0
Actualités
Maité Lafourcade honorée à Bayonne
Maité Lafourcade honorée à Bayonne
© ALC

| Alexandre de La Cerda 816 mots

Maité Lafourcade honorée à Bayonne

Chaque année, la société d’études basques Eusko Ikaskuntza et la Ville de Bayonne remettent une série de prix afin de récompenser les travaux de recherche et de création qui ont trait au Pays Basque, particulièrement aux territoires d’Iparralde et à Bayonne, leur capitale, toutes disciplines confondues.

Le Prix d’Honneur a pour vocation de récompenser le parcours exemplaire d’une personnalité ou d’un groupe de personnes ayant contribué à la connaissance et la défense de la langue et/ou de la culture basque tout au long de sa vie. Succédant à une longue série de lauréats débutée en 2000 avec le souletin Clément Urrutybehety, le signataire de cet article et Jacques Blot en 2001, et le chef d’orchestre et compositeur Javier Bello Portu en 2002 – pour ne citer que les premiers nommés – c’est Maïté Lafourcade qui recevra le makila de Bergara ; professeur émérite d’Histoire du droit qui a consacré ses travaux, en grande partie, au territoire du Labourd, elle avait déjà été la première femme à obtenir le Prix « Humanités, Culture, Art et Sciences Sociales » décerné par Eusko Ikaskuntza et la Caja Laboral. Et il y a près de cinq ans, Maïté Lafourcade avait reçu à Bilbao, dans un théâtre Arriaga bondé, le Prix annuel de la Fondation Sabino Arana, récompense prestigieuse qui marquait la reconnaissance de toute une vie professionnelle consacrée au droit basque dont cette active amatxi a continué l’enseignement public à la Faculté Pluridisciplinaire de Bayonne malgré une retraite bien méritée.

Une démocratie familiale et solidaire
C’est presque par hasard que cette fille de commerçant bayonnais se prit de passion pour le droit traditionnel basque, lors d’une rencontre avec un universitaire, unique spécialiste de la question à l’Université de Bordeaux, et dont le père jouait au bridge avec le sien ! Or, pour Maïté Lafourcade, ce droit si particulier « révèle comment la société basque était organisée pendant des siècles ». Représentatif d’un état d'esprit différent, « il n'était pas individualiste. Par exemple, le caractère collectif du droit de propriété au Pays Basque pourrait expliquer le succès des coopératives au XXe siècle ». Et en ce qui concerne le patrimoine familial, le respect de la maison ancestrale et sa transmission à l’aîné(e) – à charge pour lui (ou elle) d’assurer la formation ou la subsistance du reste de la fratrie - aurait permis au Pays Basque de demeurer fidèle à lui-même pendant des siècles, de survivre. Ainsi, l'héritier était seulement le gestionnaire des biens, il ne pouvait pas vendre la propriété qui appartenait à toute la famille. Après la Révolution, l'arrivée du Code Civil en France a introduit une conception individualiste qui a morcelé les propriétés et entraîné la vente des maisons, jusqu’à la spéculation foncière effrénée d’aujourd’hui.

De même, pour les terres communales, la propriété était collective. Quant au pouvoir « politique », il appartenait aux maisons, aussi bien au Pays Basque Sud qu'au Nord. Pour prendre l’exemple du Biltzar du Labourd, les assemblées de maîtres de maisons se réunissaient dans chaque village à la sortie de la messe dominicale et délibéraient toujours à la majorité, chaque maison ayant une voix, quelle que soit son importance. Puis, ils désignaient un représentant pour l'Assemblée Générale ou Biltzar dont la première session permettait au Syndic d’exposer les propositions. Les députés retournaient ensuite dans leurs villages où les maîtres de maison votaient sur les propositions. Une seconde session du Biltzar adoptait la décision, chaque paroisse disposant d’une voix : « à la différence de ce qu'on appelle démocratie de nos jours, celle en usage chez les Basques n'était pas individuelle. Chaque maison ayant une voix - et non chaque individu -, la démocratie avait une base familiale » ! D’ailleurs, poursuit Maité Lafourcade, « l’amour des Basques pour leur etxe ne reflétait-il pas celui qu’ils portent à leur pays » ?

Culture et vidéos
Quant aux autres prix décernés ce vendredi dans le grand salon de l’hôtel de ville bayonnais, la Société d’Études Basques et la Ville de Bayonne ont choisi de récompenser des travaux qui se complètent avec l’œuvre de Maïté Lafourcade et s’inscrivent dans une certaine continuité.

Le Prix Culture Basque récompense ainsi la thèse d’Histoire moderne de Bertrand Augé qui aborde des problématiques juridiques similaires dans une autre province du Pays Basque Nord, les États de Basse-Navarre. Le Prix de création Vidéo-documentaire est, quant à lui, attribué à Elena Canas et Ainara Menoyo pour leur documentaire « Maitia nun zira » sur les enregistrements sonores de prisonniers basques détenus dans les camps allemands durant la

Première Guerre Mondiale. Cette année, un Prix Spécial de création Vidéo-Documentaire est remis à Ibai Aguirrebarrena, David Rodriguez, Eneko Etchegaray et Mikel Petuya pour leur film « Bisaiak jauziaren aurpediak » réalisé dans le cadre du projet Jauzia. Ces deux documentaires partagent, malgré des sujets distincts, une préoccupation commune pour la transmission de la mémoire collective basque. Eusko Ikaskuntza organisera au cours de l’année 2017 des conférences et des projections afin de rendre les travaux des lauréats accessibles au public.
Alexandre de La Cerda

 

VISUEL/DR

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription