Stan & Ollie - Film anglais de Jon S. Baird – 97’
Hollywood, avril 1937. Stan Laurel (Steve Coogan) et Oliver Hardy (John C. Reilly) bavardent, blaguent dans le salon de maquillage, avant de rejoindre le plateau de tournage (magnifique plan séquence à la steadicam) du film Way Out West (Laurel et Hardy au Far West – 62’). Le réalisateur est un « tâcheron », James W. Horne, qu’ils ignorent, alors que le patron du studio avec lequel ils sont sous contrat exclusif est le redoutable Hal Roach (Danny Huston). Ils sont au sommet de leur carrière, connus dans le monde entier. Ils sont riches, célèbres et mènent une vie facile, insouciante, dispendieuse… Hal Roach, redoutable businessman les pressure et engrange des millions de dollars. Stan Laurel veut négocier un nouveau contrat car il s’estime spolié. Oliver Hardy tente de temporiser… Hal Roach menace… Il connaît les faiblesses de ses interlocuteurs : Stan, les femmes (il se mariera sept fois !), Oliver, les courses (il dilapide sa fortune sur les hippodromes).
La situation est bloquée. Stan reste intraitable : c’est le cerveau du couple, le générateur d’histoires et de gags. Oliver veut négocier : il a besoin d’argent et veut se marier avec sa nouvelle compagne, une script girl. Hal Roach qui a lancé de grands comiques (Harry Langdon, Harold Lloyd, etc.) ne veut rien céder et continuer à s’enrichir grâce au succès mondial de ce couple comique inimitable… Il a tenté d’en créer d’autres sans succès…
Nord de l’Angleterre 1953. Seize ans se sont écoulés. Stan et Oliver ont reformé leur duo pour une tournée « Music-hall » dans le pays natal de Stan. Ils ont vieilli, ils sont fauchés, Oliver a de graves problèmes de santé : il est devenu obèse, son cœur menace de lâcher. L’agent anglais qui les a engagés, Bernard Delfont (Rufus Jones), est un hâbleur peu fiable. Les hôtels sont minables et l’accueil du public très mitigé : les salles sont au trois quart vides. Les anglais, autrefois fans d’eux, les croyaient retraités voire décédés…
La tournée du duo comique qui a faire rire l’univers entier tourne au désastre. Les vieilles rancœurs, les griefs enfouies, surgissent au sein du couple reformé pour la circonstance…La catastrophe est imminente à moins que…
On ne présente pas « Lorèléardi » aux spectateurs d’un certain âge, tant ils ont été présents dans notre enfance. Ce duo magique a commencé sa carrière cinématographique en décembre 1926 (« Forty-Five Minutes From Hollywood - En direct de Hollywood – 17’ – film muet) jusqu’en 1951 (Atoll K – Film français de Léo Joannon – 89’) soit une carrière de 25 ans (106 films !). Leurs meilleurs opus sont leurs courts métrages muets ou sonores (2 bobines d’une durée de 15 à 20 minutes) et quelques moyens/longs métrages (huit bobines de 60 à 70 minutes). Tout le travail d’écriture des gags, et souvent de leur réalisation sur le plateau, reposait sur le « cerveau » du duo : Stan Laurel (1890/1965) sorte de « stakhanoviste » du clavier jusqu’au terme de sa vie. Oliver Hardy (1892/1957), Ollie ou Babe pour les intimes, ne discutait jamais les indications scénaristique de Stan : il admirait son partenaire toujours à la recherche du meilleur effet possible. C’était un couple artistique fusionnel, néanmoins distant en dehors des tournages : à chacun sa vie compliquée et dispendieuse (les femmes, l’alcool, le jeu, etc.).
Le scénario de Jeff Pope est issu de l’ouvrage « The British Tour » (1993) de A. J. Marriot. Ce n’est pas un biopic traditionnel, longitudinal, car il ne traite que de la tournée anglaise de 1953 où le duo, finalement escorté des épouses Ida Kitaeva Laurel (Nina Arianda) et Lucille Hardy (Shirley Henderson), « brûlent », sur les scènes anglaises, de leurs derniers feux. La reconstitution de cette époque est minutieuse (qualité anglaise oblige !) et le filmage, fort sage. La narration se déroule dans un halo de nostalgie, portée par de formidables acteurs : Steve Coogan (Stan Laurel) et John C. Reilly (Oliver Hardy). Ils n’imitent pas leurs modèles, ils les incarnent dans leurs gestuelles, dans leurs accents (Stan est anglais, Oliver américain de Géorgie), en dépit de physiques inimitables : dans la réalité Stan était plus petit, fluet, et Olivier plus grand et gros.
Le film, d’une facture plus que classique, à la réalisation soignée, appliquée, infuse un sentiment de nostalgie qui nous renvoie à l’enfance. Ce type de comique ou les gags sont à la fois prévisibles et ralentis dans leurs exécutions n’est plus de notre univers audiovisuel. Aujourd’hui, tout doit aller vite dans un vacarme assourdissant (dialogues, sons ambiants, musique).
Visionner ce long métrage empreint d’une nostalgie, instillant une tristesse involontaire, est un retour amont vers le pays lointain qu’est l’enfance. Il fouaille notre mémoire et ravive des souvenirs et émotions des rires d’antan.
Jean-Louis Requena