L’église d’Hasparren a fait le plein pour d’émouvants adieux à Piarres Charritton : au premier rang sa veuve Aña, sa fille Naiara, et la famille Charritton (Jean-Marc Charritton, fondateur du groupe Lauak, fournisseur d’Airbus, Dassault et d’autres firmes aéronautiques, et son fils Mikel, actuel dirigeant), tout le monde de la culture basque, l’académie basque Euskaltzaindia (Xarlex Videgain, Txomin Peillen), également Maite Idirin et Jokin Apalategi, Philippe Oyhamburu, Manex Pagola… L’adjoint à la culture bayonnais Yves Ugalde qui a ensuite rédigé une touchante « reseña » de la cérémonie sur son site, se rappelait du « conseiller municipal bayonnais dans les rangs abertzale, une famille politique dont l'entrée dans l'arène municipale suscitait des interrogations » (…) « Henri Grenet jetait à cette opposition là des regards soupçonneux qui venaient raser la partie supérieure des lunettes qu'il laissait à mi-nez pour passer de la lecture des rapports à un balayage périphérique rapide sur les débats. Il n'était pas rare que Piarres posât son béret dans l'angle supérieur de son pupitre, comme un rappel, une borne frontière...
Et puis les liens s'établirent et un vrai respect mutuel s'installa entre le maire et le nationaliste meilleur connaisseur de pans entiers de l'histoire bayonnaise dont certains, jusqu'à son arrivée, se faisaient les références souvent autoproclamées ».
Et Ramuntxo Camblong : d’abord élève au collège d’Hasparren puis étudiant à Paris où au « Foyer » de la Maison Basque à Paris, Pierre Charriton avait su éveiller son intérêt pour l’histoire du Pays Basque et surtout sa littérature -.
Dans l’humainement chaleureuse ferveur des chants repris par une assemblée recueillie, une trentaine de prêtres a accompagné Piarres vers sa dernière demeure. On ressentait encore l’émotion dans les propos de Jean-Louis Davant (qui lui succédera ce samedi, à Arrast en Soule, comme lauréat du prix Manuel Lekuona). L’académicien souletin a même établi un parallèle entre Rabelais, l'auteur de la Renaissance, et la figure de Pierre Charritton qui a pleinement participé à la renaissance de l'euskara. Et, comme il se doit dans toute assemblée basque digne de ce nom, vint ensuite l’hommage des bertsularis que le fils de Xalbador, Jean-Louis Harignordoquy « Laka » et Xabier Peritz Mendizabal « Euzkitze » d’ Azpeitia ont conclu par un vibrant « Urepeleko artzaina »…
Comment ne pas me souvenir, en ce qui me concerne, du confesseur – dans sa jeunesse – dont me parlait une de mes tantes, et de l’admirateur du chanoine Lafitte : c’est Pierre Charritton qui m’avait demandé de participer à l’hommage rendu à Pierre Lafitte à Ustaritz en 2001 et repris dans la revue d’Euskaltzaindia « Euskera ». Je me souviendrai toujours de nos entretiens : même si Pierre Charritton n’enrobait que très rarement de « rondeurs diplomatiques » ses prises de position, au moins elles étaient toujours affirmées « argi eta garbi », sans circonvolutions « politiquement correctes » inutiles… Et généralement argumentées fort judicieusement !
A présent, je cède volontiers la plume – ou plutôt le clavier – à François-Xavier Esponde :
Piarres Charritton est décédé dans sa 95ème année.
Personnalité singulière d’une intelligence exceptionnelle, membre de l’académie basque, Pierre fut récompensé d’un travail intellectuel soutenu au fil de ses multiples missions.
Prêtre et professeur à Hasparren, au complexe scolaire Saint-Joseph et à l’Ecole d’agriculture connexe, il se fit reconnaitre par l’essor donné à cet établissement technique et agricole de la commune. Ayant ainsi embauché des professionnels dans chaque discipline, l’école devenue lycée - et lycée de formations spécialisées -, le nom de Pierre Charritton demeure attaché à cette expansion.
Esprit indépendant et engagé, il fut en charge de l’église Saint-Amand à Bayonne avant de reprendre son parcours universitaire au Québec où il composera une thèse de doctorat en théologie soutenue à l’Institut catholique de Toulouse sous la présidence de Mgr René Coste, doyen de la faculté. L’auteur, bascologue, écrivain et chroniqueur de presse poursuivit son travail : la publication de ses livres le confortent dans cet engagement sans limite.
La guerre de 1914-18, son Dictionnaire basque-français, français-basque, les études publiées sur l’enseignement au Pays Basque, sa « Petite histoire religieuse du Pays Basque », ses contributions à la Société d’Etudes Basques, ses ouvrages sur les trois Pierre - Pierre Broussain, Pierre Narbaitz et Pierre Larzabal -, ses engagements civiques, son mandat d’élu municipal au temps du maire de Bayonne Henri Grenet, constituent le cursus ininterrompu d’un homme de plume et de médias à la fougue imparable !
Membre de l’Académie Basque, il sera honoré du Prix Manuel Lekuona pour ses travaux au service de la culture basque.
Doué d’une mémoire historique extraordinaire, il racontait dans le détail les événements d’un passé civil et religieux de notre région, ne rechignant jamais à des saillies verbales parfois douloureuses, mais fondées d’un horizon historique que Pierre Charritton aimait à relever de l’oubli !
Les ainés du diocèse de Bayonne se souviennent que trois étudiants basques prénommés Pierre Charritton, Roger Etchegaray et Dominique Irigoin furent envoyés à Rome pour leurs études, que Pierre Charritton poursuivit à Paris. Ces derniers temps, conduit chaque semaine sur son fauteuil par Ana son épouse, Pierre faisait la visite de la cathédrale de Bayonne, en ce lieu où jadis les trois compagnons avaient pris leurs marques.
Pierre s’en est allé le premier.
La vie du diocèse de Bayonne aura été marquée par ces trois personnalités si proches et si différentes à la fois, aujourd’hui nonagénaires aux larges horizons !
François-Xavier Esponde et ALC