Photo de couverture : Marie avec le Christ et saint Jean Baptiste (1764), par Louis Jean François Lagrenée (1725-1805)
En ce temps de Noël, les peintres illustrent la famille proche de Jésus des personnages historiques de ses origines bibliques. Il y a 260 ans, l'artiste-peintre Louis Jean François Lagrenée avait donné visage aux deux enfants Jésus et Jean-Baptiste nés selon son inspiration dans ce délai de Noël, à la demande d'une mécène "salonnière" du XVIIIème siècle, Marie Thérèse Rodet Geoffrin (1699-1777).
Un tableau de chevalet conservé par le musée de Karlsruhe fait le bonheur des passionnés d'art admirant les couleurs des personnages représentés. L'auteur de ce travail naissait le 21 janvier 1725. Un ouvrage publié par les éditions Arthena le distingue de son frère, peintre également formé dans l'atelier du roi Louis XV par le maitre Carle Van Loo. Il est gratifié de toutes les reconnaissances à Rome, est reçu par l'Académie royale de peinture et sculpture en 1755. Il est appelé par Elisabeth de Russie à diriger à Saint-Pétersbourg l'Académie des Beaux Arts, il réside trois ans en Russie, de 1760 à 1763. De retour à Paris, il occupe des fonctions au sein de l'Académie royale, avant de diriger l'Académie de France à Rome de 1781 à 1787. Une référence de la peinture de ce temps.
Artiste inspiré de mythologies antiques et de religion, ses modèles sont de petite taille mais prisés par une clientèle fidèle, sensible à la poésie et au style français de ce peintre prolifique, inspiré par le poète Francesco Albani, et pour le dessin, par Guido Reni. Deux peintres italiens admirés par le Français. Comme chez tout artiste certains l'admirent, d'autres le critiquent, tel Denis Diderot "qui lui reconnaissent des mérites mais l'accablent comme étant un auteur sans imagination ni esprit, capable de décrire la nature mais ignorant le cœur humain". Les mêmes changeront d'avis au fil du temps et le couvriront de faveurs et d'admirations comme très souvent chez les artistes redoutables critiques d'art et de satisfaction des autres témoins !
Représenter le modèle de la nature dans des couleurs belles et solides, par ses actions vraies, c'était là la source d'inspiration de ce peintre.
Et le commentaire s'appliquera sur Marie avec le Christ et saint Jean Baptiste peint sur cuivre en 1764, et exposé au Salon de 1765. "La vierge à genoux sur un tabouret, dans une pièce dépourvue de tout décor exception d'un vieux fauteuil, un bout de couverture avec un oreiller de coutil d'une vérité à tromper les yeux" -Diderot - et d'un rideau qui repose sur le rebord d'une fenêtre ouverte, s'occupe de son enfant.
Et pose généreuse, l'Enfant Dieu s'est assis sur un agneau, couché à terre. Plus vrai que la crèche, même, d'un landau inhabituel. A coté se tient un enfant plus âgé, le cousin Jean le Baptiseur. Point d'auréoles de sainteté ni pour l'un ni pour l'autre, mais ils sont identifiés spontanément : le Christ tient dans sa main droite une pomme et Jean Baptiste, une croix de bois sur laquelle est enroulé un phylactère portant l'inscription Ecce Agnus Dei, voici l'agneau de Dieu. La scène est intime, de nativité heureuse mais préfigure l'histoire suivante de la Passion.
Une invitation à poursuivre avec l'agneau, là où il ira ! - Ap 14,4.-
Ces deux enfants jouent avec les attributs de l'enfance, un ruban bleu servant de laisse de l'agneau qui identifie l'Agneau lui même. Agnus dei annoncé par Jean Le Baptiste, agneau amené à l'abattoir Jr 11, 19. Cet agneau immolé qui n'ouvre pas la bouche, Is 53,7 , Actes 8, 32 et s'offrira en sacrifice pour notre rédemption, Jean 1, 36 !
Appelés comme tous les fidèles à suivre cet agneau sans défaut et sans tache, 1 P, 1-19, et partout où il va.
Jean Paul II, le polonais des engagements de la foi en terre peu disposée de ses origines, invitait les jeunes lors du Jubilé en l'An 2000 : Il ne vous sera pas demandé peut être de verser votre sang mais de garder la fidélité au Christ, oui certainement : Douceur d'une crèche de la Nativité à Noël mais ouverte à l'horizon de la passion. Le visage du Christ dans sa gravité en est le signe. Il ne tient encore la croix tendue par Jean le Baptiseur, mais le témoin de la scène en pressent le signe à venir. Les trois acteurs de la scène biblique tiennent leur rôle et connaissent désormais leur mission.
Tous les signes de gravité sont là, le manteau de pourpre, la pomme originelle et la croix du salut, le linge immaculé sur lequel repose l'enfant Jésus, en préfiguration du linceul et le rideau de la fenêtre signifiant le manteau du vendredi saint revêtu sur le chemin du calvaire. Le détail artistique va au-delà de l'esthétique et s'imprime d'intensité spirituelle.
La beauté des couleurs bleue et rouge favorise la contemplation et l'admiration, et la voie intérieure d'une passion personnelle de ce mystère qui s'accomplira dans le temps qui viendra. De la docilité de la foi faite de liberté de croire, d'accepter son destin personnel à tout un chacun, Liberté chrétienne et docilité dans la foi sont inspirés par la parole de Dieu, d'une source inépuisable de la vie. Le rôle du Saint-Esprit ne quitte pas l'esprit de la foi, en quête de sens inachevé de notre histoire !
Bibliographie
Joseph Assemat Tessandier, Louis Lagrenée dit l'Ainé 1725-1805 Arthena Paris 2022
Maurice Hamon Madame Geoffrin, femme d'influence, femme d'affaires au temps des Lumières Fayard Paris 2010