1 – La cathédrale de Reims.
Parmi les cathédrales de France, Reims la royale fait la particularité de l’histoire de la Gaule. Pour les Français les plus attachés aux racines chrétiennes de la Gaule, le baptême de Clovis, roi des Francs, est le point d’origine de cette histoire depuis l’an 500.
La cathédrale d’aujourd’hui a vu sa construction commencée en 1211 sur un emplacement plus ancien d’une cathédrale paléochrétienne où se trouvait le baptistère.
En baptisant Clovis en ce lieu, la royauté y prendra racine au milieu de peuplades rivales, auparavant divisées, puis unies par ce sacre originel donnant naissance à un Etat en voie de devenir une Nation sur le territoire même de la vieille Gaule. En mémoire de ce baptême, l’édifice sacré devint la cathédrale du sacre des Rois de France.
Le sacre est défini par Pépin le Bref qui marque l’avènement d’une seconde dynastie. Depuis 751, rapportent les historiens, le dernier descendant de Clovis, Childéric III, est écarté du trône et remplacé par Pépin le bref. Pour accéder à une légitimité publique, le sacre divin dans son essence donnera à sa désignation une force spirituelle et religieuse qui se fondera dans l’histoire sainte du royaume de France, transmise par la royauté et célébrée à Reims au cours du temps.
2 – Origine biblique du sacre.
Pour comprendre le rite du sacre, le Livre biblique de Samuel en donne le sens des origines. Les Hébreux demandent un roi, Samuel se tourne vers son Seigneur, l’Eternel, pour qu’il désigne son élu, en la personne de Saül tout d’abord, puis de David. « Samuel prend une petite bouteille d’huile puis il la verse sur la tête de Saül et il l’embrasse. Puis il dit : le Seigneur lui-même t’a consacré pour que tu sois le Chef du peuple qui lui appartient » (1 Samuel 9-15. 10,1).
Ce rite des ordinations change le postulant qui reçoit l’onction sacrée de celui qui en fait l’objet. Il est oint de grâce particulière et désormais on ne peut porter la main sur lui...
« Ce sacre donnera une légitimité absolue aux rois à la suite d’une histoire antérieure des chefs mérovingiens qui ont tous péri de mort violente et d’assassinats jusqu’en 1589, date de l’assassinat d’Henri III. Jusqu’à cette date, poursuivent les historiens, aucun roi sacré à Reims ne fut assassiné » !
Exception historique, Pépin le Bref profitera du passage du pape à Saint-Denis pour obtenir le sacre avec ses deux fils, Carloman et Charles en 754, afin d’assoir la dynastie dans le temps à venir et rompre le risque électif qui aurait remis en difficulté la succession au trône des princes héritiers du royaume.
Le premier sacre à Reims est celui de Louis le Pieux, fils de Charlemagne, en 816. Car Louis le Pieux reprend la tradition des origines des sacres à Reims. Ce dernier écrit « qu’il y est devenu roi là où un roi du même nom que lui Clovis a été digne de la grâce du baptême ». Les carolingiens enracineront de la sorte une continuité royale. Pour les historiens, Louis est le nouveau Clovis et l’histoire royale de la ville prend racine dans cette fidélité.
Au fil des IXème et Xème siècles, les rivalités entre les Carolingiens et les Robertiens devenus Capétiens, entre le royaume de Lutèce et celui de Reims, traversent l’histoire.
Au Xème siècle, l’archevêque de Reims et celui de Sens auront le privilège de se partager le rôle et de gérer la paix des royaumes et des rois qui les gouvernent.
A partir de 1027, tous les rois sont sacrés à Reims, avec quelques exceptions rapportées par l’histoire nationale : Louis VII sacré à Orléans en 1108 à la suite de querelles d’intérêts entre fidèles du roi Philippe son père enterré à l’abbaye de Fleury et qui fut l’objet de rivalités dissidentes mettant en danger l’unité de son règne.
Autre exception, celle d’Henri IV en 1594 : ce roi huguenot est un autre sujet de division qui n’est pas seulement une question religieuse en l’état. Le cardinal de Reims est assassiné à Blois avec son frère le Duc de Guise, sur ordre d’Henri III qui choisit Henri IV pour lui succéder. Ce dernier sera sacré roi à Chartres par défaut, ne pouvant se rendre à Reims à cause des circonstances.
Quant à Louis XVIII, voyant son royaume occupé par les Prussiens, les Autrichiens et les Russes, il différera son sacre.
Charles X sera le dernier roi sacré à Reims en 1825.
Après Charles X, Louis Philippe deviendra Roi des Français - et non plus « Roi de France par la grâce de Dieu » - et sans sacre, il acceptera de respecter la Charte Constitutionnelle. Le monde d’alors a changé. L’histoire de la Révolution française a modifié les codes royaux et la monarchie a poursuivi son histoire séculaire de ce temps passé.
3 – La sainte ampoule
L’histoire de la sainte ampoule est un grand mystère. Dès le IXème siècle, on mentionne son origine. Conservée dans le tombeau de Saint Rémi, elle est portée à la cathédrale pour le sacre des rois, et les chroniqueurs soulignent sa senteur exquise qui aurait accompagné l’inhumation de Saint Rémi. On se délecte dans la légende. Qu’importe, elle a du sens. La première représentation du baptême de Clovis, inspirée de celle de Jean-Baptiste baptisant Jésus, figure la colombe de l’Esprit-Saint au-dessus de Clovis, comparé à Jésus, baptisé par Saint Rémi, assimilé au Baptiste... Lors des sacres l’ampoule est portée à la cathédrale. Le pape Innocent II sacrant Louis VII à Reims lors d’un Concile local réunissant trois cents évêques déclarera : « procéder à l’onction avec une huile venue du ciel » qui réjouit son assemblée... La relique sainte de l’ampoule rougeâtre et odoriférante sera molestée au fil du temps. Un conventionnel venu de Paris tente de briser l’ampoule et avec elle la royauté de droit divin. Mais le curé constitutionnel sauve le précieux objet.
En 1905, les rapports difficiles avec l’Etat en vue de la séparation des pouvoirs enveniment encore le destin de la relique qui sera transvasée dans le secret par l’Archevêque de Reims. Précaution nécessaire, elle est conservée à l’Archevêché à l’abri des imposteurs.
L’histoire de Reims la Royale est émaillée de la sorte de tous ces récits, légendes, chroniques du temps passé. Elles nourrissent la curiosité. Elle est unique, la nôtre, française et appartient au patrimoine du pays qui savoure encore pour d’aucuns, le goût de connaître l’histoire d’une vieille Gaule enracinée dans le christianisme de ses origines.