Le décès subit du violoniste et compositeur de Jazz Didier Lockwood a plongé le monde de la musique dans la consternation et la tristesse. Il venait de fêter en janvier son 62ème anniversaire quand il a été foudroyé par une attaque cardiaque. Né à Calais en 1956 dans une famille d’artistes d’origine britannique établie en France à la fin du XIXème siècle, il commence ses études de musique avec son père, professeur de violon et instituteur. Il intègre le Conservatoire de sa ville natale dont il sort diplômé en 1972 avec un premier prix. C’est son frère Francis, pianiste avec qui il se produira régulièrement, qui lui fait découvrir le Jazz et en 1974 il intègre la formation jazz-rock Magma dirigée par le batteur Christian Vander, puis le groupe de jazz progressif Zao. Il travaille ensuite dans le big band du compositeur Michel Colombier et entame une collaboration avec le violoniste Stéphane Grappelli - le père du violon-jazz en France - avec lequel il fait plusieurs tournées et qui le considère comme son fils spirituel. Commence alors une longue carrière solo et de nombreux enregistrements avec des formations, des styles et des artistes très divers. Il travaille avec les jazzmen américains Dave Brubeck, Miles Davis, Herbie Hancock, Elvin Jones, les frères Marsalis, et avec les français Michel Petrucciani, Aldo Romano, André Cecarelli, Richard Galliano, Sylvain Marc, Jean-Marie Ecay, mais aussi avec Barbara, Claude Nougaro, ou Jacques Higelin. Sa curiosité et son goût de la découverte le conduisent à des collaborations très électriques (violon amplifié) et éclectiques, notamment avec le chorégraphe indien Ragunath Manet pour un spectacle intitulé « Omkara ». Il compose aussi de la musique de film, un concerto pour violon, publie une méthode d’improvisation intitulée « Cordes et âmes », et en 2001, il crée à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne, où il s’était installé, et dont il devint maire adjoint, le centre de formation musicale qui porte son nom. Avec sa première épouse, la cantatrice Caroline Casadesus, issue d’une célèbre famille de musiciens, il monte un « divertissement musical » intitulé « Le Jazz et la diva » qui connaîtra un grand succès. Très impliqué dans l’action pédagogique, il avait remis en 2016 un rapport au gouvernement sur l’apprentissage de la musique où il s’inquiétait du formatage de l’apprentissage musical et de la déculturisation des jeunes. Didier Lockwood faisait partie de cette tradition bien française du violon-jazz qui nous a donné de remarquables instrumentistes comme Stéphane Grappelli, Michel Warlop, Jean-Luc Ponty, Dominique Pifarély, Pierre Blanchard, Scott Tixier, et son beau-fils Thomas Enhco. Il y a quelques années, il s’était produit avec son frère Francis à Biarritz à la Gare du Midi, où nous avions eu l’occasion d’échanger quelques mots. Connu pour sa générosité et sa disponibilité, Didier Lockwood laisse un vide immense sur la scène musicale internationale.
Michel d’Arcangues