Lou Andreas-Salomé - film germano-suisse de Cordula Kablitz-Post – 113’
Pour son premier long métrage, la réalisatrice allemande Cordula Kablitz-Post a choisi le genre biopic pour narrer la vie d’une femme exceptionnelle : Lou Andreas-Salomé, de nos jours quelque peu oubliée. Le genre biopic, ou biographie simplifiée, est par nature « le pont aux ânes » du cinéma. Par sa structure même, le récit s’enlise dans les scènes à faire absolument, sous peine d’incompréhension, pour la mise en scène du héros, ici une héroïne. Lou Andreas-Salomé a recouvré son heure de gloire dans les années 70 lors de l’accélération du processus de libération des femmes (toujours en cours !). Des livres ont été publiés sur elle et son autobiographie, « Ma Vie », a refait surface de l’enfer de l’édition française.
Une femme d’une intelligence exceptionnelle au destin qui ne l’est pas moins !
Göttingen, Allemagne 1933, les nazis s’installent au pouvoir. Lou Andreas-Salomé (Nicole Heesters) vit recluse dans sa maison peuplée de livres et de souvenirs. Aidée d’une jeune femme, âgée de 72 ans, elle dicte ses mémoires à un jeune homme qu’elle vient d’engager. Le film est entièrement construit en flash-backs déroule, épisode après épisode, la vie mouvementée de l’héroïne qui se dépeint elle même comme une femme cultivée et ambiguë. En effet, elle a côtoyé, lors de ses pérégrinations européennes, des géants littéraires : Paul REE, Friedrich Nietzsche, Rainer Maria Rilke. A Vienne, elle rencontre en 1911, à 50 ans, Sigmund Freud et après une longue analyse, devient l’une des premières femmes psychanalystes au côté de la propre fille du maître, Anna Freud.
La structure banale du scénario (accumulation de flash-back) fort heureusement bien joué par tous les acteurs germaniques, ne parvient pas à nous désintéresser du récit tant la vie de l’héroïne est romanesque sur les plans émotionnels et intellectuels. C’est un maelstrom de sensations sagement filmées avec le couple démonstration/explication cher à nos amis allemands. (Il suffit de visionner les téléfilms allemands sur Arte pour s’en convaincre !).
Au demeurant, la personnalité hors norme de Lou Andreas-Salomé résiste au traitement banal que lui fait subir la jeune cinéaste. Le sujet était trop énorme pour ses capacités cinématographiques. Nous avons rêvé d’un long métrage kaléidoscopique sur cette fascinante femme à cheval sur deux siècles et sur les idées foisonnantes qui s’y sont greffées.
Un film plus ambitieux, formellement novateur, eu égard au sujet, reste à faire, mais en attendant allons voir celui-ci qui n’est pas négligeable pour autant.
Jean-Louis Requena