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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena
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| Jean6Louis Requena 537 mots

La critique de Jean-Louis Requena

Girl - Film belge de Lukas Dhont – 105’

Lara (Victor Polster) est une adolescente de 15 ans qui veut devenir danseuse étoile. Son père Mathias (Arieh Worhalter) et son petit frère de 6 ans, Milo (Olivier Bodart), ont déménagé pour se rapprocher de l’école de danse ou Lara fait ses gammes tout les jours. Celle que tout le monde appelle Lara est née Victor : c’est un garçon au corps longiligne, aux longs cheveux blonds, à l’allure diaphane. Il veut changer de sexe, né masculin dans un corps féminin. C’est sa volonté qu’elle affiche avec fermeté, douceur, au médecin et au au psychiatre qui l’examinent et conseillent avec bienveillance. Il n’y a pas de conflit avec ses proches ou son entourage artistique : pour tous, Lara est une fille féminine dans un corps gracile, inapproprié de garçon. Son sexe n’est pas le bon. Une opération chirurgicale va remédier à cette anomalie. Un protocole hormonal est engagé en vue de l’ablation prochaine.

Au milieu de ravissantes ballerines en juste-au-corps bleu, Lara travaille sans relâche ses gammes, en particulier ses pointes que son corps masculin a du mal à soutenir. Cet exercice douloureux met ses pieds en sang. De surcroît, elle « efface » son sexe par des bandes de tissus adhésifs qui la meurtrissent. Les ballerines le savent mais ne font  commérages. Tout le monde est au courant du sexe de Lara, de son désir d’en changer, mais personne n’en parle. Il n’y a ni tension, ni lazzi…

Lara est une fille en conflit permanent avec ce corps de garçon dont elle veut « changer » le plus rapidement possible. Bien qu’évoluant dans un environnement humain aimant, sa famille, ou tolérant, le studio de danse, elle est livrée à ses tourments intérieurs qui la rongent. Elle s’affronte à elle-même de plus en plus mutique.

Qu’elle va être le devenir de Lara qui trépigne en attendant son opération qui régulera sa jeune existence ?

Le premier long métrage du réalisateur belge Lukas Dhont (27 ans !) nous propose pas moins de trois films en 1 : un « teen-movie », un film d’apprentissage (la danse) et enfin une quête douloureuse (nouvelle identité sexuelle). Le résultat qui aurait pu être sombre, chaotique, est tout au contraire lumineux. Le metteur en scène également scénariste nous propose un film aux teintes chaudes (dégradés orangés), ou les protagonistes souvent chuchotent (hormis la maîtresse de ballet autoritaire) ou l’univers de Lara est comme apaisé en regard de son bouillonnement intérieur qu’elle canalise tant bien que mal.

Au dernier Festival de Cannes, ce premier long métrage a été couronné par une Caméra d’Or et un prix d’interprétation pour le jeune Victor Polster éblouissant dans ce rôle difficile d’adolescent fou de danse. En réalité, il est danseur et non comédien (choisi parmi 500 candidats !) et, nonobstant, d’une justesse bouleversante.

Alors que le sexe et sa pléthore de conséquences tourmentent nos sociétés dites avancées (LGBT, GPA, PMA, etc.,) ou la morale (laquelle ?), le prêt à penser tient lieu de défense, ce film jette un regard compréhensif sur la souffrance de ceux qui naissent dans un autre corps.

C’est un film doux et poignant que nous propose un tout jeune cinéaste plein de promesses.

Jean-Louis Requena

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