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Patrimoine
L'inventaire du Patrimoine national en France
L'inventaire du Patrimoine national en France
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| François-Xavier Esponde 759 mots

L'inventaire du Patrimoine national en France

Le quotidien « Corse-Matin » nous apprenait récemment la reconversion du couvent d'Erbalunga en hôtel de luxe au Cap Corse : « signe que les choses bougent, du mobilier a été déménagé dans les deux édifices, des autels ont été démontés qui pourraient être attribués à d'autres paroisses. Et il se dit que les cloches de l'église conventuelle construite entre 1883 et 1887, s'envoleraient aussi vers d'autres contrées ». Chanteront-elles « la grande pitié des églises de France » selon la fameuse formule de Barrès ? Tout comme ces églises bordelaises transformées en résidence pour 3ème âge ou en cinéma… Voici un aperçu de F. X. Esponde :

1 - Le sujet est en France tabou, sensible et peut diviser les avis relatifs à l’histoire du patrimoine artistique national français. Selon un rapport signé de Jacques Sallois, près de 500.000 œuvres d’art sont déposées par les Collectivités nationales dans les Musées de France et autres institutions, mais 57.000 ont déjà disparu !

Et pourtant, « aucun pays au monde n’a, comme en France, pratiqué depuis la révolution française une politique active de dépôts d’œuvres d’art appartenant à l’Etat », comme le rappelle l’auteur de ce rapport.

La confiscation de biens religieux eut ce bénéfice d’évaluer « le récolement », l’inventaire en langage technique, de biens artistiques qui, suivant l’Arrêt Chaptal, favorisèrent la création en France de quinze musées dont ceux de Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse, Caen ainsi que Mayence, Bruxelles et Genève, alors français. Napoléon III ajoutera à cet héritage national la Collection Campana déposée au Louvre et dans ces quinze musées nationaux.

Entre 2005 et 2018, 3000 nouvelles œuvres d’art s’ajouteront aux précédentes collections pour constituer un imposant héritage de référence de l’Art français pour le public. Mais des œuvres importantes ont été spoliées, détournées ou oubliées dans cette évaluation.

2 - La Commission interministérielle chargée du récolement des œuvres d’art, la CRDOA, a publié son dernier bilan concernant les musées nationaux, le Centre national des arts plastiques, la Manufacture nationale de Sèvres, et le Mobilier national. « Une évaluation nettement positive », dit le Rapporteur, mais avec des résultats distincts selon les services concernés. Les trois quart de ces œuvres profitent aux grandes institutions et au réseau diplomatique, mais certaines disparaissent sans aucune alerte. Lorsqu’elle en est informée, la police mène ses recherches et obtient des résultats positifs dans son travail.

On peut ainsi citer le tableau de Domenico Zampieri dit « le Dominiquin » (1581-1641) représentant « l’apparition de la Vierge à l’Enfant à saint François d’Assise », déposé au Louvre, photographié, et qui disparut en 2004. Retrouvé chez un brocanteur à Nancy, il est retourné au Louvre...

L’évaluation de ces disparitions est variable, elle concernerait les œuvres les plus anciennes, détruites dans les guerres ou sinistrées, objets de plaintes et de poursuites à l’encontre des conservateurs des musées qui veillent cependant à cette protection...

Il est rapporté que l’Elysée recenserait un millier de ces œuvres disparues, meubles, céramiques et peintures, dont deux tableaux uniques de Giovanni Paolo Pannini  et de Nicolas Berchem, évanouies dans la nature.

La situation des œuvres déposées en mairies et autres lieux publics inspire aux musées l’intention de les rapatrier dans leurs propres locaux, car c’est en ces lieux que les disparitions sont les plus nombreuses.

Même taux de perte, dit le rapporteur, dans les préfectures et les sous-préfectures, et le seuil de 40 % serait atteint dans les universités qui affichent le niveau le plus élevé des disparitions estimées à ce jour.

A la Villa Médicis à Rome, on note la quasi-disparition des biens produits par la Manufacture de Sèvres, dont la vente se produit parfois sur le marché numérique, dans la totale sidération de ceux qui découvrent ainsi que ces œuvres ne sont  pas détruites mais ont été détournées des biens nationaux.

3 - Le sujet est parfois tabou mais son évocation demeure légitime et civique.

 Poursuivre le récolement est nécessaire, déclarer les « absents » indispensable, et se conformer à la demande de la Commission d’investigation, vital, pour sauver et protéger ces biens inestimables, propriétés nationales avant tout ! On peut aussi comprendre le mécontentement d’anciens propriétaires, parmi lesquels les congrégations religieuses qui voient ainsi ces œuvres destinées au bien commun, détournées à des fins personnelles ou « perdues » pour l’espace public.

Jacques Sallois rappelle : « en vingt ans, moins de 2000 plaintes ont été déposées, un chiffre faible, et la politique du récolement est indispensable, car sans cela, les disparitions seraient bien plus importantes. Le récolement doit être l’occasion de s’interroger sur la pertinence des dépôts anciens, au regard des projets scientifiques et culturels des Musées dépositaires » plus contemporains ..!

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