Ava - Film français de Léa Mysius – 105’
Ava (Noée Abita) est une adolescente en devenir, âgée de 13 ans, qui passe de longues vacances d’été avec sa mère Maud (Laure Calamy), en bord de mer. Alors qu’elle est étendue somnolente au soleil, un gros chien noir qui hante la plage vient dévorer sa barquette de frites négligemment posée sur son ventre. Ainsi commence ce long métrage estival, quelque peu mystérieux ou une jeune fille vivant avec sa mère, éclatante de sensualité, vole ce gros chien noir à un jeune gitan dont elle tombe amoureuse. Ava, jeune pousse, hostile au monde qui l’entoure, sujette à des cauchemars, perd progressivement, la vue. C’est une maladie rare, sans remède. Son champ de vision se rétrécit, s’obscurcit tout comme ses possibilités de vivre pleinement, librement en toute quiétude.
Léa Mysius, âgée de 28 ans, native du Médoc, où elle a situé une partie de l’histoire de son film, est une ancienne élève de la FEMIS (ex-IDHEC, école de cinéma de renom) promotion 2014, section scénario. Ce film a été remarqué, cette année, à la Semaine de la Critique à Cannes. Pour son premier long métrage, après trois courts métrages ou elle a déjà démontré l’étendue de son talent (« Cadavre exquis », « Les Oiseaux-tonnerre » et « L’Ile jaune »), elle nous propose sa nouvelle œuvre plus ambitieuse dont elle est également coscénariste, l’autre auteur étant Paul Guillaume, également chef opérateur.
Le film mêle adroitement (école FEMIS !) le vécu d’une adolescente qui découvre la sexualité, la dureté du monde, une mère quarantenaire épanouie, sensuelle, un gitan farouche, insoumis, un gros chien noir, des policiers montés tels les centaures de la Destiné, un mariage manouche, etc… De cet inventaire à la Prévert, Léa Mysius, fait un film attachant ou ici et là, cinéphilie oblige, surgissent les fantômes de Charles Laughton (« La Nuit du Chasseur », 1955), d’Emir Kusturica (« Le Temps des Gitans », 1989) et quelques autres encore…
Léa Mysius ne sort pas concassée de toutes ces références cinéphiliques car elle a un talent rare de penser son film en images à l’instar des grands maîtres qui ont créé ce nouvel art, le cinéma. Nous visionnons trop de films ou l’histoire est platement, littéralement, contée sans aucun relief visuel. Ici la part du réel et de l’onirisme se complètent, se répondent, sans entraver la fluidité du récit.
Si cette cinéaste, pas même trentenaire, persévère dans un univers professionnel difficile, elle ira loin. C’est ce que nous lui souhaitons tant son premier long métrage est prometteur.
Jean-Louis Requena