Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran depuis octobre 1981, avait été assassiné le 1er août 1996 dans l’explosion d’une bombe déposée devant son évêché, qui avait détruit son véhicule et tué également son chauffeur, quelques heures après la visite en Algérie du ministre français des affaires étrangères, Hervé de Charette, qui s’était rendu sur les tombes des sept moines français de Tibhirine. Trois jours plus tôt, l’évêque d’Oran avait exprimé sa crainte d’« une recherche d’attentat spectaculaire pour pallier les effets positifs de cette visite ». Mais face à la terreur, il expliquait : « Si nous restons en Algérie, c’est pour donner notre vie pour sauver l’avenir, plutôt que de quitter ce pays pour sauver notre vie ». Inclus dans le groupe des martyrs d'Algérie, sa béatification a été annoncée en janvier dernier par le Saint-Siège. L’abbé François Xavier Esponde en rappelle ici le souvenir.
1 – Le temps de la reconnaissance universelle.
Mgr Claverie, dominicain, les trappistes de Tibhirine, et les autres religieux et religieuses morts martyrs seront portés sur les autels et béatifiés prochainement. Un sujet sensible en France et pour l’Eglise universelle. Car leur vie exemplaire pose de multiples questions jusque dans nos rangs de fidèles et de chrétiens. Le martyre est une épreuve pour chacun.
Entre 1994 et 1996 ils furent tous assassinés en Algérie parce que chrétiens au milieu d’un pays en guerre civile. Une cible facile pour ceux qui utilisèrent ainsi leur présence pour défendre des causes étrangères à leur mission.
Souvenons-nous, le 8 mai 1994 à Alger, le frère Henri Vergès, mariste, et sœur Paule Hélène Saint Raymond, de l’Assomption, tués dans le bureau du premier.
Le 23 octobre 1994, toujours à Alger, sœur Esther Paniague Alonso et sœur Caridad Alvarez Martin, Augustines missionnaires, tuées sauvagement.
Le 27 décembre 1994 à Tizi Ouzou, Jean Chevillard, Charles Deckers, Alain Dieutangard et Christian Chessel, pères blancs sont tués dans la cour de leur communauté.
Le 3 septembre 1995, sœur Angèle marie Littlejohn, et sœur Bibiane Leclercq de Notre Dame des apôtres, sont assassinées à leur tour.
Le 10 novembre 1995 à Alger, sœur Odette Prevost, du Sacré Cœur, connaît le même sort.
En mai 1996, les trappistes Christian de Clergé, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand, Célestin Ringeard, Luc Dochier, Michel Fleury, Paul Favre Miville, sont décapités dans la nuit du 20 au 21 mai 1996.
Enfin, le 1er août 1996 à Oran, l’évêque Mgr Claverie est tué avec son chauffeur musulman, Mohamed Bouchichi..
Leur engagement religieux est le mystère de leur vie personnelle. Pour l’Evangile comme pour les premiers témoins de la foi, mais leur sacrifice est une question ouverte pour tout un chacun.
En 1994 tous les étrangers avaient reçu ordre de partir sous la menace de mort. Mais certains comme les trappistes restèrent pour résister à la menace terroriste, mais cette dernière fit ses victimes en nombre.
Le dernier des survivants de la communauté trappiste rappelle « le sens de cette vie de silence, de présence, et de lumière spirituelle », difficile à partager pour celui qui ne peut le comprendre, mais permanent de la part de ces religieux consacrés à Dieu et à leurs frères en humanité, quelles que soient les circonstances.
« L’amour demeure plus fort que toute mort, et toute haine », ce peut être en ces termes que beaucoup partageront le temps de la béatification de ces hommes et femmes d’exception, dans l’incompréhension des uns et l’admiration suprême des autres !
2 - Les martyrs d'Algérie en film et au théâtre
La vie et le sacrifice des 19 martyrs d’Algérie béatifiés en 2018 a déjà inspiré le cinéma et le théâtre. La pièce produite par un dominicain professeur à l’IDEO du Caire « Pierre et Mohamed » est jouée en France. Son auteur Adrien Candiard a repris des textes de Mgr Claverie. La pièce fut présentée en Avignon en 2011, mise en scène par Francesco Agnello et reçut un accueil chaleureux et admiratif du public.
Le livre de son ami et proche collaborateur Jean Jacques Pérennès, directeur de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem intitulé « Un algérien par alliance » relate ses souvenirs et le témoignage de l’Evêque d’Oran assassiné.
Quant au film « Des hommes et des Dieux » produit en 2010 sur les cisterciens de l’Atlas tués sauvagement, il est projeté dans les salles de cinéma et à la télévision.
On peut encore consulter les archives de l’Ina sur le déroulé des événements survenus en Algérie lors de la guerre civile et retrouver la suite des circonstances qui conduisirent à l’assassinat des moines dans leur monastère.
Avec la célébration de la béatification des martyrs de l’église en algérie, nul doute que l’intérêt pour ces hommes d’exception ira croissant de la part du public.
Mgr Claverie, né en Algérie, issu d’une famille établie dans ce département français d’alors depuis quatre générations, fut hanté par la quête du dialogue nécessaire entre croyants issus du christianisme et de l’islam. Il en paya le prix de sa vie. Le sang du martyre, semence de la Foi, se confirme dans le témoignage intense de Pierre Claverie et de ces religieux morts en service de la mission, désormais reconnue par le bénéfice de leur vie de sacrifice.
François-Xavier Esponde