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Emile Larre, un prêtre enraciné dans sa terre basque
Emile Larre, un prêtre enraciné dans sa terre basque
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| Alexandre de La Cerda 694 mots

Emile Larre, un prêtre enraciné dans sa terre basque

Ce dimanche 23 octobre, l'association Deiadar qui organise chaque année à Urepel « Xalbador Eguna », la journée qui porte le nom du grand bertsulari (improvisateur en langue basque) Xalbador rend hommage cette fois à Emile Larre, en lui associant le docteur Teodoro Hernandorena, ce médecin guipuzcoan exilé qui, à la fin de la seconde guerre mondiale, encouragea les jeunes bertsularis d'Iparralde. Il organisa en 1946 un concours à Saint-Jean-de-Luz où le « berger-poète » d’Urepel (« Urepeleko artzaina », chanté par Xabier Lete) fit la connaissance du bertsulari Mattin d’Ahetze, tous deux constituant désormais un duo d’improvisateurs inégalé au Pays Basque.

Quant au baïgorriar Emile Larre, il était lui aussi étroitement lié à l’art du bertsu.

Voici un an et demi que nous avons perdu ce prêtre extraordinaire, doublé d’un écrivain-journaliste talentueux, qui avait alors retrouvé sa terre natale de Baigorri au terme de près de 90 ans d’une véritable course à perdre haleine au service de l’Eglise et de son Euskal Herri. Trente ans après le départ du chanoine Pierre Lafitte avec qui il formait un véritable tandem au service de la culture basque. Je l’entends encore, lors de ces déjeuners des mardis de l’hebdomadaire « Herria » dont il fut pendant 40 ans la cheville ouvrière, débiter à toute allure à mon micro la chronique en basque qui annonçait en avant-première le thème des articles à paraître dans l’hebdomadaire. C’était à la fin des années soixante-dix, je venais de fonder Radio-Adour-Navarre et je m’efforçais de faire de mon micro « un instrument basque ».

Acteur « multicarte » et fin observateur de l’évolution de son diocèse, le baïgorriar Emile Larre cumulait avec une incroyable disponibilité sa charge de curé de paroisse - expérience à l’origine de son livre « Aiherra, Nafarroaren leihoa » (Ayherre, fenêtre sur la Navarre) - avec la rédaction de « Herria » qu’il a portée à bout de bras pendant des décennies.

Je me souviens en particulier d’un entretien avec lui sur le thème de la Nativité : originaire du quartier de la Bastide, vers Urdos, qui avait sa chapelle (réservée aux jours ordinaires), l’abbé Larre avait alors évoqué un Noël par temps exécrable où il représentait la famille avec son père à la messe de minuit à l’église du bourg dont la fréquentation aux habitants des quartiers excentrés se limitait aux grandes fêtes comme Noël. « On prenait du chocolat au lait juste avant, car le jeûne s’arrêtait et on avait le droit de communier après minuit. C’est curieux comme cette messe de minuit (qui a souvent lieu plus tôt, maintenant) a gardé jusqu’à ce jour la faveur des croyants. Pour beaucoup et, à fortiori pour moi qui suis prêtre, l’attachement religieux à cette fête demeure, sentimentalement, davantage ancré même que Pâques, en gardant sa signification profonde, la naissance du Sauveur. Nous avons un répertoire de chants de Noël plus riche qu’à aucun autre moment de l’année et c’est l’heure des bilans, liés au Premier de l’An : du point de vue familial, on compte ceux qui ont disparu. Car, Noël, en basque - Eguberri, n’est-ce pas le « jour nouveau » ?

Sa charge spirituelle et journalistique (avec « Herria ») ne l’empêchait guère de mener des joutes de bertsularis à ses rares moments de loisir ou de participer aux activités d’Euskaltzaindia, l’Académie de la langue basque ! Il aura formé la génération d'improvisateurs des années 70 : Arrosagaray, Mihura, Alkhat, Esponda, Laka et Mendiburu, ces poètes authentiques à la verve d'autant plus extraordinaire qu'ils sont soumis à des règles de versification très exigeantes et une interprétation chantée sur des airs souvent fournis (ainsi que les sujets, dans les tournois) par un « arbitre-animateur ». Qui n'a pas entendu dans ce rôle l'abbé Emile Larre, il y a encore quelques années, aura quelque difficulté à appréhender cet art incomparable…

Dimanche 23 octobre, Xalbador Eguna à Urepel : le matin, marche jusqu'à la bergerie de Xalbador. 10h30, messe. 11h15, portraits d'Emile Larre et Teodoro Hernandorena par l'académicien basque et journaliste Joxe Mari Iriondo. Midi, danse avec la compagnie Salbatzaile dantza taldea de Bilbao, puis, jeux de force basque. 14h, repas animé. Après-midi, trikitilaris (musique traditionnelle), jeux pour les enfants et session avec les bertsularis Amets Arzallus, Xebastian Lizaso, Juan Joxe Eizmendi Loidisaletxe et Jose Luis Gorrotxategi.

Alexandre de La Cerda

 

 

 

 

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