Pascal Mathieu, en mélomane averti et organisateur de concert, ne mesure pas son enthousiasme devant le succès du dernier concert de l'Ensemble Orchestral de Biarritz dirigé par Yves Bouillier : depuis Sacha Guitry (semble-t-il), « Le silence qui suit Mozart est encore du Mozart ! ». Ce dimanche 11 novembre, dans une cathédrale de Bayonne archi-comble, le silence, impressionnant, a précédé Mozart et son mythique Requiem porté, exalté par près de 200 chanteurs et musiciens !
Dès 15h, une heure avant le début du concert, la Cathédrale était déjà pleine, la file d’attente débordant les rues adjacentes. Bientôt tout ce qui pouvait accueillir séant (chaises, bancs de confessionnaux, marches d’autels, tables de presse) était réquisitionné, les derniers arrivants faisant corps…avec le dallage multiséculaire du haut-lieu. Parmi les spectateurs chanceux qui avaient pu trouver place, on remarquait des membres associations d'anciens combattants, ainsi que des représentants de l'armée, commémoration du centenaire de l’Armistice oblige. A noter également la présence d'élus de Biarritz qui soutiennent remarquablement l'Ensemble Orchestral de Biarritz depuis sa création.
Le silence observé par le millier d’auditeurs, total, impressionnant, paralysant même les tousseurs institutionnels de l’automne (!), était proprement religieux, à l’évocation du sacrifice, consenti, un siècle plus tôt, par la fleur de la jeunesse d’un pays, d’un continent ravagés par la folie des hommes, et la vague d’applaudissements précédant l’exécution musicale s’adressait aux 1,4 millions de Poilus disparus, criant aux générations futures « plus jamais ça ! ».
Le ton était donné ! Le public, dans son nombre, dans sa ferveur, n’était pas là par hasard, en ce jour, en cette heure et en ce lieu, porté par un besoin de communion, d’un siècle à l’autre, transcendé par le chant de paix de la musique.
Yves Bouiller, initiateur inspiré de l’évènement, créateur de l’Ensemble Orchestral de Biarritz, l’un et l’autre devenus, en peu d’années, référence régionale incontournable, « n’avait plus qu’à » tenir intactes la tension et l’émotion durant les 90 minutes qui allaient suivre ! La célèbre Sarabande de Haendel en prélude instrumental, démontrait la remarquable qualité de son orchestre (où quelques fonts chenus et blanchis retrouvent les 15 ans de leur voisin de pupitre !), prenant par la main avec maîtrise et gravité le public pour le porter vers l’extase, dès qu’entraient les 120 chanteurs des chœurs de l’OSPB et de Chantandour.
Commençaient alors 60 minutes de miracle absolu. L’acoustique généreuse mais dangereusement réverbérante de la Cathédrale, qui fait si peur, lors des répétitions « à vide », devenait, grâce à la densité physique – mais aussi spirituelle – du véritable tapis humain recouvrant l’entière surface du vaisseau, l’écrin sonore idéal à sublimer ce chef-d’œuvre éternel !
Dès les premières mesures de l’Introit, il était évident que l’on ne jouait pas dans la catégorie « amateur », ni même avec des professionnels venus « cachetonner » avec un nième Requiem. Par l’exceptionnel talent fédérateur d’Yves Bouiller, la précision et le dynamisme de sa direction, le parfait dosage vocal des quatre solistes, fidèles et fins connaisseurs du lieu, l’équilibre parfait du chœur et de l’orchestre, il est difficile d’imaginer que la grande majorité des acteurs de cet évènement était faite d’ « amateurs ». Mais peut-être ce fait même, ce don total, après de nombreux mois de préparation, pour la seule beauté de l’art, de ces 200 chanteurs et musiciens de tous âges et tous milieux, ne faisant plus qu’une voix au service de Mozart, mais aussi de la Paix et de l’Amour fraternel… n’était pas étranger à ce miraculeux moment de grâce. Ce don total qui a été l’authentique eucharistie de cette Messe de Requiem, qui restera, n’en doutons pas, dans la longue et riche histoire de notre cathédrale. L’Ave Verum, écrit la même année, concluait dans le recueillement, tandis que « le silence qui suit »…fut remplacé par une longue « standing ovation », que seule a pu interrompre…la dernière messe dominicale du soir !
Parmi les spectateurs, l’ancien trompettiste de l'Orchestre régional Bayonne Côte basque Jean Sibra ne manque pas d’éloges : « belle prestation des chœurs en nombre imposant dans un bel équilibre vocal et précision, ainsi que des solistes de qualité. Belle prestation de l'orchestre dont le chef Yves Bouillier maîtrise parfaitement et avec talent l'ensemble des exécutants. On remarque le pupitre des cuivres composé de jeunes et prometteurs étudiants, et celui des cors de basset – en usage sous Mozart – ainsi que l'unité dans la diversité entre professionnels et amateurs (dans le sens noble du terme). Dans l'ensemble, parfaite connaissance de l'œuvre : mouvements, nuances, précision, justesse, sous une baguette affirmée. Un grand moment musical au Pays Basque ».
Et les messages de félicitations n’ont pas manqué sur les réseaux sociaux : « Je tiens à remercier du fond du cœur l'Ensemble Orchestral de Biarritz et les chœurs pour cette magnifique interprétation de ce majestueux Requiem de Mozart, en la Cathédrale de Bayonne. Fille d’un ancien altiste de l'ONBA, à l'époque sous la baguette d'Alain Lombard, je désespérais de ne pas entendre d'interprétation aussi vive intense et subtile. Je fus servi cette après-midi. Yves Bouillier, je vous tire mon chapeau : vous avez dirigé ce Requiem avec une vitalité remarquable, donnant du relief et rendant parfaitement la profondeur et la puissance à l'œuvre. Ce fut une interprétation très émouvante qui a su transporter le public venu si nombreux ; je n'ai jamais vu la cathédrale remplie à ce point depuis que j'assiste à des concerts. Une prière chavirante !
A noter que le prochain concert de l'Ensemble Orchestral de Biarritz « Entrez dans la danse » aura lieu le 2 décembre à la Gare du Midi et sera, comme l'an dernier, présenté par Christian Morin.