Lors de la présentation du programme du Festival Ravel, le président de l’Académie Ravel Jean-François Heisser avait particulièrement insisté sur le défi que constituait la production de l’opérette Véronique, un genre qui avait pratiquement disparu des scènes musicales après avoir connu une grande popularité. Il semble que l’essai a été réussi, de l’avis de divers critiques, dont celui de Christophe Rizoud qui dirige la rédaction de Forumopera.com.
« Dans l’adaptation de Simon Cochard et sous la direction musicale de Sabine Vatin, le quatuor Ernest, augmenté du piano de Timothée Hudrisier, approche au plus près l’esprit d’une partition dont l’orchestration reste un des points forts. Les rythmes capricieux prévalent sur l’élégance fin de siècle. La sonorité de cinq instrumentistes ne peut se substituer à celle de la quarantaine de musiciens initialement requis.
Sur scène, devant eux, six solistes et un chœur à quatre voix, en costumes contemporains, réussissent l'exploit avec trois bouts de ficelle de donner vie à leurs personnages. C’est particulièrement vrai des deux protagonistes, Clarisse Dalles (Véronique) et Ronan Debois (Florestan), elle d’une vivacité rafraichissante, lui d’un dandysme intelligemment désabusé. Vocalement, le soprano fruité, entier, égal du Jeune Espoir 2017 du Concours de Gordes, membre de l’Académie musicale Philippe Jaroussky, prend le pas sur le baryton martin plus expérimenté, mais qui nous a semblé le soir de la représentation d’autant plus fatigué que le rôle, pas si facile, fut écrit à la mesure de Jean Périer, le créateur quatre ans plus ans tard, sous la baguette du même Messager, du Pelléas de Debussy.
Henri de Vasselot bougonne son Coquenart. Encore intimidée, Makeda Monnet peine à projeter Agathe, l’épouse infidèle, au premier plan. Ténor de caractère à l’émission contrôlée, Corentin Backès contrefait vocalement Séraphin pour donner toute sa place à Loustot. Lise Nougier est trop charmante pour rendre plausible l’altière sévérité de la Comtesse de Champ d'Azur alors qu’une fois débarrassée de ses titres de noblesse, Estelle coule de source ».
Christophe Rizoud regrette simplement l’absence de surtitres qui aurait permis de mieux suivre le texte chanté…
Nous avons également relevé l’avis, toujours exprimé avec plein d’humour et d’intelligence par Yves Ugalde :
« Véronique, l'opérette, véritable petit bijou de Messager, sur la scène du théâtre de Bayonne ce samedi soir. Cela n'a l'air de rien mais ça devient un exploit que de pouvoir accéder à une production de ce type dans un théâtre qui, longtemps, en fut une des salles de province de prédilection.
Mon amatxi, dans son enfance à Saint Esprit, traversait le pont plusieurs fois par hiver pour suivre la saison lyrique du théâtre de Bayonne. Elle appartenait à la génération qui connaissait par cœur tout le répertoire de lyrique léger et d'opéra-comique. Petit, je l'ai souvent entendue chanter des extraits de Carmen ou de Rigoletto.
Et dans les deux rappels debout de ce soir, il y avait chez les plus anciens, indépendamment de la qualité remarquable de cette distribution flambant de jeunesse et de qualité vocale, l'héritage de cette ferveur populaire pour cet art qui a rempli toutes les salles de France pendant un gros siècle.
C'était avant qu'un milieu de presse et d'intellectuels parisiens ne déclarent l'opérette ringarde, lui faisant rejoindre dans l'indifférence organisée de tous les media qui comptent, le cirque de tradition, le théâtre de boulevard et autres vulgarités qu'il n'était plus de bon ton de couvrir. Mai 68 a eu ses mérites, mais aussi ses coupeurs de tête, de fête aussi...
Je me souviens d'avoir parlé de tout ça avec Maria Candido, dans sa retraite basque. Elle préférait en sourire, en me rappelant les taux ridicules de fréquentation du Châtelet depuis qu'il s'est débarrassé des dernières scories de l'opérette marianiste qui, à elle seule, aura fait tourner la maison à plein et par bus entiers pendant près de vingt ans.
Ce soir, ce Véronique était d'une fraîcheur formidable. Le jeu était moderne, tout en respectant à la lettre le livret d'Albert Vanloo et de Georges Duval. Les blousons de cuir, les jeans, côtoyaient quelques belles robes pour le bal final, les pupitres étaient d'égal niveau, la moyenne d'âge, musiciens compris, de moins de trente ans. Revigorant, drôle et si joli à entendre.
L'Espagne a su conserver une vraie passion pour sa zarzuela, dont le théâtre madrilène affiche complet chaque saison. La France des années 70 a fait un terrible ménage, laissant tout un public orphelin de plaisirs simples, de toilettes portées pour la circonstance, et des dizaines de chanteurs lyriques sur le pavé. Quelle réussite !
Les tournées de province se sont arrêtées, les fosses à orchestre ont été comblées, de vide hélas, et les maîtrises et autres chœurs de province, souvent sollicités pour entourer les vedettes, se sont tus. A Bayonne, combien de chanteurs locaux, de décorateurs, à l'instar d'Ambroise Kervadec, de costumiers et perruquiers, ont ainsi plié bagage.
Les photos d'art de Rudy Hrigoyen, André Dassary, Mady Mesplé, Régine Crespin, Marcel Merkès, Paulette Merval, et combien d'autres stars de l'opérette, ont été décrochées, pour ensuite disparaître. Pas pour tout le monde je suppose...
Je le répète, dans l'ovation debout de ce soir, il y a avait le désir partagé par beaucoup de têtes chenues, qui n'en sont pas moins intelligentes et sensibles que les influenceurs du moment, de réparer une injustice flagrante. Et, plus cruelle encore, une entreprise de démolition voulue par un milieu parisien qui s'est promis, avec une efficacité très sûre, de bannir la légèreté et les belles mélodies de nos théâtres. Tout un public aussi »...