0
Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena
© DR

| Jean-Louis Requena 575 mots

La critique de Jean-Louis Requena

L’Apparition - Film français de Xavier Giannoli – 137’

Un homme, Jacques (Vincent Lindon), prostré dans une chambre d’hôtel d’un pays en guerre au Moyen-Orient, nettoie un appareil photo maculé de sable et de sang. Son meilleur ami, photographe, vient d’être tué dans une guerre sans nom et sans fin. Il rentre en France avec le cercueil de son ami. Déprimé, il se calfeutre dans son appartement jusqu'à ce qu’un étrange appel téléphonique le sorte de sa léthargie : un évêque lui demande s’il veut participer en tant que grand reporter à une commission chargée d’enquêter sur des apparitions de la Vierge Marie dans un petit village du Sud-Est de la France. Il part à Rome où, au Vatican, des responsables de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lui montrent les immenses archives sur toutes les apparitions non validées par l’Eglise. Celle-ci est très méfiante sur ces phénomènes et mène toujours une longue enquête canonique avec divers partenaires qui, chacun, apporte sa réflexion en tant que prêtre, médecin, psychiatre, sociologue, etc. afin de débusquer « les faussaires de Dieu ». L’enquête canonique est lancée près du site de l’apparition et Jacques accepte d’en faire partie. Il rencontre la jeune femme Anna (Galatéa Bellugi), déjà entourée d’une ferveur populaire et soutenue par deux prêtres : un Franciscain, le Père Borrodine (Patrick d’Assumçao), et le père Anton (Anatole Taubman), un américain exalté.

Jacques, troublé par cette jeune novice qui paraît habitée par la Foi, très entourée, surveillée par ses proches, cherche en reporter à découvrir le mystère de cette apparition qui, entre temps, déplace des foules et déclenche une exploitation mercantile. Le récit ordonné de cette enquête, divisé en six chapitres, traverse plusieurs strates : spirituelles, émotionnelles, temporelles, factuelles dans un incessant mouvement. Anna, dont nous découvrons l’enfance chaotique, est née sous X et semble dissimuler une partie de sa courte existence : il y a un mystère derrière le mystère. La vérité et le mensonge se côtoient, fusionneront-ils ?

Xavier Giannoli nous livre un film tout aussi perturbant que son précédant Marguerite (2015) sur la cantatrice qui chantait faux, mais dont la haute société bourgeoise s’accommodait à condition qu’elle ne dépasse pas la « ligne rouge » (qu’elle reste chez elle, dans ses meubles). Ici, l’institution millénaire, l’Eglise, ne veut pas être bernée par une novice entourée de personnes à sa dévotion, elle veut comprendre la clé de l’énigme : y a-t-il eu des apparitions de la Vierge Marie ? Anna, à la personnalité trouble, n’est-elle pas manipulée par son entourage qui maquille la réalité ? N’est-elle pas tout simplement une simulatrice confortée par sa petite cour ?

Habilement, quoique que s’y perdant un peu vers la conclusion au demeurant magnifique du film, Xavier Giannoli nous guide à travers le personnage du grand reporter, vers la porte du mystère que celui-ci finit symboliquement par ouvrir. Certains plans sont magnifiques, comme la ferveur de « petites gens » dans l’église du village de montagne, ou au pied de la grande statue blanche fichée sur le flanc de la colline.

C’est un film ambitieux, un peu hors du temps, avec un travail méticuleux sur la musique style tintinnabule, celle du compositeur Estonien Arvö Part, qui lie les scènes entre elles et de ce fait renforce le mystère de la Foi. Le nouveau long métrage de Xavier Giannoli intéressera ceux qui croient au ciel, mais aussi ceux qui n’y croient pas…

Jean-Louis Requena

 

VISUEL / DR

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription