1 – Jean Nouvel à Bayonne
Dans le cadre de la deuxième édition des rencontres « Confluences » sur le thème « Goût de la ville, ville du goût » qui s’est déroulée le week-end dernier, l’architecte Jean Nouvel faisait étape à Bayonne dans un grand salon de l’hôtel de ville comble d’auditeurs, pressés de l’écouter parler de son métier, de sa vie de bâtisseur et d’architecte à la réputation internationale. Il avait auparavant visité le cœur du vieux Bayonne, accompagné par le maire Jean-René Etchegaray.

Le grand maitre bâtisseur regarde sa profession avec une réflexion portée par le temps, les réalisations et l’attente du public qui bénéficie de ses multiples créations.

« La mondialisation de l’architecture est confrontée aujourd’hui à des situations délicates », dira-t-il. « L’urbanisation a provoqué une migration vers les villes, par le bénéfice des techniques et la rapidité des constructions modernes. Mais la ville ne peut s’agrandir au-delà du possible, il nous faut renoncer à piller le sol en terme de disponibilité territoriale et gérer l’urbanité dans la limite des villes existantes ».

Des attentes neuves se faisant jour, les espaces de maraichages confisqués d’antan par la construction massive devront retrouver leur place initiale par des décisions politiques lourdes et naturelles de contrôle de l’espace vert et de sa fonctionnalité.

La qualité des aliments, les risques de pollution urbaine, la qualité des sols, les préventions de santé appellent un autre regard pour penser la ville en vue des générations futures, afin de bouger de façon intelligente et créer des personnalités de territoires individualisés.

Habiter chez soi devra devenir un défi majeur du futur dans un espace de commerces, d’équipements adaptés, des lieux de vie et de convivialité nécessaires, essentiels pour toute communauté humaine.

Que faire dans les banlieues ou périphéries existantes ? On ne peut ignorer ces quartiers dans lesquels des politiques décennales de promesses non tenues ont concentré les mêmes populations, les mêmes problèmes, et produit le sentiment d’y vivre sans l’avoir choisi...

Chaque ville aura ainsi à inventers propre politique publique, dans une organisation de la cité différente des autres, et dans sa singularité.

2 – la profession d’architecte
Sous toutes les latitudes, dans le monde entier, les architectes utilisent aujourd’hui les mêmes modèles, selon des études de calcul établis par ordinateur.

Il en est ainsi des quatre points cardinaux à l’édification classique de la cité, qui ont disparu dans la confection du modèle architectural établi à l’identique et sans autre projet. Dans les projets d’habitat, si tout est possible, tout n’est pas souhaitable.

Des variables tenant compte du climat, du vent, de la végétation, de la nature des sols, doivent redevenir les paramètres en vue de la construction architecturale dans ce métier qui conjugue l’art et la confection de la matière.

On ne saurait oublier le plaisir de vivre, l’agencement du cadre de vie qu’il faut observer dans tout projet destiné au temps futur et qui fait l’objet d’une réalisation actuelle.

Aujourd’hui, ce modèle est inversé bien souvent par des architectes promoteurs, ou des promoteurs architectes, à qui sont imposés des rendements immédiats peu enclins à une création réfléchie et esthétique du métier par lui-même.

L’architecture doit redevenir un art de bâtisseur, de professionnels inspirés par les auteurs, les géographes, les paysagistes, les historiens du passé, autant de réseaux d’informations et d’échanges préalables qui seront utiles pour étudier des projets et pouvoir les réaliser.

L’architecte est au service d’un art de vie et d’espace de partage.

Jean Nouvel regrette que la profession initialement sise au Ministère de la Culture ait été transférée dans un autre ministère. Elle est mère de l’art du bâti, refusant la comparaison avec les œuvres compilées dans les musées et les conservatoires de la culture qui ont bien souvent perdu pied et sont devenus des objets sans saveur, sans vie, délaissés et relégués dans un isolement et l’oubli. Or, « l’art des architectes doit retrouver l’espace public », dira Jean Nouvel, « pour favoriser l’osmose entre l’art et la vie, des populations et de leur vécu ».

Le regard du grand professionnel témoignera cependant d’une forme d’amertume accumulée depuis cinquante ans, comme par un sentiment de s’être éloigné des attentes des gens. Les premiers bénéficiaires de l’habitat des villes souffrent ainsi des politiques de rentabilité immédiate qualifiée par le conférencier de « désordre dans une urbanisation de prolifération mal maitrisée ».

L’architecte aura toujours sa vocation de conseil, indiquant ce qui ne va pas, non par esprit de corporatisme mais en raison d’une responsabilité sociale et sociétale dans sa mission créative avec ses variables esthétiques et fonctionnelles !

3 - Jean Nouvel, un homme, un style et un génie français internationalement reconnu !

Depuis sa naissance dans le Lot et Garonne en 1945 et ses études aux Beaux-Arts de Paris poursuivies en Ecole d’Architecture auprèsde grands noms de l’architecture française, Paul Virilio, Claude Parent, François Seigneur, Jean Nouvel n’a cessé de créer dans le style moderne de la transparence et l’usage de matériaux contemporains pour des édifices de toutes dimensions.

Une conjugaison de l’art au service de l’homme et de la matière, de la lumière traversant les surfaces, de la forme des monuments convertis en matériaux ciselés ou torsadés.

On lui prête quinze réalisations uniques sous toutes les latitudes : Tour Agba à Barcelone, One Central Park, Kölnturm à Cologne, Quai Branly à Paris, et des projets en cours de réalisation, dont le Louvre dans les Emirats Arabes Unis ; Jean Nouvel a reçu pas moins de trente-cinq Prix pour saluer son travail au service de l’art et de l’architecture, entre autres le prix Pritzker des Architectes et la citation de « Docteur Honoris Causa » de trois universités : Buenos Aires, Cuba et l’Université Catholique de Louvain.

Jean Nouvel se passionne pour la modernité mais également pour les monuments du passé. On connait son travail à Sarlat, et le goût de l’artiste-architecte pour le patrimoine ancien ainsi que sa création contemporaine dans la scénographie pour la danse, le choix des musiques et le goût des espaces et de leur expression.

Génie de l’architecture dans la lignée bien française des Compagnons du Devoir dans la pierre, l’art et l’espace entre ciel et terre, Jean Nouvel dessine des formes qui se rejoignent dans un monde en mutation d’aujourd’hui en quête d’humanisme et
de sens !

François-Xavier Esponde