« Adam » - Film franco-marocain de Maryam Touzani – 100’
Maroc, Casablanca. Samia (Nisrin Erradi), jeune femme enceinte, portant une valise, chemine lentement dans les venelles de la médina. Avec obstination, elle frappe à chaque huis : elle cherche un travail quel qu’il soit. Peu lui importe la tâche. Devant son allure décidée, sa grossesse avancée, tous refusent sous divers prétextes. Elle n’a pas plus de chance avec une femme au visage sévère, Abla (Lubna Azabal), qui l’éconduit sèchement. Alba vit avec sa petite fille, écolière de 8 ans, Warda (Douae Belkhaouda) ainsi prénommée en hommage à la grande diva algérienne Warda El Djazairia (1939/2012) que sa mère admire.
La petite Warda, gamine espiègle, a sympathisé avec Samia. La nuit tombe sur la médina. Samia tente de dormir sous un porche en face de l’appartement d’Alba dont le rez-de-chaussée fait office d’échoppe. Alba culpabilise, ne peut s’endormir. Elle finit par accueillir Samia dans son salon pour une nuit…
Alba est une femme indépendante, volontaire, sans empathie apparente, toute dévouée à son petit commerce de pâtisseries qu’elle exerce avec obstination. Samia, bonne cuisinière, veut aider Alba pour améliorer son négoce : elle se fait rabrouer. Les rapports se tendent jusqu'à la rupture malgré l’intercession de Warda.
Face à la dureté d’Alba que rien ne semble entamer, Samia décide de retourner dans son village : elle quitte brusquement le logement d’Alba…
Un cinéma marocain de qualité, mais en difficulté...
Depuis quelques années le cinéma marocain nous propose de très bons films : Much Loved (2015), Razzia (2017) du réalisateur Nabil Ayouch par ailleurs époux de la réalisatrice d’Adam Maryam Touzani (40 ans) dont c’est le premier long métrage. Ensemble ils ont écrit le scénario, et Nabil Ayouch en est devenu le producteur. Pour son premier opus, la réalisatrice a choisi de cadrer de nombreuses scènes intérieures, dans l’appartement-échoppe, en plan moyen, gros plan, et très gros plan, au plus près des visages : émacié et sévère pour Alba, rond et paisible pour Samia, rieur et avenant pour la petite Warda. Elle décrit visuellement, avec justesse, avec une palette de couleurs chaudes dans des cadres faiblement éclairées (Johannes Vermeer !), un gynécée exiguë dans lequel se meuvent deux femmes aux tempéraments opposés et une enfant éveillée. La caméra toujours mobile, sans ostentation, effleure les personnages qui emplissent l’écran, presque à tout instant, créant par la même une tension sur le déroulé de l’histoire : une fille mère, sur le point d’accoucher, est inconcevable dans la société marocaine si traditionnaliste dans ses mœurs.
Le cinéma marocain est en crise depuis des années : peu de salles obscures sont encore ouvertes à part dans trois villes : Casablanca, Marrakech (ou il y un Festival International du Film depuis 2001 initié par Daniel Toscan Du Plantier) et Tanger. Les maux sont connus et cumulatifs : obsolescence du matériel de projection (passage au numérique), piratage intense (sport national dans tout le Maghreb), censure tatillonne des « autorités religieuses », etc. De fait, il n’y a que 1,5 millions de spectateurs au Maroc pour une population de 34 millions d’habitants. Ratio ridiculement bas. Pourtant ce pays attachant a des atouts : pas moins de 3 écoles de cinéma et des studios importants à Ouarzazate, une structure administrative comparable à notre CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée).
Aussi faut il soutenir ces films de qualité qui ont une visibilité internationale grâce aux festivals de cinéma. Adam a été sélectionné au dernier Festival de Cannes dans la section « Un Certain Regard » et au 12 ème Festival du Film Francophone d’Angoulême.