0
Actualités
Tribune libre : le désarmement d’ETA du 8 avril à Bayonne vécu par l’église locale
Tribune libre : le désarmement d’ETA du 8 avril à Bayonne vécu par l’église locale
© DR

| Père François Xavier Esponde 1347 mots

Tribune libre : le désarmement d’ETA du 8 avril à Bayonne vécu par l’église locale

1 – l’actualité

La ville de Bayonne a accueilli ce 8 avril 2017 une conférence aux accents inhabituels dans la cité. Le miracle à Bayonne de la paix en perspective s’est produit dans l’étonnement des uns, la perplexité des autres, car on attendait ce jour, mais au fil du temps, l’incrédulité avait appris de la défiance la règle de précaution nécessaire.

Le Mouvement ETA connu pour son engagement politico-militaire depuis 1959, date de sa création, remettait les armes aux autorités françaises par l’entremise du maire de la ville, Jean-René Etchegaray, avocat de profession. Il s’agissait de prouver la bonne foi des protagonistes en localisant sur le territoire français des caches d’armes en huit lieux désignés dans le département basco-béarnais et qui furent sécurisés par la police dès l’information fournie.

En présence de la Délégation de Vérification Internationale composée de personnalités mandatées par les institutions publiques, le document final déclarant le désarmement du mouvement était transmis par le représentant de San Egidio en la personne de l’archevêque de Bologne, le pasteur de l’église protestante de l’Ulster, et des membres de cette délégation dans les salons de la ville.

Chacune de ces personnalités s’étaient illustrées dans son propre pays au service de la paix, en Italie et en Irlande du Nord pour ce qui les concerne.

San Egidio est reconnu comme un réseau international de médiation pacifique dans des guerres civiles en quête de solution de sortie honorable pour tous !

Une opération discrète sans incident sans publicité eut lieu avant le rassemblement populaire de milliers d’Artisans de la Paix des deux versants des Pyrénées réunis dans le quartier Saint André appelé “petit bayonne” pour des prises de parole et la diffusion de l’information.

Saint-André est la seule église de Bayonne à disposer d’une statue de Notre-Dame de la Paix située à l’entrée de l’édifice et érigée par des anciens combattants français ; et il convient de rappeler que le quartier du même nom connut des violences meurtrières, en particulier aux bars et terrasses de ses établissements. Certains noms sont imprimés sur les façades de ces immeubles pour ne pas les oublier, une opportunité désormais pour tous les responsables civils ou religieux de donner à ces victimes un droit de cité pour la mémoire de la paix à venir.

Il faut noter la présence du Conseiller à la Justice du président Mitterrand lors de sa présidence, qui lut le document final avec une émotion personnelle partagée par le public qui mesurait le travail des années accompli par cet homme de l’ombre de l’Elysée de cinq ans, comme souligné par la sénatrice Frédérique Espagnac en relation avec cet événement majeur de la vie locale.

2 – En Euskadi

Le travail de longue haleine des mouvements pacifistes sur le territoire basque-espagnol a obtenu ses résultats et doit être souligné.

Chacun connait le labeur politique accompli par les partis de toutes obédiences dans l’adversité, au fil des circonstances graves et des violences subies par la société civile depuis plus de cinquante ans.

Les Mouvements en faveur de la Paix instruits pour une grande part par les églises des provinces basques, furent les protagonistes de ces rencontres en faveur d’une société pacifiée tout au long de décennies passées. Chaque meurtre violent, attentat et assassinat perpétré était suivi d’une lettre pastorale de l’évêque du lieu où avait eu lieu le drame.

Pâques de ces années dramatiques permettait aux évêques de Saint Sébastien, de Pampelune, de Vitoria, de Bilbao de rédiger une missive en faveur de la paix. Les archives en espagnol et en basque en font foi, et les dispositions prises dans les diocèses avaient pour but de soutenir les familles endeuillées quelles que fussent leurs origines ou leur appartenances, car elles venaient de tous les horizons de la société civile. On se souviendra des rencontres diocésaines à Aranxaxu tous les ans dans le couvent franciscain situé sur les hauteurs de la Guipuzkoa, à Armentia aux portes de Vitoria capitale de la province d’Alava, et siège du Gouvernement d’Euskadi, à Bilbao autour de Notre Dame de Bego ña, patronne de la province basque de Biscaye, ou encore en Navarre, à Javier, et au cœur des monastères et des nombreuses communautés religieuses sur les chemins de Compostelle.

Le cardinal Roger Etchegaray fut encore un artisan discret de ces rencontres ecclésiales en lien avec le Vatican et San Egidio dans les missions de l’Eglise dans le monde. La visite de l’archevêque de Bologne au domicile du cardinal Etchegaray le week-end dernier n’était sans doute pas une formalité.

C’est à Armentia, dans les environs de Vitoria, qu’eut lieu en janvier 2001 une rencontre mémorable de dizaines de milliers d’artisans de la paix présidée par le Cardinal basque de Madrid Suquia et tous les évêques et leurs auxiliaires des quatre diocèses basques du nord de l’Espagne. L’évêque de Bayonne s’était joint à la rencontre par une missive de soutien. Ce dernier avait soutenu une réunion d’information tenue à la maison diocésaine de Bayonne à laquelle trois mouvements pacifistes venus de l’autre versant des Pyrénées participèrent en présence de représentants de la presse écrite et tv locale.

L’Eglise s’engageait sans retour en faveur d’une paix durable encore improbable mais désirée par les autorités religieuses directement en prise avec ce projet.

Pour ne citer que quelques mouvements partisans de la paix, il faut mentionner Gesto por la Paz, Elkarri, Bakea bai, parmi bien d’autres au rayonnement plus diocésain ou paroissial au cœur des villes des provinces basques, chargés de soutenir et d’apaiser les conflits quand des drames survinrent, au fil du temps, divisant les cités, les communes et les familles.

Johann Fernandez pour Gesto por la Paz, Maité Recalde pour Elkarri, et tant d’anonymes, prêtèrent leur concours pour diffuser cette culture de paix au sein de la communauté autonome basque.

Prêtres, juristes, associatifs, humanitaires et humanistes, délégués des partis, syndicalistes et représentants du monde du travail collaborèrent dans des cercles d’études et de prière pour « infuser le désir de la paix dans une société divisée et prompte à la violence ».

Le programme officiel « Paz y Convivencia » - la paix et le vivre ensemble -, désormais soutenu par le gouvernement basque, donnait au mouvement du rayonnement et de l’amplitude.

La Commission officielle portée par le gouvernement du président Urkullu instruira ce programme éducatif à tous les niveaux de la vie sociale, écoles, universités, entreprises, associations, syndicats, espaces culturels et médias, et fera l’objet d’un suivi et d’une diffusion désormais large qui n’a rien de commun avec le travail artisanal des pionniers de la paix des années 80 !

Une ère nouvelle se profile, le temps des meurtres et des assassinats politiques est révolu. La génération suivante aujourd’hui cultive le temps de la culture et de la citoyenneté ou du vivre ensemble différent.

Ce vivre ensemble doit se prolonger par le travail mémoriel des familles, et des histoires individuelles pour se lier dans la paix, et la réconciliation comme au terme d’une guerre où les blessures sont toujours vives et les souvenirs inoubliables.

Il faudra sans doute repenser les voies de la réintégration des prisonniers de ce conflit. L’église aura-t-elle cette fonction parmi d’autres ? Il serait incompréhensible d’en ignorer la tâche future. 

Le vivre ensemble a modifié de plus le rapport de l’Euskadi avec les nombreux immigrants accueillis dans les provinces basques. Autre modalité de ce vivre commun partagé du temps qui vient de conflits possibles qui se déplaceront désormais d’horizons et de perspectives sociétales. Venus d’Amérique du Sud, du Maroc et de pays africains, « la population des autochtones s’est enrichie de cette immigration économique » nécessaire pour assurer les riches potentialités économiques régionales souffrant d’une démographie passive et d’un déficit notable.

D’autres défis attendent dès lors les chrétiens des diocèses basques. Le temps d’une génération, les suivants comprennent peu l’histoire récente de leurs parents. Il nous faudra le rappeler pour ne jamais oublier la souffrance d’un passé contemporain de nos vies entaché par l’ETA. L’église y aura laissé des pans de vie dans ce conflit collatéral qui embrasa les communautés religieuses et les paroisses...

Un monde autre est né, un autre monde est à portée de vie commune !

Père François Xavier Esponde

Pax Christi-Bayonne

 

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription