Rachel (Virginie Efira) est professeure de français dans un lycée parisien. La quarantaine épanouie, belle, elle est célibataire, sans enfant. Certains soirs elle se rend à des cours collectifs de guitare. Elle y fait la rencontre d’Ali (Roschdy Zem), un bel homme célibataire, cadre supérieur, séparé de sa femme Alice (Chiara Mastroianni) et père d’une petite fille de quatre ans, Leila (Callie Ferreira-Goncalves).
Rapidement, une idylle se noue : Rachel et Ali s’accordent bien ensemble. Au bout de quelques temps, Rachel vient s’installer dans le bel appartement d’Ali sous les yeux, vite dessillés, de la petite Leila.
Au début, la cohabitation avec l’enfant n’est pas sans frictions ; Rachel fait des efforts pour se faire admettre dans le cocon familial. Cette situation ravive chez elle son propre désir d’enfant. Elle consulte son gynécologue, le docteur Wiseman (caméo du grand documentaliste américain, Frederick Wiseman !) qui lui confirme qu’à son âge, le compteur biologique féminin tourne, pas en années, mais en mois.
Rachel demeure dans une situation inconfortable entre Leila, dont elle s’occupe avec attention, et Ali tiraillé par sa culpabilité d’homme séparé de son épouse. Rachel évite le cliché de la « méchante belle-mère » des films de Walt Disney (1901/1966).
Ali semble de plus en plus évanescent d’autant que sa femme légitime réapparaît… Rachel doute du devenir de sa relation avec Ali. Son désir d’enfant, toujours aussi tenace, la préoccupe…
Les Enfants des autres est le cinquième long métrage de Rebecca Zlotowski (42 ans) et le plus réussi depuis son premier opus Belle Épine (2010) avec Léa Seydoux alors actrice débutante. La réalisatrice, ancienne élève de la FEMIS (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) est une féministe active, et l’une des porte-paroles du Collectif 50/50 lequel défend la parité homme/femme dans le cinéma français. Bien que féministe assumée, elle continue de défendre le cinéaste Jean-Claude Brisseau (78 ans) accusé de harcèlement sexuel. Cette femme intelligente, déterminée, démontre que l’on peut être dans le nécessaire combat pour la cause des femmes sans devenir une pourfendeuse obsessionnelle du comportement des hommes, réel ou fantasmé (« des violeurs potentiels ! »). Dans nos sociétés occidentales, la guerre des sexes est incongrue ! Il existe dans la « boîte à outils » des relations femmes/hommes des méthodes et des moyens plus pacifiques …
Bien évidement avec sa formation à la FEMIS, Rebecca Zlotowski a visionné des films américains traitants du sujet du couple en crise et de l’émancipation de la femme : Une Femme libre (1978) de Paul Mazursky (1930/2014) avec Jill Clayburgh (1944/2010) et Alan Bates (1934/2003), Kramer contre Kramer (1979) de Robert Benton avec Meryl Streep et Dustin Hoffman et enfin L’Usure du temps (1982) d’Alan Parker (1944/2020) avec Diane Keaton et Albert Finney (1936/2019).
En France le cinéaste Claude Sautet (1924/2000) a réalisé Une histoire simple (1978) avec une lumineuse Romy Schneider (1938/1982) à la maternité d’abord rejetée puis acceptée, trois ans après la Loi Weil sur l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse).
Rebecca Zlotowski en toute connaissance, nous propose un film suivant un autre point de vue. Rachel est une femme contemporaine, libérée, mais non accomplie suivant ses vœux : elle a la volonté de concevoir un enfant afin de se réaliser pleinement en tant que femme.
Rebecca Zlotowski scénariste, déclare avoir traité « un sujet rare et accessible sur la maternité, sur cette possibilité pour les femmes d’appartenir à ce grand lieu commun qui est celui d’être mère ». Elle cinématographie son scénario avec subtilité, sans s’appesantir (mêmes les courtes « scènes de lit » sont réussies) et son film est d’une grande fluidité narrative, avec ses ouvertures et fermetures de plans à « l’iris » comme pour isoler un personnage ou une situation ; jamais elle ne s’appesantit dans un mode démonstratif et encore moins dans le programmatique trop souvent présent dans un récit cinématographique. Rachel, Ali, la petite Leila et sa mère sont soumis aux contraintes et aléas de la vie. C’est ainsi.
Sur un excellent scénario, dirigés d’une main ferme, quoique féminine, les acteurs sont tous épatants pour nous narrer une histoire de notre temps. A noter pour l’anecdote que Rebecca Zlotowski lors de la préparation des Enfants des autres a découvert qu’elle était enceinte. Elle a tourné son film en attendant un enfant qui est né quelques jours après la fin du mixage (images et sons) !
Les Enfants des autres a été projeté à la Mostra de Venise 2022 en sélection officielle.