République du Sénégal, région du Fouta-Toro au nord de Dakar. Dans un village Peul isolé, deux jeunes adultes s’aiment tendrement : Banel (Khady Mane), 18 ans et Adama (Mamadou Diallo) 19 ans. Banel a un tempérament rebelle, défiant les us et coutumes traditionnelles, ancestrales, de la société islamique africaine.
C’est un électron libre qui refuse de travailler (entretien de la maisonnée, lessives, corvées diverses, etc.). Adama est comme tous les hommes de son village, dans la tradition du peuple Peul, un pasteur : il s’occupe d’un maigre troupeau de vaches.
Le chef du village étant décédé accidentellement (?), le conseil des anciens se réunit et, suivant la règle immuable, désigne son chef : Adama. Ce dernier refuse malgré la tradition séculaire qui le désigne (il descend d’une lignée de chefs). Face a cette dérobade le village gronde ; la mère d’Adama lui reproche son choix dont elle accuse Banel, mauvaise épouse et mauvaise conseillère.
Autant Banel est fantasque, passionnée, autant Adama est calme, introverti. Ce dernier culpabilise de ne pas avoir assumé son rang au sein de la communauté villageoise. Cependant, pour conforter sa décision, il construit sa nouvelle maison, en dehors du village, loin de la communauté étouffante que Banel, de plus en plus agressive, supporte difficilement.
La saison sèche (climat tropical) se prolonge ; le manque d’eau est alarmant pour le bétail. Les premières vaches meurent de soif. Adama s’absente la nuit pour s’occuper d’elles, les faire boire après le coucher du soleil. La saison des pluies se fait attendre. Un désastre climatique semble se dessiner pour les hommes et les animaux …
Banel et Adama est le premier long métrage de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy (37 ans) ancienne élève de la FEMIS (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) section scénario (promotion 2015). En 2021, elle met en scène son premier et unique court métrage, Astel, couronné dans de nombreux festivals.
Également scénariste de son second opus, Banel et Adama, elle déclare à la presse : « Mon envie était d’inventer un personnage aussi mythique que Médée ou Phèdre. Bien sûr, l’Afrique possède énormément de figures de fiction connues mais aucune qui ne dépasse les frontières du continent ». Elle conclut : « L’universalité est une notion capitale pour moi ».
Effectivement, Banel et Adama, bien que l’histoire soit africaine, plus exactement se déroulant dans « l’Archipel Peul », nomades pasteurs répandus sur plusieurs pays (Burkina Faso, Nigéria, Mali, Tchad, Cameroun, Benin, Maurétanie, Sierra Leone, etc.) représente près du quart de la population du Sénégal (22%).
Une minorité importante d’obédience musulmane avec ses contraintes, ses interdits, en particulier ceux qui ont trait aux femmes : les femmes à la maison, les hommes aux champs. Toutefois, c’est un peuple qui est connu pour être digne, mais surtout très fier, d’une grande sagesse venue du fond des âges
Ramata-Toulaye Sy s’est souvenu des vacances passées dans son enfance dans le village Peul de ses parents (le reste du temps elle vivait en France). La densité et l’authenticité de sa narration imagée y trouvent leurs origines : des plans fixes sur les personnages (gros plans ou plans éloignés), sur les maisons en pisé du village. Quelques travellings judicieux (caméra à l’épaule), mais parcimonieux, dynamisent des scènes de rupture (déambulation agressive de Banel dans le village) sous un soleil implacable.
Le travail du chef opérateur, Amine Berrada, est remarquable : couleurs très contrastées au début du film et surexposition progressive (lumière aveuglante, presque blanche), lorsque la sècheresse progresse. A ces effets chromatiques, Amine Berrada ajoute ses trouvailles d’une grande simplicité, mais efficaces, pour les séquences oniriques et/ou fantasmées.
Les deux acteurs principaux, Khady Mane (Banel) et Mamadou Diallo (Adama), tous deux non professionnels, sont remarquables de justesse.
Le film est assez silencieux : peu de paroles, rares moments musicaux qui ne surviennent crescendo qu’au terme du film.
Banel et Adama est un film d’une grande beauté plastique et sonore parfaitement maitrisée par la réalisatrice franco-sénégalaise. Au dernier Festival de Cannes (2023), le film a été sélectionné en compétition officielle et également, fait rarissime, pour la Caméra d’or en tant que première œuvre de fiction.