Parmi les nombreuses délibérations soumises au vote des élus de la Communauté d'Agglomération Pays Basque le samedi 23 juin dernier figurait celle concernant la politique linguistique. Par 145 voix pour, 18 contre, 22 abstentions, la communauté a reconnu officiellement le basque et le gascon comme langues de son territoire, aux côtés du français, et engagé une politique de développement : entre autres, signalétique bilingue dans les transports, formation à l’euskara de chargés d'accueil dans les institutions, etc. Par ailleurs, la communauté d'agglomération a réitéré son soutien à la fédération des ikastolak en demandant officiellement à l'Etat de respecter la convention qui le lie à Seaska et d'octroyer les moyens nécessaires, en particulier la création de 25 postes supplémentaires d’enseignants – qu’il s’agira d’ailleurs de trouver si le ministère acquiesce -.
Par ailleurs, ce vendredi 29 juin, dans le cadre du label Ethnopôle Basque, l'Institut Culturel Basque et l'EHESS organisent au Campus de la Nive à Bayonne une journée de réflexion autour de l’euskara, en partenariat avec l'unité de recherche IKER et l’Académie de la langue basque. Aujourd'hui, alors que le processus de diglossie continue, quels sont les points de forces de l’euskara, ses enjeux et ses perspectives ? Ce colloque dressera un panorama de certaines utilisations actuelles de la langue basque. Il étudiera également la portée de stratégies actuelles de revitalisation, tout en analysant les défis auxquels elles doivent faire face. Conférences en euskara, traduction simultanée en français. Gratuit et ouvert à tous (à partir de 9h, amphithéâtre 41, entrée parking Sainte-Claire).
Cette actualité fournie pour la langue basque est à l’origine des réflexions qui suivent, sous la plume (ou le clavier) de François-Xavier Esponde :
Selon l’enquête sociolinguistique menée par l’Office Public de la Langue Basque et dont les travaux furent rendus publics en 2016, la pratique de la langue entre les bascophones, les réceptifs et les non bascophones, démontre sur le résultat des variations notables entre la Côte basque, le BAB, et les provinces du Labourd, de la Basse Navarre et de Soule.
La langue basque en questionnements...
Les pratiquants de la langue se trouvent désormais aux deux extrémités des générations dans les familles, les aînés, et les enfants scolarisés de plus en plus nombreux dans ces « cursus »...
Le basque s’apprend davantage dans le BAB, se pratique dans les provinces de l’intérieur du pays, langue véhiculaire souvent habituelle des communications, désormais parlée, mais moins écrite par les usagers...
Dans cette évaluation chiffrée, les variations des années passées ne contredisent pas l’évolution récente des demandes en faveur de la diffusion de la langue. Mais l’environnement de cette pratique subissant l’influence d’interférences culturelles extérieures, le paysage public de cette constatation pose à frais nouveaux, des interrogations inédites sur le thème.
- Les études comparatives avec les précédentes menées par les Organisations Culturelles en faveur de la langue basque, ont prouvé l’augmentation sensible des scolaires étudiant le basque dans les écoles publiques, confessionnelles et associatives. Auxquels s’ajoutent désormais les parents, les nouveaux arrivants sur la région bascophone pour leur travail, leur temps de la retraite ou par convenance personnelle.
La progression notable des parents d’élèves en faveur du bilinguisme, français-basque, basque-français, selon les établissements, voit le bilinguisme initial devenir au fil du temps trilinguisme avec l’anglais et pour certains l’espagnol, auquel cas les commodités du présent sont quadrilingues pour de plus en plus de scolaires aux études.
Le propre d’une région frontalière est de développer la pratique des langues voisines, ce qui semble être le souci partagé de nouveaux parents, plus disposés à le faire que ce ne fut le cas, jadis, pour les grands parents. Au détriment sans doute du latin et du grec des ainés qui s’inscrivaient dans les « humanités d’antan », devenues des enseignements réservés pour des initiés.
L’anglais a pris de l’essor sur les langues mortes comme le montre l’abandon généralisé de ces études, de plus en plus confidentielles dans les écoles. Dans l’opinion, le basque devenu « un monument patrimonial en danger » fut l’objet d’une attention plus soutenue des pouvoirs publics dans les dernières décennies passées. On vit ainsi les communes développer « les politiques en faveur de la langue basque » - également en faveur du gascon -, financées et encouragées par la formation des enseignants en basque, les « andere ño.
L’Institut Culturel du Pays Basque y apporte sa contribution notable, et les moyens pédagogiques de manuels scolaires désormais réalisés en basque ont pu soutenir un cursus en basque dans les lycées jusqu’au bac, non sans débat - ouvert ou fermé, selon les époques - avec les Autorités Académiques pour lesquelles le bénéfice du basque affectait celui du français.
Dans les faits avérés auprès de milliers d’enfants scolarisés recensés dans des écoles où les cours sont bilingues, la pratique de plusieurs langues semble avoir eu l’effet stimulant « d’éveiller l’esprit des enfants pour les différences linguistiques ».
La langue a désormais pignon sur rue : elle est devenue depuis des années une préoccupation culturelle référencée des Basques et de nombreux non basques de naissance, « Néo-Basques » atteints par la basquité dans le pays où ils vivent et dont ils partagent l’environnement linguistique de la population.
Au terme d’un processus scolaire général, viennent les formations supérieures hors Pays Basque, pour beaucoup d’étudiants dans les villes universitaires, Bordeaux, Paris, Toulouse, et Bilbao en Euskadi, mais la plupart de ces candidats vont vers des villes en France de préférence à celles de l’autre versant des Pyrénées.
Le basque donne-t-il des opportunités de travail professionnel ?
L’usage de la langue locale a-t-elle un avenir dans les espaces culturels du français, de l’espagnol et de l’anglais ?
La pratique de la langue s’accorde-t-elle avec « les langues étrangères » dans le travail quotidien de toute vie ?
Il est devenu notable que désormais ces leviers des échanges personnels accordent la pratique plurilingue du monde du travail où la langue locale est utilisée. Il n’est plus concevable de ne plus pratiquer le français pour le travail, le basque pour ses dispositions personnelles, l’anglais pour l’information, l’espagnol pour les relations de voisinage de l’économie géographique. Il est désormais passé le temps où l’exclusion venait en défense du basque qu’il ne fallait corrompre de rapports linguistiques extérieurs. Ni du français annihilé par le parler basque vernaculaire.
« Du basque avant tout », disait-on, dans un contexte socio-politique peu disposé à des concessions.
- Exit ce temps, les nouvelles générations flirtent avec quatre langues. Le tout dans un environnement où la langue basque s’accompagne des autres expressions culturelles du paysage.
La danse, les sports, la musique, les concerts et les animations artistiques théâtrales et festives ont introduit un répertoire des modalités linguistiques basques inédit et impressionnant. Chorales, groupes vocaux, chants liturgiques et religieux sont devenus un patrimoine étonnant produit par des auteurs désormais matures et qui œuvrèrent pour ces projets. La langue basque s’inscrivant dans un tel paysage pluriel, multiple et varié, le risque d’isolement idéologique destiné à des conventions partisanes a perdu de son intérêt.
Demeure cependant aujourd’hui la question de la co-fonctionnalité du basque avec les autres langues présentes sur le territoire, sans exclusive, sans rupture et sans réflexion. Dans un temps encore récent, le rapport conflictuel portait sur des appartenances idéologiques identitaires entre militants aguerris à la force et compétitifs entre eux.
Présentemen, la cohabitation de toutes les communautés linguistiques sur un territoire relativement reserré posera de toute évidence la question de « l’authenticité » d’une langue particulière fécondée par les influences neuves des vocabulaires technologiques modernes.
Le basque n’y faisant exception, comme pour toutes les autres langues en usage, perdra-il de sa singularité ? Fécondité et capillarité faisant le propre d’une langue toujours vivante, on connaîtra l’influence acquise de leur diversité communément partagée par les nouvelles générations qui enjambent librement les frontières linguistiques dans leur vie au quotidien.
« Banaki », si je savais !