« La Communion » - Film polonais de Jan Komasa – 118’
Daniel, 20 ans (Bartosz Bielenia) est un jeune délinquant, apprenti dans une menuiserie située dans un centre éducatif surveillé (en semi-liberté), quelque part en Pologne. C’est un jeune homme violent dans un milieu carcéral : il est confronté à d’autres détenus tout aussi agressifs que lui. Il fait office de servant aux messes du père Tomasz (Lukasz Simlat), aumônier du centre de rétention. Daniel, fort pieux, en apparence, souhaiterait devenir prêtre. Son faible niveau scolaire, son casier judiciaire (meurtrier à l’âge de 15 ans), lui ferment l’entrée au séminaire. Pour l’extraire d’un univers criminogène, dangereux, le Père Tomasz qui s’est pris d’affection pour ce jeune garçon, l’envoie dans une scierie à l’autre bout de la Pologne.
Après un long voyage, Daniel arrive dans un petit village isolé que domine une église. Hésitant, il délaisse la scierie et entre dans l’église pour prier. Il y rencontre une jeune femme Marta (Eliza Rycembel) qui le prenant pour un jeune prêtre le présente à sa mère Lidia (Aleksandra Konienczna). Celle-ci s’occupe de la paroisse, du presbytère, ainsi que du vieux curé malade et alcoolique qui y réside. Le curé souffrant doit partir pour des soins. Ne décélant pas la supercherie, il propose à Daniel de le remplacer en son absence, dans sa cure, le temps de son hospitalisation…
Daniel, piégé par ses mensonges, panique car il ne possède que quelques rudiments du déroulement d’une messe, cette importante cérémonie chrétienne. Le lendemain il se présente dans l’église bondée de fidèles et y improvise un sermon…
En soutane qu’il porte avec assurance, Daniel le délinquant, l’usurpateur, semble transfiguré. L’habit fait il le curé ?
Une écriture cinématographique soignée
C’est le 3ème long métrage de fiction du réalisateur polonais Jan Komasa (39 ans), mais le seul distribué en France. C’est une œuvre forte dont le titre original (plus près de la réalité du film) est « Corpus Christi » (le Corps du Christ). La religion catholique, si prégnante dans la société polonaise, est abordée, dans le dernier opus de ce réalisateur, sous un angle particulier : Daniel jeune homme isolé, tourmenté, violent, a-t-il une véritable vocation religieuse contrariée (du fait de son passé), ou est-il seulement attiré par le désir pervers de plaire, d’être reconnu, admis dans une communauté ? Certes, ce n’est pas un saint, mais de nombreux saints chrétiens ne l’étaient pas avant d’être béatifiés : on ne naît pas saint, on le devient. Daniel en soutane, au visage émacié, aux yeux clairs, perçants, au corps noueux, christique en quelque sorte, fascine les habitants du village.
Les villageois quant à eux vivent un drame qui les divise…
Par son attitude, l’usurpateur provoque dans ce microcosme des turbulences autour de la foi, du mensonge, du pouvoir politique et économique (le maire est le patron de la scierie), du rapport de classes. Les fidèles réunis dans l’église, ou ailleurs, par Daniel, vrai/faux prêtre, se « bonifient » à son contact, sous ses homélies.
L’écriture cinématographique de « La Communion » est très soignée sur le plan visuel : le visage tourmenté de Daniel occupe souvent l’écran en gros plan tant sa face inquiète, aux yeux fureteurs, est le paysage des émotions qui le submergent. Le jeu compulsif du jeune acteur Bartosz Bielenia (Daniel) se déploie en une large palette de sentiments qui se lit, au sens littéral, sur tout son physique : a demi dénudé ou en soutane et col romain. Il exsude une présence étonnante en symbiose avec le personnage complexe qu’il incarne. C’est une composition magistrale qui nous rappelle celle des grands acteurs polonais du passé : Zbigniew Cybulski (1927/1967), Daniel Olbrychski, Wojciech Pszoniak pour ne citer qu’eux.
La Communion est un film fiévreux, indispensable, dans la veine Dostoïevskienne, qui ne peut laisser indifférent les spectateurs (croyants ou non croyants). Ce film a été révélé à la dernière Mostra de Venise dans la section Venice Days.
« La Communion » de Jan Komasa