L’un des 121 sites retenus pour participer au Loto du patrimoine 2019 sera l’église orthodoxe russe à Biarritz située face à l’Hôtel du Palais. La mairie de Biarritz via la Socomix s’étant engagée dans le chantier colossal de l’Hôtel du Palais, il était impossible à la ville de financer en plus l’église russe. Classée monument historique en 2015, ce bel édifice religieux, intéressant par son architecture et son riche passé, fera partie des 27 sites religieux sur les 121 monuments sélectionnés d’après des critères d’urgence et de péril.
Quelques rappels historiques :
Au XIXème siècle, Biarritz s’était métamorphosée en un phare rayonnant depuis que Napoléon III et Eugénie y avaient drainé le monde entier avec ses têtes couronnées, ses hommes politiques et ses grandes fortunes. Parmi les nouveaux touristes, les Russes furent attirés par la douceur du climat et le charme de la villégiature basque.
C’est en septembre que la saison russe de velours, drapée de ses vagues, commençait à battre son plein. Les bals s’organisaient dans l’ancienne demeure de la Villa Eugénie transformée en Hôtel du Palais. Dans un de ses salons, l’établissement avait accueilli une chapelle orthodoxe russe consacrée le 12 septembre 1887 à l’initiative du père Hérodien qui officiait également à l‘église russe de Pau. Après la chute de Napoléon III (1870), le nouveau gouvernement républicain avait refusé l’autorisation d’une église russe à Biarritz. Finalement, ce n’est qu’en 1888, avec le soutien de l’Empereur Alexandre III, que les autorités françaises autorisèrent la construction d’une église à condition qu’aucune cloche n’y soit placée sur un terrain acheté par des villégiateurs russes mécènes au nom de l’ambassadeur de Russie, le baron Mohrenheim. En 1889, après l’achat du terrain dans le lotissement de l’ancien Domaine Impérial, en face de l’Hôtel du Palais, les travaux avaient été financés par de nombreux donateurs réunis au sein d’un comité constitué autour des princes Nicolas d’Oldenbourg et Michel Wolkonsky ; de nombreux nobles, la famille Elisseev (le Hédiard russe), le peintre de « la neuvième vague » Avaïzovsky ainsi que son collègue Makovsky y avaient participé à leur manière.
Les architectes Nikonoff (russe attaché au Saint Synode) et Tisnès (français de Biarritz) établirent les plans qui comprenaient également la construction d’un appartement privé pour le prêtre. A la fin de l’été 1892, autour d’un chapelet de personnalités russes et françaises, l’église fut consacrée à saint Alexandre Nevsky et à la Protection de la Mère de Dieu.
En présence du maire de Biarritz et des autorités locales, le nouveau marguillier, le prince Michel Wolkonsky, grand maître de la Cour d’Alexandre III et membre de l’Académie des Beaux-Arts, accueillaient le cortège des invités d’honneur : l’Ambassadeur de Russie, le baron Mohrenheim, venu de Paris, la princesse Katia Dolgorouky, ancienne épouse morganatique d’Alexandre II, le duc et la duchesse de Leuchtenberg, le comte Orloff-Davidoff, etc.
Une église en péril
Cependant aujourd'hui, le cerce métallique de la structure de la base de la coupole centrale ainsi que le tirant cerclant le massif carré sont rouillés et menacent de s’écrouler si des travaux d’urgence ne sont pas effectués. A l’intérieur, les peintures des quatre évangélistes dans des médaillons contemplent les paroissiens. Tout autour, les murs sont garnis d’icônes, dont celles de Saint Georges terrassant le dragon (de la Marine), de la Protection de la Mère de Dieu ainsi que celle de l'iconographe russe Dimitri Stelletsky... L’iconostase en bois doré du XIXème avec ses icônes de la Mère de Dieu et du Christ, munie de « portes royales » ornées des archanges saint Gabriel et saint Michel, fut commandée à l’atelier Gousseff de Saint-Pétersbourg.
La décoration intérieure avait été réalisée en 1892 par deux architectes-décorateurs, le russe Lipsky aidé par Ramonborde. La célèbre entreprise Maumejean avait dessiné le vitrail de la croix à palmettes et fleurons colorés du Saint Sépulcre au-dessus de la porte intérieure qui illuminait de ses rayons rouges le narthex et l’intérieur de la nef lors du mariage du Grand-Duc Dimitri Romanoff (ancien amant de Coco Chanel, il était le frère de la Grande-Duchesse Marie de Russie, et l'ami du prince Félix Youssoupoff) avec Audrey Emery (en 1924). Selon l’image du remarquable ouvrage « Les aigles foudroyés » de Frédéric Mitterrand, tout avait basculé lors de la révolution de 1917.
En 1984, à l’initiative du recteur de la paroisse, le Père Jean Baikov, l’édifice religieux reçu des dons venus du monde entier. Parmi les généreux donateurs, on trouvait le célèbre écrivain Alexandre Soljenitsyne. Il y a quelques années, le metteur en scène André Mikhalkov avait également effectué un legs.
Jusqu’à présent, cette paroisse dépendait comme beaucoup d’églises orthodoxes russes, du patriarcat de Constantinople qui a dissous dernièrement l’Archevêché des églises de tradition russe, mais qui, de toutes façons, n’avait pas les moyens d’entretenir l’édifice : la question de son « omophore » (rattachement spirituel et juridique) devrait être résolue en septembre lors d’une Assemblée Générale à Paris des clercs et des laïques de l’Archevêché. L’inclusion de l’église russe de Biarritz dans le plan de la « Mission Stéphane Bern » pourrait donc constituer comme une « bouée de sauvetage » en attendant...
L’initiative de Stéphane Bern au secours des nécessaires travaux de restauration
L’architecte du patrimoine en charge de l’église, qui fait partie du Conseil de l’Ordre des Architectes de Bordeaux, Catherine Matveieff, dont le père d’origine russe s’était établi au Pays Basque, avait fait inscrire l’édifice à l’inventaire des Monuments Historiques (2015). « Ce monument exceptionnel à l’élégante architecture byzantine, est unique dans notre région. Située en face de l’hôtel du Palais, dans la Zone de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain de Biarritz, cette église est remarquable tant au niveau de son style que de son histoire ». Et d’ajouter : « Il faudrait y effectuer ces restaurations d’urgence ». Depuis plusieurs années l’église se meurt progressivement ; si les travaux ne sont pas réalisés, elle sera obligée de fermer ! Cette situation serait terrible pour les paroissiens mais également pour la plupart des Biarrots qui tiennent beaucoup à leur patrimoine historique…
Afin d’aider à restaurer les édifices en danger, le Chef de l'Etat Emmanuel Macron avait confié en septembre 2017 à Stéphane Bern une mission « Patrimoine en péril ». Confronté au manque de crédits de l’État, ce dernier eut la brillante idée de trouver les financements en créant le Loto du Patrimoine : « Je crois que cette émotion en nous de voir s'effondrer la flèche de Notre-Dame doit nous inciter à sauvegarder des églises dans les campagnes (ou villégiatures) ».
Cette année, le tirage du super loto aura lieu plus tôt, le 14 juillet de cette année, et les joueurs pourront miser dès le 15 juin prochain. Par ailleurs, à l’occasion des journaux du Patrimoine, la Française des Jeux lancera en septembre deux jeux à gratter, l’un à 15 € et un autre au tarif de 3 €. Cela permettra d’éviter que ce jeu et les tickets à gratter, qui seront eux, comme l’an passé, disponibles en septembre pour les Journées du Patrimoine, ne se fassent concurrence.