La vallée perdue de Roncal située en plein cœur des Pyrénées, à la frontière de la Navarre et de l’Aragon, avait vu naître dans le village isolé du même nom un des plus célèbres chanteurs d’opéra de son époque, Julian Gayarre (1844-1890), qui connut une gloire internationale (notre « Lettre » du 26 juin).
Un musée localisé dans une maison qu’il avait achetée dans son village natal, très émouvant, dans lequel sont rassemblés les souvenirs de son éblouissante carrière, lui est entièrement consacré.
Pour sa part, le compositeur et claveciniste Sebastian Ramon de Albero y Aranos (1722-1756), né lui aussi à Roncal un siècle avant Gayarre, est beaucoup moins connu.
On sait peu de choses sur son enfance et sa formation musicale.
En 1734, il rejoint la chorale des enfants de la cathédrale de Pampelune où il demeure jusqu’en 1739, et étudie la composition et le clavecin sous la direction des maîtres de chapelle Miguel Valls et Andres de Escarregui.
En 1749 il est nommé organiste de la chapelle royale à la Cour du souverain Fernando VI et partage ses fonctions avec les compositeurs José de Nebra (1702-1768) et Joaquin de Oxinaga (1719-1789).
Il a certainement côtoyé le composteur italien Domenico Scarlatti (1685-1757), installé à Madrid à la cour d’Espagne depuis 1733, au service de l’épouse portugaise de Fernando VII, Maria Barbara de Braganza, et auteur des fameuses et célèbres 555 sonates pour clavier composées en Espagne tout au long de sa féconde carrière.
Il disparaît prématurément de causes inconnues à peine âgé de 33 ans, laissant une veuve et des regrets.
Albero est l’auteur de 30 sonates écrites pour le clavecin ou le pianoforte, et de 6 pièces élaborées nommées « Recercatas ».
Il a certainement écrit pour l’orgue et pour d’autres instruments mais rien n’a été retrouvé dans les archives royales.
Les 30 Sonates d’Albero sont considérées comme un sommet et une remarquable contribution à la très riche littérature espagnole pour clavier du XVIIème siècle.
Tour à tour mélancoliques ou joyeuses, très mélodiques et colorées, pleines de modulations surprenantes et de phrases irrégulières et incisives, avec de fréquents changements de modes mineur à majeur et de rythmes, ces Sonates qui se ressentent d’une influence française et qui anticipent sur le mouvement romantique comptent parmi les plus réussies et les plus modernes de son époque, et peuvent rivaliser avec celles de ses contemporains Domenico Scarlatti et le père Antonio Soler (1729-1783), lui-même auteur de 200 sonates pour le clavier.
Les Sonates et Recercatas ont été enregistrées sur disques par plusieurs clavecinistes de renom.