(photo de couverture : Saint-Jean-de-Luz, l'Épiphanie, procession des rois mages, vers 1910, coll. Musée Basque)
La procession de l’Epiphanie se déroulera ce dimanche 5 janvier à 10h à Saint-Jean-de-Luz, avec le cortège des jeunes figurant l’Adoration des Rois Mages, précédés de l’Ange porteur de l’Etoile. La messe, présidée par Mgr Marc Aillet, sera célébrée à 10h30 à l’église Saint-Jean-Baptiste.
Coutumes originales à Saint-Jean-de-Luz et Ciboure
A Saint-Jean-de-Luz, cette fête est doublement religieuse : tout en constituant la fête de l'Epiphanie avec les Rois Mages, c'est également une Fête Dieu (Besta-Berri) mais chose curieuse : en hiver. L'origine historique de cette fête Dieu en hiver serait une demande de décalage exceptionnel demandé fin XVème - début XVIème siècle à Rome, afin de permettre aux marins pêcheurs de morue à Terre-Neuve d'être présents, car cela leur était impossible au printemps pour la date normale de la Fête-Dieu, en fonction du calendrier des pêches (rappelons que cette fête, très ancienne, avait été instituée en 1264 pour le pape Urbain IV, et sa date varie entre mai et juin en fonction de la date de Pentecôte, qui elle- dépend même de Pâques qui est une fête mobile). Ou en 1578, on évaluait à 3000 hommes et 80 navires les Terre-Neuvas luziens. Ce décalage fut peut-être aussi l'occasion saisie par l'Eglise pour mettre fin à des rituels plus païens. D'ailleurs, la ville voisine Ciboure possède pour le même motif, une fête Dieu décalée en hiver à la date du 22 janvier (jour de la Saint Vincent), et au cours de la procession, les marins portent une barque sur leurs épaules.
Il semble donc que le cortège des Rois Mages soit plus ancien que la Fête-Dieu d’hiver : il a peut-être pu exister en plein Moyen-Age sous une forme moins solennelle. Voici comment Pierre Larramendy, ancien maire de la ville, décrivait cette tradition dans les années vingt : « Dans la vaste église paroissiale, ou Louis XIV fit d’une petite infante la souveraine de la première puissance du monde, le rétable somptueux est illuminé: depuis le maître-autel, c’est le départ de la procession. La croix s’ouvre une route dans la foule comme une mer prodigieusement docile; sur deux rangs s’avancent les enfants, les jeunes gens et les hommes et, à l’intérieur de cette double haie, un autre cortège celui des Rois. Bannières, drapeaux, emblèmes de confréries médiévales, bérets rouges de musiciens. Précédé d’un angelot élevant l’Etoile en haut d’une pique, voici les porteurs de reliques.
A cet endroit du cortège s’avançaient les trois Mages. Vient ensuite dans la magnificence des ornements offerts par le Roi-Soleil, le dais blanc et or du Saint-Sacrement que soutiennent tour à tour, tant l’ostensoir est pesant, plusieurs groupes de prêtres ; enfin, car la cérémonie est également civique, le Maire et ses adjoints. Et la babillante cohorte des femmes dont le sens de l’ordre ne répond que par moments trop brefs à la très ardente piété...».
Cependant, d’après Philippe Veyrin et la mémoire collective des vieux luziens, jadis les Rois Mages n’avaient pas la même apparence. Ils étaient représentés non pas par des enfants, mais par « trois robustes marins vêtus d’écarlate et montés à cheval, ils étaient précédés par un ange adulte porteur d’une étoile dorée. Ces beaux cavaliers venaient gravement frapper à la porte même de l’église, celle-ci s’ouvrait devant eux pour laisser passer la procession dont ils prenaient la tête à travers la ville jonchées de verdure...». Certains Luziens racontaient que jadis les Rois Mages venaient du Quartier Accotz à cheval, d’autres, qu’ils rentraient à cheval dans l’église.
La tradition chrétienne du "jour des Rois"
Ce jour des Rois marque l'apogée de la période de Noël et commémore l'arrivée des Rois mages apportant des présents à l'Enfant Jésus qui vient de naître. D’après des traditions qui se sont superposées au fil des siècles et des nations, il y eut Gaspar, Balthazar et Melchior, représentant trois continents et apportant chacun trois présents: l'or, l'encens et la myrrhe. Et dans de nombreux villages, on allumait les « feux des rois » rappelant ceux qui, dit la légende, brûlèrent cette nuit-là à Bethléem pour cacher l'Étoile au roi Hérode.
Or, selon l'Évangile de Saint Matthieu, des mages venus d'Orient se présentèrent à Hérode dans son palais. Ils disaient venir voir le messie dont une étoile annonce la naissance à Bethléem, comme l'a indiqué le prophète Michée. Obsédé par les complots et redoutant un concurrent en ce Roi Messie, Hérode les invita à revenir le voir après l'avoir trouvé. Mais les mages, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, rentrèrent par une autre route. Après leur départ, un ange avertit également Joseph de prendre avec lui l’enfant et sa mère et de fuir en Egypte. En effet, s’apercevant que son piège avait échoué, Hérode fit assassiner par ses sbires tous les garçons de moins de deux ans, ce fut le massacre des Innocents…
Et ce n’est que cinq siècles plus tard que leur nombre (trois) sera fixé, que le titre de « rois » leur sera donné en référence à un passage des psaumes (« les rois de Tharsis offriront l'encens ») et qu’une tradition remontant au VIIe siècle les nommera Balthazar (déformation de Belshatsar, Daniel), Melchior et Gaspard.
Finalement, au XVe siècle, ont leur attribuera à chacun une race différente : Melchior, blanc ; Balthazar, noir et Gaspard, jaune.
Entre temps, leur culte se répandit au XIIe siècle, après le dépôt à la cathédrale de Cologne de leurs « reliques ». Reliques voyageuses, car découvertes en Perse par Sainte Hélène (mère de l’empereur Constantin), puis transférées de Constantinople à Milan d’où une partie échut à Cologne, contribuant à la renommée de la ville qui en a gardé trois couronnes symboliques dans son blason. A la même époque, le prêtre rhénan Johannes von Hildesheim en popularisa la légende dans ses écrits.
Qui étaient-ils, ces Rois Mages ?
Le merveilleux chrétien qui a fleuri sur le récit de Saint Matthieu continue de fasciner : il y a quelques années, l’« Archaeological Magazine » évaluait à 250 le nombre d'articles scientifiques importants consacrés à ce phénomène entre 1900 et 1975 ! Etoiles filantes, comètes, conjonctions planétaires : des chercheurs ont échafaudé toutes les hypothèses astronomiques, jusqu’à compulser d’anciens traités chinois et coréens afin de retrouver la trace de la fameuse étoile. Dans leur essai d’interprétation des descriptions fournies par les textes sacrés, les rationalistes s’efforcent évidemment de prouver un phénomène authentique auquel il conviendrait d’ôter son caractère de signe miraculeux. Mais, plus de 2000 ans après les faits, force est d'admettre que le mystère des Mages et de l’étoile qui les a guidés demeure entier, et les avis partagés. S’agissait-il d’astrologues liés à une population juive subsistant à Babylone ou de « mages » adeptes des croyances zoroastriennes mais au courant des grandes prophéties messianiques qui auraient observé une triple conjonction de Jupiter et de Saturne dans le signe des Poissons, ce qui signifiait que ces deux planètes se s’étaient trouvées par trois fois alignées par rapport à la terre dans la constellation du poisson ? Or, selon certaines recherches, il serait possible de déterminer que depuis des milliers d'années, ce phénomène n'avait eu lieu qu'en l’an 7 avant notre ère, période proche de l’année réelle de la naissance du Sauveur !