Paris 2024, Musée de L’Orangerie. Des visiteurs parcourent les salles ovales où sont exposés les immenses tableaux du peintre Claude Monet (1940/1926) : Les Nymphéas. Un jeune homme, Seb (Abraham Wapler), entame une séance de shooting photo pour une marque de vêtements. Débutant, il n’est pas très sûr de lui en photographiant un mannequin, par ailleurs sa « fiancée », pour le moins versatile. Aucune robe n’est à son goût ! Seb vit avec Marcel (François Chattot), son grand père, avec lequel il entretient une certaine complicité malgré leur grande différence d’âge. Les parents de Seb ayant disparu tragiquement, il a été recueilli, après cet épisode dramatique, par ses aïeuls. Seb néophyte, tente de percer dans le métier de photographe professionnel de mode.
Salle de réunion d’une étude notariale à Paris. Un groupe d’une quarantaine de personnes écoute le notaire et la généalogiste qui les ont rassemblés pour leurs faire part de leur fructueuses recherches : tous sont descendants d’Adèle Meunier (Suzanne Lindon) née en 1873 en Normandie. Après sa disparition, sa ferme, dans le bocage normand et les terrains avoisinants, sont à l’abandon depuis 1944.
Le maire de Saint-Jouin Bruneval, le bourg à proximité, souhaite acheter l’ensemble pour en faire un centre commercial et des parkings « écologiques » (panneaux solaires). Aucun consensus ne se dégage de l’assemblée, houleuse, quant au devenir du projet communal. Faute d’un accord des parties, le notaire demande de former une commission de quatre membres afin de visiter, avec lui, la ferme normande et d’y faire l’inventaire des lieux. Après débat les quatre volontaires sont : Seb le photographe, Guy (Vincent Macaigne) un apiculteur à la sensibilité écologiste, Céline (Julia Piaton) une working girl inséparable de ses portable et smartphone, enfin Abdel (Zinedine Soualem) un professeur de français proche de la retraite. On ne peut faire plus disparate !
Les quatre prennent le TGV pour la Normandie. Chacun est préoccupé par ses problèmes personnels. Les échanges sont rares et difficiles. Guy s’efforce de créer une atmosphère cordiale, détendue … sans succès. Arrivés sur le site, rejoints par le notaire, ils pénètrent dans la ferme non sans mal. : Elle est restée dans son jus depuis 1944. Du mobilier vermoulus, épars, et surtout de vieilles photos tapissent les murs écaillés. Abdel découvre un petit tableau, peint à l’huile, dans un style impressionniste de l’époque …
La vie d’Adèle n’a pas été simple car elle a quitté le bocage normand en 1895 pour « monter » à Paris. Durant ce voyage en bateau (remontée de la Seine), elle rencontre deux jeunes hommes dégourdis : Anatole (Paul Kircher) un apprenti peintre et son ami Lucien (Vassili Schneider), un débutant photographe. En cette fin de siècle, la capitale est en pleine effervescence industrielle et culturelle. Le trio ne tardera pas à se reformer …
Avec La venue de l’avenir, le réalisateur/scénariste Cédric Klapisch (63 ans) signe son quinzième long métrage de fiction. L’idée centrale est la rencontre (imaginaire) de la société française de la fin du XIXème siècle avec celle d’aujourd’hui, toutes deux à la fois si différentes et semblables dans leur originalité hexagonale. A 130 ans d’écart (1895/2025), nos passions humaines heureuses ou tristes perdurent : une singulière continuité. Avec son scénariste attitré, Santiago Amigorena (sept films depuis Le Péril jeune – 1994), Cédric Klapisch a « tricoté » un récit alternatif entre le monde d’Adèle (fin XIXème siècle) et celui du quatuor (Seb, Guy, Céline, Abdel (premier quart du XXIème siècle). Celui d’Adèle et de ses amis, Anatole et Lucien, marque le début de la fin du monde paysan (la Grande Guerre éclatera en août 1914), mais aussi l’irruption de l’ère industrielle (chemin de fer, électricité, automobile, etc.) et culturelle (photographies de Felix Nadar, peinture impressionniste de Claude Monet, cinématographe des frères Lumière, etc.).
Charnière entre l’ancien monde et le monde nouveau, moment clé de la naissance d’une nouvelle société mécanisée. Les temporalités ancienne/paysanne et contemporaine/urbaine se mêlent par des astuces de montage, l’une dans l’autre adoubées par un montage brutal (cut) sans affèteries inutiles (fondus enchainés, musiques d’accompagnement, etc.).
Nous nous laissons guider par de somptueuses images sur écran large (chef opérateur Alexis Kavrychine) comme dans un train. Bien entendu, les rails sont là, les dérivations et les aiguillages malicieux : nous frôlons par moment l’improbable, l’invraisemblable. Qu’importe ! François Truffaut acteur/réalisateur ne disait-il pas dans La Nuit Américaine (1973) : « Un film avance comme un train, un film avance comme un train dans la nuit ». C’est une bonne définition de l’art cinématographique et aussi sa limite !
La Venue de l’avenir est sans contexte le film choral le plus ambitieux de Cédric Klapisch depuis Le Péril jeune film à petit budget. Le budget de son dernier opus est de 15,6 millions d’euros (film du milieu en France : 4,2 millions €), mais l’argent investi est sur l’écran : travail minutieux sur les scènes d’extérieurs (campagne normande, Paris, etc.) et d’intérieurs (ferme, auberge, appartement de fortune, etc.). Pour le Paris du XIXème siècle les premiers plans sont réels (quais de Seine, rues de Montmartre, etc.), les plans lointains fabriqués en images de synthèses (non hideuses). Cédric Klapisch assume, parfois avec malice, des effets « cartes postales » génératrices de nostalgies.
Les comédiens de La Venue de l’avenir incarnent chacun un personnage archétypal dont ils jouent avec plaisir : Adèle (Suzanne Lindon), la jeune paysanne analphabète ; Seb (Abraham Wapler) un velléitaire talentueux ; Guy (Vincent Macaigne) un passéiste écologiste ; Céline (Julia Piaton) une quarantenaire au bord de la rupture ; Abdel (Zinedine Soualem) un enseignant comblé, et tous les seconds rôles et cameos sont interprétés par de célèbres acteurs.
La Venue de l’avenir a été projeté en sélection officielle (hors compétition), au Festival de Cannes 2025.