Né le 11 juin 1934 à Talence, le prince consort Henrik de Danemark - Henri de Laborde de Monpezat, s’est éteint mardi dernier à l’âge de 83 ans, entouré de son épouse la reine Margrethe II et de leurs deux fils. Ses obsèques seront célébrées dans l'intimité mardi 20 février prochain au Danemark.
Je l’avais revu il y a deux ans, en février 2016, lors de son séjour à Biarritz, par un soleil printanier qui illuminait Biarritz et tiédissait le parvis du musée Asiatica où le prince marquait une échappée supplémentaire, la troisième, entre les séances de soins à la thalasso du Miramar. Car Son Altesse royale, diplômée de chinois et de vietnamien à « langues O » (École nationale des langues orientales), était férue de culture asiatique ; n’avait-elle pas passé ses cinq premières années en Annam où son grand-père Henri, fils du maire de Pau Aristide de Laborde de Monpezat, s’était établi à la tête d'un domaine de plusieurs dizaines de milliers d’hectares (d'hévéa, de riz, de café et de poivre) tout en dirigeant le journal « La Volonté Indochinoise » qu'il avait créé en 1924 à Hanoï. La succession échut à André de Laborde de Monpezat, le père du futur prince, lequel obtiendra son bac en 1952 à Hanoï, avant que le désastre de Dien-Bien-Phu ne livre en 1954 le malheureux Nord Viêt-Nam à ses nouveaux maîtres : le pouvoir communiste expropriera et expulsera la famille qui se repliera dans sa propriété près de Cahors.
Et c’est durant ses années de secrétaire d’ambassade à Londres que le jeune Henri de Monpezat fera la connaissance de la princesse héritière de Danemark, Margrethe, avant de l’épouser en 1967. « C’était écrit », avait alors commenté le grand-père maternel de la future souveraine danoise, le roi Gustave VI Adolphe de Suède, en expliquant « qu’à Pau, la rue Monpezat croise la rue Bernadotte, qui porte le nom du fondateur de la dynastie suédoise » !
Or, pour leur part, les Laborde unis aux Monpezat n’avaient-ils pas illustré pendant plusieurs siècles la vie béarnaise et paloise, depuis le mariage au XVIIe de Jean de Laborde avec Catherine d'Arricau, dame de Monpezat, jusqu’à Aristide de Laborde de Monpezat, maire de Pau, qui débuta la création du fameux boulevard des Pyrénées, en passant par un aïeul du prince, inscrit en 1788 sur les rôles de la capitation noble du Pays de Nébouzan…
Les merveilles d’Asiatica
« Cela fait trois fois que je visite ce musée », m’avait alors confié le prince, « et je suis littéralement abasourdi devant la quantité des objets et la qualité des cultures révélées ». Et d’ajouter : « Il s’agit certainement d’un des musées les plus intéressants d’Europe dans ce domaine qui m’est particulièrement familier, mais il n’est pas assez connu, un ami me l’avait signalé par hasard »…
Or, le prince Henrik est un familier du Pays Basque où il est venu bien des fois, où des membres de sa famille avaient des maisons : « En 1990, j’ai rejoint à Bayonne le yacht de la famille royale danoise – un navire-musée qui a 80 ans comme moi – afin de me rendre à une invitation du président portugais, et montrer à mes enfants, sur le chemin du retour, Compostelle, Bilbao…
Quant à mon second fils, le prince Joachim, son épouse a une villa à Saint-Jean-de-Luz ».
Mais c’est dans le Lot que le couple royal danois se rendait chaque mois d’août : avec la reine Margrethe, le prince Henrik y possédait le château de Cayx où il produisait un vin renommé dans l’appellation Cahors. Si la souveraine pouvait s’y consacrer à sa passion, la peinture, le prince revenait régulièrement pour les vendanges en soignant « la puissance, la concentration et le soyeux » de ses crus et les gratifiant d’un quatrain de sa composition : « Cahors de cœur / Des vins seigneurs / Du Lot la fleur / De Cayx l’honneur ».
Auteur de plusieurs recueils de poésie, de livres de cuisine – car bon vivant, amateur de bonne chère et de bons vins, il avait visité le salon Vinexpo à Bordeaux et avait été intronisé dans la Jurade des Vins de Saint-Émilion - ainsi que d’un ouvrage de souvenirs de son enfance en Indochine intitulé « Destin oblige » et publié chez Plon, Henrik de Danemark est entré à l’Académie des Jeux Floraux dont un aïeul, universitaire toulousain, fut Secrétaire Perpétuel. C’est là que je connus le Prince qui me fit l’honneur d’assister à ma propre entrée – il y a seize ans - dans ce plus ancien cénacle littéraire d’Europe. Peut-être avait-il visité le phare de Cordouan sur une suggestion de mon ami Jean-Pierre Alaux (son voisin dans le Lot), auteur de plusieurs ouvrages sur ce monument ?
Soucieux du sort des chrétiens d’Orient – lors de notre dernière entrevue, le prince revenait d’une visite en Egypte où il avait rencontré le Pape des Coptes à Alexandrie -, inquiet de l’important afflux d’immigrés dans son pays à la suite de la fermeture par la Suède de sa frontière, le Prince ne manquait pas, non plus, de donner de la voix « en faveur de l’égalité des sexes : contrairement à la Navarre dont les reines ont toujours fait de leurs époux des rois-consorts, le Danemark a copié l’Angleterre où le règne d’une souveraine ne laisse guère de place ni de statut bien défini à son conjoint ainsi discriminé »…
R.I.P.
Alexandre de La Cerda