Alors qu'un coup dur atteignait Hossegor, son image de style et de beauté, sa notoriété et son rayonnement, sa promotion et son économie après deux mois désastreux, sous forme d'un arrêté municipal affiché le samedi 23 mai et exigeant la « fermeture immédiate de tous les établissements recevant du public et de tous les logements en location devant la menace d’un péril grave et imminent » sur la place des Landais, mondialement connue pour son patrimoine architectural, sa voisine Capbreton souffrait également de quelques incertitudes.
La dernière édition de la « Lettre des Amis du Lac » signalait ainsi un projet immobilier d’envergure avec la construction de six résidences menaçant le « devenir de la villa « Ene Etchola », élément patrimonial majeur de la ville comme indiqué dans une lettre adressée au maire de Capbreton :
« L'affichage récent d'un permis de construire sur la propriété Bonnamour nous a alertés sur la réalisation prochaine d'un ensemble immobilier dense dans le parc de la villa dénommée « Ene Etchola », ancien centre de vacance situé dans votre commune, quartier Bonnamour. Ce projet a fait l'objet d'une communication publique et sur le web via une vidéo de présentation. Cette dernière permet de visualiser précisément, grâce à une modélisation 3D, la physionomie de ce futur complexe résidentiel social qui comprendra six résidences. Ainsi que le montre cette infographie, les dépendances de l'ancienne colonie seront détruites, tandis qu'une partie du parc sera déforestée pour être urbanisée (moyennant des replantations). La demeure, quant à elle, sera conservée. Cependant, nous n'avons pu obtenir aucune information quant à son devenir. Sera-telle conservée en habitation particulière ou sera-t-elle, au contraire, transformée en ensemble résidentiel annexe ou tout autre affectation ?
La collectivité a jugé utile d'inscrire cette villa sur la première « liste des éléments bâtis identifiés au titre de l'article l.151-19 du code de l'urbanisme » dans le cadre de l'élaboration du PLUi de la MACS (cf : Fiche n°13). Dans sa délibération du 27 février dernier portant sur la validation du PLUi, la Communauté de Communes Maremne-Adour-Côte-Sud entérinait cette liste, donnant ainsi une existence patrimoniale juridique à cette propriété. Bien que cette reconnaissance soit désormais établie, elle ne permet malheureusement pas de protéger le parc de la propriété d'une dégradation irréversible qui fera considérablement chuter la valeur de la villa.
À bien des égards, « Ene Etchola » est un élément patrimonial majeur de Capbreton.
Bâtie en 1912 dans un style néo-basque, six ans après la célèbre Villa Arnaga (Cambo-les-Bains), cette demeure constitue, en effet, le tout premier exemple d'architecture régionaliste de Capbreton. Il s'agit également d'un sujet pionnier dans le paysage landais d'alors, bien avant que la mode du néo-basque ne se développe dans notre département. Au même titre que les premières grandes villas balnéaires d'écriture régionaliste de la Côte Basque, telle la Villa Toki Ederra à Biarritz (1896), Harotzaldea (Tétard arch., 1900) et Sarraleguinea à Guétary (Cazalis, arch., 1909), cette demeure est un témoin historique précieux pour la compréhension et la diffusion du régionalisme sur la Côte d'Argent. À ce critère d'intérêt scientifique, au regard de l'Art, s'ajoute celui de l'Histoire. Cette propriété fut en effet la résidence de l'ancien politicien, journaliste et écrivain Georges Bonnamour, dit « Georges Bec » (Paris, 1866 – Neuilly, 1954).
Originaire de Paris, proche des cercles intellectuels de la capitale, amis de Verlaine, ce dernier est l'auteur de 37 publications qui comptent notamment quelques références dont « Le Procès Zola, impressions d'audience » (1898) et un livre primé par l'Académie Française « L'Heure des Dieux » (1906).
Cet homme de lettre avait décidé de s’installer à Capbreton après plusieurs séjours de villégiature. Il avait acquis en 1910 un vaste terrain boisé sur la plaine du Bouret pour y faire ériger sa maison baptisée « Ene Etchola » (« la cabane » en basque).
Bien qu'elle fût successivement modifiée au cours de son histoire lors, notamment de sa transformation en colonie de vacances, cette maison a conservé en grande partie son apparence et ses décors d'origines, ce qui lui confère une certaine unité esthétique. Considérant son authenticité, son histoire, sa rareté, mais aussi sa fragilité, cette maison est un élément patrimonial majeur qu'il convient de préserver.
À l'heure où la réalisation du futur projet résidentiel Bonnamour modifiera irrémédiablement l'aspect de l'un des plus importants jardins privés de Capbreton limitrophe du Boudigot, le devenir de la villa « Ene Etchola » semble incertain après la réalisation des six résidences.
Nous espérons que la Commune, consciente du caractère exceptionnel de cette demeure, continuera d'assurer sa protection et empêchera toutes dégradations ou transformations qui seraient de nature à altérer son unité esthétique et son authenticité afin que cette maison d'écrivain historique soit transmise aux générations futures.
Dans l'attente de votre réponse à nos interrogations, nous vous prions, Monsieur le Maire, de bien vouloir croire en l'expression de nos sentiments les plus distingués.
Signé : Kévin Laussu, historien de l'Art, spécialiste du régionalisme Anne-Marie Bellenguez, fondatrice de l’Association SADIPAC, Co-présidente de l’Association Côte-Sud-Mémoire-Vive (Capbreton), Jean Lartigue, Co-président de l’Association Côte-Sud-Mémoire-Vive, Eric Gildard, président de l'association littéraire des Amis du Lac (Hossegor) ».
Légende : la villa « Ene Etchola » à Capbreton, menacée ?