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Le Pays Basque sur le chemin de la paix ?
Le Pays Basque sur le chemin de la paix ?
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| Abbé François-Xavier Esponde 1485 mots

Le Pays Basque sur le chemin de la paix ?

Dans nos « Lettres » précédentes, l’abbé François-Xavier Esponde avait évoqué ces initiatives à propos du désarmement d’ETA (« Lettre » du 13 avril) et la recherche de la Paix au Pays Basque, en particulier l’accord de coopération signé entre le Ministère des Affaires Etrangères français et le réseau de médiation Sant’Egidio dont un des « négociateurs », Mgr Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et ancien assistant ecclésiastique de la Communauté de Sant’Egidio, avait pris une part active au désarmement officiel de l’ETA - grâce, d’ailleurs, à l’assistance du maire de Cambo, Vincent Bru – (« Lettre » du 21 avril). Le mouvement se poursuit avec une « veillée de prière pour la paix » qui aura lieu ce vendredi 19 mai à 20h à l'église de Saint-Jean-Pied-de-Port, ainsi qu’une manifestation en faveur des détenus basques organisée le 16 décembre prochain à Paris, date anniversaire de « l’opération de Louhossoa ».

Entretemps, une conférence « Eliza eta bakegintza » a été donnée récemment à Vitoria/Gasteiz, sur ce sujet : « Eglise et pacification : pont ou tranchée ? », une pacification qui semble un sujet sensible et controversé que nous analyse François-Xavier Esponde :

1 – L’église dans la société.
Le 10 mai dernier, le père Unzueta, théologien, professeur et vicaire général du diocèse de Bilbao a donné une conférence au Palais des Congrès de Vitoria sur « Le chemin de la paix, un pont ou une tranchée de défense pour la société basque aujourd’hui » ? Soit, un retour sur le passé d’un processus de paix de plusieurs décennies qui concerna la vie de l’Eglise dans les diocèses basques. Le père Unzueta rappela les étapes politiques des différentes circonstances qui avaient ponctué le déroulé de la vie de nos voisins basques outre-Bidassoa.

L’église a-t-elle servi de pont ou de tranchée de défense au cours de ces années douloureuses de violences et d’assassinats successifs pendant la transition démocratique et l’avènement de la démocratie ? Or, le temps de la purification des esprits fut ardu et long au fil de toute conversion de l’accueil des victimes de toutes provenances et des rencontres en vue du pardon.

Vatican II avait ouvert la voie du service de la paix et de la réconciliation sociale pour les croyants dans leur monde respectif. Comme la manifestation supérieure d’adhésion au Christ comme sacrement signe de l’union avec Dieu et du service de tout le genre humain.

La diversité des opinions de chacun est le signe évident de la vie de l’Eglise dans la société qui en est la manifestation même en sa pluralité. Dans la mouvance nationaliste radicale, on a pu noter au fil du temps une attitude réfractaire au fait religieux et à sa manifestation publique, d’autres chrétiens furent ouvertement hostiles à la violence de l’ETA et à toute violence politique dans les relations sociales. Tandis que des prises de paroles publiques osèrent cependant s’exposer ouvertement dans une critique explicite des agissements de l’ETA.

Dans l’Eglise, les opinions individuelles réprouvaient toute forme d’assassinat et toute violence d’où qu’elle vienne et sollicitaient une attente de la paix. En 1969, à la Basilique de Begoña à Bilbao, Mgr José María Cirarda Lachiondo (administrateur apostolique de Bilbao, puis évêque de Pampelune, ndlr.) se prononça ouvertement sur le sujet au cours d’une homélie. Sa parole inspira par la suite les évêques eux-mêmes qui s’exprimeront au fil du temps contre la violence, pour la paix, sans discontinuer.

Des marches pèlerines de la paix à Aranzazu, à Urkiola, à Zenarruza puis encore le treize janvier 2001 à Armentia, furent des démonstrations publiques des chrétiens en faveur de la paix sociale et politique en faveur du Pays Basque. Dans le souvenir des 23 assassinats perpétrés au cours de ces années 90, qui horrifiaient la société civile et activèrent le Pacte de Lizarra Garazi de la fin de toute violence instrumentalisée par l’ETA et son cortège de violences de mort.

Une lettre commune signée en 2001 par 226 prêtres de Bilbao demandait la trêve effective du mouvement, et aux dirigeants politiques d’engager sans attendre des discussions de dialogue avec les activistes, puis enfin aux médias de renoncer à instrumentaliser par l’information de telles informations susceptibles d’accroitre la surenchère des faits et gestes en faveur du terrorisme.

2 -  Attention tardive aux victimes.
L’Eglise, enfin, demandait de se rapprocher davantage des victimes oubliées tout au long de ces décennies du paysage public de la société et des paroisses elles-mêmes. Mgr Uriarte servit de médiateur  auprès de l’ETA pour envisager une sortie de la violence à terme mais dont les résultats se firent encore attendre. A Bilbao, le Centre d’orientation familial “Lagungo” assura une aide psychologique et spirituelle aux victimes.

Si tous les évêques dénoncèrent non sans difficulté les agissements du franquisme, et tinrent à manifester publiquement leur soutien aux familles endeuillées par les crimes commis par l’organisation ETA, un silence fautif - dira le conférencier - perdura à l’adresse des  victimes quelque peu abandonnées à leur sort et au drame de leur vie. On peut citer l’engagement public de tous les évêques, célébrant eux-mêmes les funérailles des gens assassinés devant une opinion publique et un clergé parfois divisés face à ce choix diversement admis par des prêtres et les croyants eux-mêmes..

3 – Initiatives chrétiennes et travail de Gesto Por la Paz
Un recueil effectué par Galo Bilbao de 959 lettres d’origines diverses publiées de 1968 à 2006 sur ce sujet donne à comprendre l’engagement de moulte gens engagés contre la violence endémique de l’ETA et pour la mission pacificatrice en cours. Les chrétiens y furent nombreux, citons le mouvement Gesto por la Paz, puis Elkarri depuis 1992.

Gesto por la Paz, fruit d’une initiative des jeunes de la JAC - Action Catholique de Bilbao - en juin 1983 avait initié des concentrations de rue silencieuses contre la violence et pour la paix. Elles donneront vie à partir de 1985 au mouvement Gesto por la Paz numérique et dont les manifestations publiques comptèrent dans le paysage des cités basques en faveur de la paix.

4 – Le pardon
Vint désormais le temps du pardon - souligné par le conférencier - qui ne peut être un acte politique comme tel ; et de rappeler la déclaration de Mgr Anoveros : « la paix est impossible sans un repentir sincère de la part de tous ceux qui commettent des violences inhumaines et demandent pardon ». Le pardon demeure gratuit, tourné vers un horizon sans vengeance ni représailles, et qui ne sera jamais le fruit de nos propres forces, de nos attitudes ni de nos seules actions.

Tel fut le sens de la rencontre imposante tenue à Armentia en janvier 2001, une demande de pardon d’importance qui marqua les esprits et les participants venus par milliers à cette rencontre aux portes de Vitoria dans la basilique de l’Alava.

En 2000 à l’occasion des cinquante ans du diocèse de Bilbao de nombreux prêtres signèrent une déclaration commune disant leur refus de la violence, des paroles et des gestes en faveur de la liberté individuelle de penser et un appel au respect des droits humains si absents de ces années terrifiantes. Il manqua, dira le conférencier, du prophétisme et du courage évangélique pour transformer la condamnation explicite de l’ETA et de ses agissements inhumains.

5 – Tentation de tourner la page.

L’heure est venue de tourner la page - sans oublier - et accomplir un devoir de mémoire en faveur des victimes quelque peu oubliées en chemin car servir la paix est un défi majeur à l’heure où elle ne fait plus la une des informations publiques, et nourrit une certaine indifférence chez les plus jeunes générations en quête de ce travail de mémoire indispensable qui le considèrent comme étant du passé. Un travail commun entre les deux diocèses de Bilbao et de Vitoria s’ouvre autour de ce travail mémoriel dont les victimes doivent occuper leur place au sein de la société civile et de l’Eglise au moment même où d’autres rassemblements en faveur de la paix pourront rappeler le devoir de pardon et de réconciliation encore à venir pour chacun. En évitant les erreurs passées des idéologies dominantes et sans omettre le silence de tant d’hommes et de femmes, de croyants et de non croyants qui portèrent la croix d’une vie douloureuse de ces années terribles de la mort donnée par des humains sans dignité !

Epilogue

Les blessures de l’histoire passée demeurent vives, celles de la guerre civile l’ont été pendant longtemps, car les avis des uns et des autres sont divers face aux violences passées de l’histoire.

Travailler pour éviter l’idéologisation des esprits et rechercher le consensus éthique demeure un travail à poursuivre. L’Eglise fut elle un pont en faveur de la paix ? Nul doute que oui au prix de critiques dures pour son engagement. Fut-elle une tranchée de défense ? Oui également, dans sa vision globale des actes, des souffrances endurées, des crimes et des vexations subies par les victimes.

Le travail de l’Eglise paya le prix d’une opinion publique non acquise, parfois contraire à ses engagements, mais elle continue...

Abbé François-Xavier Esponde

Pax Christi Bayonne

 

 

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