« Fais de Beaux Rêves », film italien de Marco Bellocchio - 130 '
L’année nouvelle vient tout juste de commencer, mais nous avons déjà, grâce au CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image animée) les chiffres de fréquentation des salles obscures en France : 213 millions de billets ont été vendu en 2016, soit le meilleur chiffre depuis 2011, le deuxième depuis cinquante ans ! Le cinéma américain occupe toujours la première place avec 52,6% de part de marché, le cinéma français la seconde avec 35,3%. Le solde, non négligeable 12,1%, se répartit entre le cinéma européen (italien, anglais, espagnol, etc.) et mondial (Amérique latine, Corée du sud, Japon, etc.). Quantitativement le cinéma français en termes de production (220 longs métrages approximativement) et d’exploitation (5.500 écrans) se porte fort bien. Qualitativement… mais ne soyons pas grincheux en ce début de nouvelle année !
Depuis Vincere (2009), injustement oublié au palmarès du Festival de Cannes cette année là, nous avons perdu Marco Bellocchio (77 ans !) grand metteur en scène italien. Dès son premier film, Les Poings dans les Poches (1965), cinquante ans déjà, sur un sujet proche, les liens familiaux, il nous avait balancé un uppercut à l’estomac.
Turin, 1969, Massimo (Valério Mastradea) un enfant de neuf ans, vivant dans un grand appartement sinistre, perd sa mère mystérieusement. Que s’est-il réellement passé ? Quel secret est masqué par le roman familial raconté à Massimo? L’appartement familial regorge de meubles, de bibelots, de livres. Bien longtemps après, Massimo quarantenaire, à la mort de son père taiseux, livre aux déménageurs ces encombrants objets qui envahissent son espace matriciel, et brouillent sa recherche de la vérité. Entre ces deux moments, Massimo devient journaliste d’abord sportif (son père est un tifosi de l’équipe de football turinoise), puis grand reporter (guerre des Balkans) et enfin sous-directeur du grand journal du nord de l’Italie : La Stampa. Le récit filmique n’est pas linéaire et s’adresse à l’intelligence du spectateur. C’est une forme de puzzle qui astucieusement, pour pas nous égarer, s’appuie sur des « petits faits réels » : La télévision en noir et blanc (diffusion du feuilleton français Belphégor, grand succès à la télévision italienne), des guerres balkaniques (en couleur), des problèmes de diffusion des quotidiens (La Stampa), etc. Massimo, est balloté dans ce kaléidoscope à la recherche de la vérité, mais la veut-il vraiment ?
Ce film est une adaptation par trois scénaristes (réalisateur compris), du livre autobiographique de Massimo Gramellini (Fai Bei Sogni - 2012) qui a eu un grand retentissement dans son pays, et fort peu en France (Robert Laffont – 2013). Le dernier long métrage d’un vieux maître italien, toujours détonnant, mérite toute notre attention. C’est de surcroît, une bonne action de soutenir la production cinématographique de notre voisin transalpin qui en a bien besoin, le cinéma italien, à rebours du nôtre, étant en déliquescence.
P.S : Sortie en DVD avec livret du premier film de Marco Bellocchio « Les Poings dans les Poches » (1965) dans une version restaurée 4K magnifique.
Jean-Louis Requena