1 – Le pape François et le grand iman d’Al Azhar
Vendredi dernier 28 avril, lors de sa visite de deux jours au Caire, le pape François participait à la Conférence internationale de la Paix préparée par les autorités égyptiennes et le Vatican. Deux interventions inédites ont donné lieu à deux conférences : celle du grand iman El Tayeb, président de l’université sunnite Al Azhar du Caire, et celle du pape François sur les enjeux de la paix dans ce Moyen Orient d’aujourd’hui.
Saluée comme une visite historique par le grand iman et précédée d’une minute de silence pour toutes les victimes du terrorisme au cours de ces dernières années, le propos de ce dernier est grave, solennel. Ignorer la mission au service de la paix loin des accords de l’ONU, et de la défense des Droits Humains internationaux reste le défi majeur du XXème siècle comme « un appel déçu du paradis perdu, de la foi disloquée par la jungle d’intérêts opposés qui les combattent ». Le grand iman évoque le désir universel de la sagesse des hommes aspirant à une paix détournée par l’interprétation frauduleuse des acteurs de violence et de haine, une allusion à l’histoire antique de l’Egypte, terre de sagesse et de civilisation, soulignant que l’islam religieux n’avait jamais voulu prôner la haine ni la violence, qu’aucune religion, juive, chrétienne ne se nourrit de cette inversion des valeurs religieuses, comme autant de déviations fausses de leur mission... Et Le Grand Iman de lancer un appel solennel afin de demander le respect de la pensée des autres croyances, la promotion des valeurs familiales, le refus du radicalisme sous couvert de religion et le retour au dialogue avec tout un chacun dans ses différences mêmes… Appel destiné sans doute en premier à ses coreligionnaires du Moyen Orient où Al Azhar exerce une influence majeure parmi les musulmans sunnites...
2 – La veine biblique du pape François
La teneur des propos du pape François s’inscrit dans le fil historique de la Bible, et de l’Egypte, dans sa glorieuse histoire civilisatrice et d’alliance des cultures sur cette terre des pharaons.
La lumière de la connaissance antique a illuminé l’intelligence des hommes du passé, elle doit illuminer aujourd’hui le labeur de ceux qui s’en inspirent pour restaurer par l’éducation et la religion les rapports des contemporains irradiés par ce soleil de transcendance qui élève et inspire le travail de l’esprit et des cœurs (allusion au soleil Ra ou Ré de la religion antique du pays qui conduit le cours de la vie sur ce Nil dont la mythologie faisait emprunter à l’homme une barque solaire au long de son destin).
L’image du Sinaï - montagne sacrée sur cette terre - permit au pape François de rappeler la symbolique interreligieuse qu’elle représente dans la bible et le coran pour nouer entre le ciel et la terre les œuvres des hommes et de l’Eternel conjuguant les bénéfices obtenus par le travail de ceux des hommes qui s’en rapprochent.
Un NON à la violence religieuse au NOM de Dieu rappelé par le pape François qui demande aux croyants des deux confessions religieuses de prier les uns pour les autres, et d’unir tous les efforts possibles pour renouer le sens de la civilisation du passé et le désir de l’alliance des hommes aujourd’hui. La figure très contemporaine de saint François cultivant la fraternité et le dialogue avec le sultan de son temps reste d’une actualité permanente (allusion évidente à l’influence d’Alexandrie dans le cours de l’histoire de l’Egypte et de l’Eglise copte dans ses origines, voyez notre article en rubrique « Tradition »).
Les images utilisées du Ciel, de la transcendance, du Mont Sinaï, des arbres qui s’élèvent vers le sommet de l’univers, donnent au propos du pape François sa dimension et son amplitude au-delà de l’Egypte d’hier vers le pays influent du Moyen-Orient d’aujourd’hui dans les relations et le réseau de ses influences possibles sur ses voisins. La référence explicite aux armes mortelles, au risque de les utiliser dès lors qu’elles demeurent en réserve, constitue un autre aspect de son discours dans ce Moyen-Orient, poudrière si prompt à leur usage.
C’est une constante de la diplomatie vaticane, et particulièrement du pape François qui distille sans discontinuer depuis son accession à la papauté la défense de la Paix, bien commun auprès de tous les artisans de Paix dans toutes les religions du monde. Selon le pape, l’Egypte doit demeurer le pays référentiel de la recherche de la paix pour son usage et pour l’Orient dans la tradition de civilisation qui fut sienne au Moyen Âge ; il peut le redevenir en fonction de l’intention partagée des religieux, quand ils mettent en commun leur désir et leurs efforts vers ce but pacifique.
Fidèle aux conférences en faveur de la paix voulues et promues par le Vatican dans ces pays en guerre, la conférence internationale de la paix du Caire donne ainsi le ton de la diplomatie du pape François qui s’investit dans des domaines inattendus jusque dans ces terres étrangères à ses influences religieuses directes, mais nourries par capillarité de la culture de paix universelle sans laquelle les différences et les oppositions nationales deviennent des frontières interdites au dialogue et aux échanges.
François-Xavier Esponde