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Patrimoine
Les Benoîtes au Pays Basque
Les Benoîtes au Pays Basque
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| François-Xavier Esponde 625 mots

Les Benoîtes au Pays Basque

1 -On les connaît et reconnaît par la petite benoîterie accolée à l’église, conservée ou démolie pour les besoins de l’immobilier moderne. Ces maisonnettes abritaient la benoîte, ou « la bénédictine », une femme mature, célibataire et vouée au temps jadis au service de l’espace public de l’église du village qui appartenait aux religieux avant d’être nationalisée et placée sous l’autorité du maire en tant que propriété communale.

Une femme crainte, respectée et considérée car ses missions étaient multiples : gérer l’église, son ouverture et sa fermeture dans la journée, faire sonner manuellement les cloches de l’Angélus au matin, parfois à midi et le soir en fin de journée. Entretenir le linge sacré de l’autel, balayer et nettoyer les surfaces, et veiller comme une sentinelle à sa protection.

A l’heure des obsèques, la benoîte assurait au cimetière bien des servitudes : entretien des sépultures, ratissage des sentiers piétonniers, arrosage des fleurs et suivi des funérailles auxquelles elles participaient, vêtues d’une coiffe et d’une toilette liturgique.

Un suivi apprécié dans les familles pour lesquelles la benoîte demeurait un lien précieux au cours des obsèques et des prières à l’église et alentour qui, en ces temps anciens, occupaient la semaine du deuil et des dévotions.

« Andere serora, benoîte, gobernanta », dans une maison bénie pour ces fonctions religieuses, elles semblaient perpétuer ce culte des anciens pour le lieu de mémoire commun des familles que représentaient l’église d’une part et le cimetière de l’autre, dans la plus pure tradition du Pays Basque originel.

La nationalisation de ces lieux, l’électrification des cloches, l’intervention d’un gardien du cimetière désigné par la commune en la personne d’un employé municipal n’enlèveront que très progressivement les us en ce pays où les coutumes ayant gardé force de loi, on s’accommodait avec bienveillance de la présence de ces deux entités réunies pour préserver tout au long de l’année « la paix du cimetière et le confort des gisants ».

Il était de coutume de fournir à la benoîte du pain pour ses besoins, des céréales pour son jardin, des légumes pour son potager, ainsi de la sorte d’associer sa fonction à des reconnaissances en nature à l’occasion des fiançailles, de mariages et de célébrations familiales festives.

Le gite et la sépulture lui seront accordées par le maire et le curé pour services rendus, et la tradition de la benoîte protégée par des usages qui perdurèrent tant que la coutume assura leur pérennité.

2 -Pendant le XVIIème siècle, elles furent pourchassées par les réformateurs, accusées d’être superstitieuses, des sorcières si proches des morts, capables d’exercer les pouvoirs des esprits, supprimées de l’espace public mais pour peu de temps, car l’apaisement des agitateurs ne put les faire disparaître de la vie communale.

Dans sa vie personnelle, la benoîte était choisie par le curé du lieu sur les conseils de sa hiérarchie et par le maire sur les recommandations de la population, reconnaissant chez elle le dévouement, la dévotion et le bénéfice public de la communauté.

Dans quelques benoîteries, on trouve des inscriptions gravées en basque sur la pierre : « hemen izan dena, izanen direnak, janari eta hobia », comprenez bénéficiant du gite et de la mémoire pour celles qui assumeraient cette fonction dans la cité.

De toute évidence une tradition ancienne de sauvegarde mémorielle « du royaume des morts gardés » et protégés par ces femmes exercées, hors des contraintes du mariage, libres et consacrées par les coutumes ou les usages spirituels de l’Eglise. On dénombrerait encore une bonne vingtaine de benoîteries en Pays Basque plus ou moins réhabilitées, mais toutes conçues afin d’être les sentinelles des villageois pour leur église et leur cimetière. Marie Thérèse à 90 ans avait assuré à Mendionde cette fonction tout le temps de ses années de retraite, consciente et flattée de le faire comme un devoir honorable pour sa commune !

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