Nous avions relaté dans notre « LETTRE » de la semaine dernière la rencontre avec les ambassadeurs européens en poste à Madrid du Lehendakari (président de la Communauté autonome basque) qui avait demandé de progresser dans la reconnaissance juridico-politique des réalités nationales basque et catalane en consultant les habitants sur leur avenir, si les institutions parlementaires en décident ainsi.
Au cours de cette réunion, Iñigo Urkullu avait également fait référence à la mise à jour « positive » du « Concierto economico » basque (accord économique avec l’Etat central) « après une décennie de désaccords », ce qui n’avait pas manqué de « renforcer la nature bilatérale des relations » (autonomie/Etat central, ndlr), « clé de voûte » de l'autonomie basque et fondement des relations entre le Pays Basque et Madrid « dans le respect et la reconnaissance mutuelle (…) Le caractère bilatéral signifie que personne ne peut imposer sa position à l'autre partie », avait-il déclaré, en rappelant que « ce système de relations bilatérales, enraciné dans l'histoire depuis 1878, était resté en vigueur depuis lors, à la seule exception des provinces de Gipuzkoa et de Biscaye pendant le gouvernement de Franco ».
A ce propos, il n’est pas inutile de revenir sur les « conciertos economicos », ce statut particulier régissant les rapports fiscaux, économiques et financiers entre Euskadi et l’Etat central madrilène, que j’avais un jour évoqué au cours d’un entretien avec Pako Arizmendi, chef d’une entreprise (imprimerie) à Saint-Jean-Pied-de-Port (dont il est conseiller municipal) et président de l’Ipar Buru Batzar (exécutif régional) du Parti Nationaliste Basque (PNV).
Effectivement, en Pays Basque Sud (Communauté autonome d’Euskadi), il y a un gouvernement avec des pouvoirs réels, alors que du côté français, le pouvoir de la région est beaucoup plus limité, ce qui empêche, peut-être, certains projets d’aboutir, en raison de types de gouvernance très différents.
Car, on n’a pas idée, chez nous, de la capacité de décision d’un gouvernement autonome comme celui d’Euskadi qui prélève lui-même l’impôt dont la plus grande partie reste sur place…
- … En vertu des « Conciertos economicos » qui soumettent à une négociation renouvelée chaque année la part – très modeste – que le gouvernement d’Euskadi reverse à celui de Madrid, en fonction des compétences « régaliennes » de ce dernier : par exemple, la sécurité sociale, le Chef de l’Etat (le roi), les transports, les Affaires Etrangères, les Forces Armées, etc… (Dans le système basque des conciertos économicos, c’est la Diputacion /sorte de Conseil départemental ou provincial/ qui collecte les impôts. Ensuite, elle négocie avec l’Etat la partie des impôts qu’elle lui reverse : il y a un pourcentage qui revient au gouvernement basque, une partie revient en propre à la Diputacion, et le restant est distribué entre les mairies de chaque province). Les gens sont stupéfiés quand je leur dis que le budget de la Communauté autonome d’Euskadi (Navarre non comprise) équivaut à dix fois celui de l’Aquitaine ! Ainsi, la proximité, c’est quelque chose de très important pour le développement économique : on n’a pas besoin de demander l’autorisation à Madrid, les décisions prises sur place sont beaucoup plus rapides, donc efficaces.
- On le voit pour les infrastructures – les routes en excellent état dès qu’on passe l’ancienne frontière…
-… Car, il y a là-bas une « puissance de feu » très importante : une statistique récente place Euskadi largement en tête pour la consommation – avant Madrid – ce qui indique un certain niveau de richesse ; quant au chômage, certes, les Basques du Sud ont subi la crise économique, comme partout, mais ils sont en train de revenir progressivement à la situation antérieure, en 2007, lorsqu’ils connaissaient pratiquement le plein-emploi, à 4% de chômeurs. On voit ainsi l’importance de gérer soi-même son économie, son « histoire », c’est d’ailleurs notre « credo » au PNB.
- Et il y a l’exemple du Guggenheim de Bilbao financé par le gouvernement basque contre l’avis de Madrid qui craignait une concurrence avec le musée « Reina Sofia » : on voit le résultat, les milliers d’emplois induits et la « résurrection » de Bilbao.
- Entre autres, et à la fin de l’époque des hauts-fourneaux, ils ont revu toute l’économie en mettant en place le système des clusters ; en résumé, ils ont opéré une extraordinaire renaissance de l’économie de Bilbao sous l’administration de maires du PNV qui sont à même, avec l’aide du gouvernement basque, de prendre rapidement les décisions qui s’imposent en donnant une priorité aux performances économiques, car ils savent que c’est le nerf de la guerre.
Un exemple à méditer de « ce côté de la muga »…
Alexandre de La Cerda