L’affaire catalane n’a pas fini de déborder bien au-delà des frontières hispaniques, depuis Bayonne où quelques manifestants se sont rassemblés devant le Consulat d'Espagne en soutien au référendum en Catalogne, jusqu’aux régions italiennes de Vénétie et de Lombardie qui se préparent à un référendum sur la question de leur autonomie qui se déroulera le 22 octobre.
Pour sa part, le président serbe Aleksandar Vucic a critiqué la position de l'UE face au référendum catalan qu'elle juge «illégal», rappelant que Bruxelles avait soutenu l'indépendance du Kosovo en 2008, sans même qu'un référendum ne soit organisé à l'époque.
Le contraste, selon Aleksandar Vucic, est d'autant plus flagrant que l'Union européenne a affirmé que la répression violente par la police espagnole le jour du référendum relevait d'une «affaire interne» dans laquelle elle ne voulait pas faire ingérence. Or, dans le cas du Kosovo, Bruxelles avait rapidement pris position, jusqu'à adopter une résolution demandant aux Etats européens de reconnaître le Kosovo indépendant. « C'est le meilleur exemple du deux poids deux mesures et de l'hypocrisie dans le domaine de la politique internationale », a martelé Aleksandar Vucic.
Toujours à propos du référendum catalan déclaré illégal par Madrid, certains internautes estiment sur les réseaux sociaux que la tenue d'un autre référendum, celui de Crimée en 2014, avait fait l'objet de bien plus de critiques. Ainsi, sur Twitter, un étudiant en Géographie en Master 2 « Bioterre » à la Sorbonne Paris 1 a comparé les réactions autour des deux référendums : alors que la communauté internationale n'avait pas eu de mots assez forts pour critiquer le scrutin en Crimée (la péninsule avait décidé à une écrasante majorité de se rattacher à la Russie), celui de Catalogne a été mieux accepté, montrant un « deux poids - deux mesures ». Pour une avocate : « Vous critiquiez la Crimée et encensez la Catalogne. Vive la duplicité et le manque de cohérence intellectuelle de la gauche ». Et une "fan" de l'OM complète : « J'aime voir les gens comme @benoithamon dire que le référendum en Crimée n'était pas légal, mais défendant aujourd'hui celui de Catalogne »…
Pour revenir à la Catalogne, certes, on ne peut se cacher que les refus répétés du gouvernement central espagnol d’accorder aux Catalans ce que les Basques, voire la région de Valence, avaient obtenu ont conduit inexorablement à une radicalisation du sentiment autonomiste en un véritable sentiment indépendantiste.
Mais ne faut-il pas « raison garder » et impulser le dialogue lorsqu’apparaissent d’aussi graves divergences. Nous publions ci-après la tribune libre de notre collaborateur François-Xavier Esponde.
ALC
Une Espagne plurielle
L’Espagne avait dessiné la carte politique du pays en dix-sept provinces autonomes depuis 1978 plus deux villes autonomes Ceuta et Melilla depuis la fin du franquisme et l’avénement de la démocratie.
Mais l’histoire passée se rappelle à la mémoire du temps présent.
Chacun se souvient du sort réservé au comte de Barcelone Juan de Bourbon de Bourbon, par le général Franco qui plaça le fils et non le père à la tête de la monarchie espagnole.
Père du roi Juan Carlos, grand-père du roi Felipe VI d’Espagne gouvernant le royaume aujourd’hui, le comte de Barcelone connut l’exil et la disgrâce et chacun sait les raisons d’une hostilité entre deux hommes qui ne comprenaient pas la gouvernance du pays selon les mêmes principes historiques de la Catalogne et de l’Espagne, attachée à la monarchie royale mais sans cesse en difficulté avec les institutions nationales du pays.
Après 40 ans déjà de gouvernance régionale et autonomique, la Catalogne réclame avec insistance une indépendance comme en d’autres landers, provinces et royaumes européens et le Québec.
L’unité de l’Espagne, la nation espagnole confrontée aux nations du royaume selon les termes des régionalistes, est un défi majeur de la démocratie ibérique.
La royauté dispose sans aucun doute d’une légitimité historique car les institutions politiques actuelles sont récentes et la confrontation entre la capitale Madrid et les têtes provinciales demeure latente.
L‘émulation économique devenue la compétition de facto des provinces entre elles, et des administrations autonomes avec l’administration centrale de l’etat espagnol ont rendu les rapports des institutions difficiles.
Plus d’autonomie tue l’unité nationale, les différences réelles des économies du nord et du sud du pays engendrent des disparités préoccupantes pour les gouvernements régionaux.
La Catalogne citée comme la première économie de l’espagne aspire à l’indépendance de fait mais dans une région divisée entre les partisans et les opposants d’une séparation institutionnelle avec le pays.
Ce premier octobre le référendum déclaré illicite par le Tribunal constitutionnel espagnol eut lieu sous la présence des Mossos, de la Police Nationale et des polices régionales écartées pour désobéissance civile, mais les conditions de la tenue d’une consultation référendaire n’étant pas reconnues licites, le vote s’apparenta à une provocation virtuelle, contestée par le gouvernement espagnol, les juges et les autorités locales.
Une déclaration unilatérale d’indépendance, le soir même de l’élection par le Président du gouvernement catalan Carles Puigdemont, une réponse cinglante du chef du gouvernement Mario Rajoy, des débats enflammés sur les chaines de télévision nationale et régionale, pour justifier et valider pour les uns les résultats, pour les autres la tenue d’une élection sans légitimité, sans contrôle, sans preuve, demeureront pour l’histoire...
L’Espagne a vécu une journée insolite pour une démocratie européenne évoluée, aux yeux du monde extérieur peu habituée à un tel enchainement de faits et gestes pour un référendum somme toute possible en toute nation libre.
Mais le lendemain de cette élection augure déjà des réalités auxquelles le pays sera confronté.
La nécessité du dialogue intérieur et extérieur avec la capitale et les autres provinces autonomes espagnoles.
Le Parlement à Madrid, le gouvernement, l’armée, la justice, n’accepteront pas la sécession d’une province.
La responsabilité effective du parlement de Madrid, des partis politiques représentés, pour promouvoir un dialogue interrompu entre les deux exécutifs pour l’heure devient une urgence démocratique.
La perspective d’élections nationales anticipées de 2019 à 2018 semble se poser.
Mais les partis PP et PSOE, parmi les deux plus importants préfèrent régler la question catalane pour éviter des interférences latentes à venir.
La presse d’élections autonomiques en Catalogne pour corriger les effets dévastateurs d’un référendum avorté, mais réel ayant réuni près de la moitié de la population catalane, devient urgente.
Un large dialogue va désormais donner le change à l’image détériorée ce 1er octobre d’un grand pays européen miné par ses querelles internes.
Parmi les trois provinces les plus autonomes du pays, la Catalogne, les Baléares et l’Euskadi, le modèle acquis dans la province basque semble inspirer les Catalans.
Plus de pouvoirs délégués à la région sur le droit de disposer des recettes de l’impôt, plus de liberté pour la gestion des infrastructures portuaires, les voies de circulation, les transports,
Plus de droits en matière d’éducation et de formation professionnelle et universitaire.
Plus de liberté en matière de santé et de gestion des espaces sanitaires de la province.
Un désir de reconnaissance institutionnelle hors l’Espagne, auprès de l’Europe et les peuples du monde pour la vieille Catalogne, une entité historique de premier niveau en Espagne.
La royauté espagnole appelée en recours aura désormais une mission première au cœur de ce débat tendu et latent.
Juan Carlos 1er fut le roi de la transition démocratique espagnole, son fils le roi Felipe VI deviendra de toute évidence le monarque de la pacification des provinces du royaume.
Un sujet de débat actuel pour l’Espagne dans sa fierté naturelle, “el orgullo nacional ” qui porte dans ses gènes historiques le défi de la passion pour la vie politique comme un héritage indélébile !
François-Xavier Esponde.