit-fils de Louis XIV passait par Saint-Jean-de-Luz pour aller prendre possession de son trône d'Espagne. Le danseur fit une telle impression qu'on donna son nom au quartier d'Ainhoa dont il était originaire : Dantxarienea, la "propriété" du danseur, ou Dancharia.