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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena
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| Jean-Louis Requena 714 mots

La critique de Jean-Louis Requena

Noureev - Film britannique de Ralph Fiennes – 127’

Leningrad 1961. Un homme d’apparence humble, Alexandre Pouchkine (Ralph Fiennes) professeur de danse, est rabroué par son supérieur hiérarchique. En pleine guerre froide, un danseur du Ballet Kirov de cette ville est passé à l’ouest : Rudolf Noureev (Oleg Ivenko), une forte tête dont on aurait dû se méfier… Ne pas le laisser partir en France avec la troupe de danseurs.

Farida met au monde un garçon dans le train Transsibérien qui roule vers Vladivostok : ainsi commence la légende de Noureev, fils d’un Tatar musulman de Bachkirie. Avec sa mère et ses trois sœurs, il survit tant bien que mal dans la petite ville d’Oufa à l’ouest de l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques). Son père, responsable politique local, est absent. Il se bat contre les nazis qui ont attaqué la mère-patrie en juin 1941. Il ne le reverra qu’en 1946, à huit ans. Son père veut l’endurcir, le viriliser, l’exfiltrer du monde des femmes de la maisonnée… Rudik, c’est son surnom, n’aime que la musique, et bientôt la danse qu’il découvre à l’Opéra d’Oufa. Il fait son apprentissage, ses classes, dans les groupes folkloriques d’Oufa, puis intègre, à Leningrad, la grande école de danse : l’Académie Vaganova qui forme les grands interprètes des ballets classiques. Il n’a pas le sou… Son professeur, Alexandre Pouchkine, l’héberge chez lui. Il dort à même le sol…

L’existence de Rudik est difficile, d’autant qu’il est rebelle, doté d’un fort caractère, ne doutant pas un instant de son singulier talent : c’est un interprète masculin hors pair. Il ne veut céder en rien face à la monotonie d’une vie grise dans l’URSS gangrenée par une bureaucratie omnipotente. Entre ses cours, il apprend l’anglais…

La troupe du Kirov de Leningrad part en tournée en France pour se produire à Paris au Théâtre des Champs Élysées. Rudik, émerveillé par la ville lumière, vagabonde après les représentations malgré la surveillance tatillonne des cerbères du KGB. Il rencontre des Français : Pierre Lacotte (Raphaël Personnaz), danseur, Claire Motte, danseuse également au ballet de l’Opéra de Paris et Clara Saint (Adèle Exarchopoulos), fiancée à un des fils du ministre de la culture, André Malraux. C’est l’enivrement, l’éblouissement pour Rudik, en particulier au Louvre, devant l’immense tableau de Théodore Géricault, « Le Radeau de la Méduse ».

Rudik, le rebelle entouré d’amis français inquiète de plus en plus les autorités soviétiques qui le surveillent jour et nuit… La troupe du Kirov doit poursuivre sa tournée européenne à Londres sans lui !

Nous sommes le 16 juin 1961. Rudik a 23 ans. Il est nerveux mais déterminé, ses amis français sont dans le hall de l’aéroport du Bourget. Les agents du KGB l’entourent…

Ralph Fiennes (57 ans) et son scénariste David Hare ont très habilement traité la première partie de la vie, fort connue, de Rudolf Noureev. Plutôt que de nous livrer un banal biopic classique, linéaire, chronologique, ils ont élaboré une structure narrative ternaire : l’enfance, l’étudiant, le dissident. Trois grands moments historiques qui se « répondent », mais sans flash-back à l’intérieur de ceux-ci, d’où une agréable fluidité. Ainsi le caractère trempé, l’âpreté au travail, le prodigieux désir de réussite de Noureev sont évidents à la vision du film. Cet homme est « The White Crow » (Le Corbeau Blanc) titre original du troisième long métrage de Ralph Fiennes adapté du livre éponyme de Julie Kavanagh (uniquement les six premiers chapitres).

La chronologie, ici déconstruite, de Noureev, de sa naissance hasardeuse jusqu’au saut dans l’inconnu à l’âge de 23 ans nous permet d’accéder, modestement, au puzzle complexe de sa forte personnalité. Certes, le film est d’une facture classique quant à son traitement visuel (fort soigné). Toutefois, une recherche d’authenticité est à souligner : les personnages soviétiques parlent russe (y compris Ralph Fiennes, acteur shakespearien !), les français parlent la langue de Molière et Noureev s’exprime, en France, dans un anglais hésitant, scolaire.

Un obstacle important, souvent rédhibitoire dans ce genre de film, a été surmonté : le danseur est un véritable artiste, Oleg Ivenko danseur étoile au Théâtre Kazan. Ainsi le réalisateur a évité un montage fastidieux qui aurait à tout coup soustrait la force émotionnelle de son œuvre. De surcroît, Oleg Ivenko est un bon comédien qui crédibilise sa performance en Rudolf Noureev.

Noureev était un challenge difficile à concrétiser. Ralph Fiennes l’a réussi dans le classicisme.

 

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