En cette année du centenaire de la disparition de Claude Debussy (1862-1918), il n’est pas un interprète qui n’inclue de ses œuvres dans les concerts diffusés sur notre côte basque : depuis le violoncelliste Gautier Capuçon lors du dernier festival biarrot des « Beaux Jours de la Musique » jusqu’aux « romances » interprétées par la soprane Manon Lamaison avec Lutxi Nesprias au piano dans le beau salon des Gobelins au Château d'Arcangues, en passant par la « Petite Suite » jouée au Théâtre Quintaou d’Anglet par l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine… Et en attendant ce dimanche 6 mai l’interprétation à l’hôtel du Palais du Quatuor en fa majeur de Maurice Ravel dont on se souviendra que Debussy l’avait adjuré de n’y pas altérer une seule note, contrairement à ce que lui suggéraient ses éditeurs : « Au nom des dieux de la musique, et au mien, ne touchez à rien de ce que vous avez écrit de votre Quatuor » !
Sans doute, la « Barque sur l’Océan » du compositeur ziburutar avait-elle touché « La Mer », les esquisses symphoniques pour orchestre de Debussy, dont le compositeur Arthur Honegger disait que « chaque note, chaque timbre – tout est pensé, ressenti et contribue à l'animation émotionnelle ». Quant à la pianiste Marguerite Long, dont on conserve l'enregistrement historique (1932) du Concerto en Sol de Ravel (lequel dirigeait l’orchestre), elle écrivait : « Personne après Debussy n'a joué du piano comme avant. Il nous a trop bien habitués à l'oscillation infinie de sa propre vibration, à ce diapason révélateur. De cette sensibilité extraordinaire découle son emprise, son immense capacité à séduire. Et ses méthodes d'écriture ou l'utilisation proscrite de certaines harmonies n'ont aucune importance. Voici ce que ses innombrables imitateurs n'ont pas compris ». Cependant, elles n’en furent pas moins « contrastées », les relations entre Ravel et Debussy en qui le compositeur ziburutar voyait certes « un artiste incomparable, un individu au génie des plus phénoménaux »… Mais Ravel considérait également que certaines de ses œuvres de jeunesse – « Habanera » et « Jeux d’eau » - auraient inspiré à Debussy quelques pages dont la critique omit de reconnaître la « filiation ravélienne »…
Et toutes ces grandes figures du monde musical se donnaient alors rendez-vous sur la côte basque !
Particulièrement, Debussy : entre les splendeurs de l'Italie et la découverte de la musique de Palestrina lors de son séjour à la Villa Médicis (qu’il dut à un premier prix de Rome obtenu avec « L'Enfant prodigue ») et son dernier grand voyage, à Saint-Pétersbourg, où ses concerts à l'Assemblée de la Noblesse reçurent un accueil extraordinaire du public mélomane russe, l’auteur du célébrissime « Clair de lune » vint également au Pays Basque. Déjà épuisé et miné par le cancer du colon qui devait l’emporter au printemps de 1918, Debussy séjourna à Saint-Jean-de-Luz en juillet 1915, dans « une maison charmante, basque comme construction et anglaise comme arrangement ». Sans doute à l’initiative de son vieil ami l’écrivain Paul-Jean Toulet, installé dans la villa Etcheberria à Guéthary, il revint sur la côte basque en 1917 : il logea au chalet Habas (*), « un modeste chalet qui appartient au Colonel Nicoll, de l’armée anglaise – en ce moment sur le front. Sa femme est à Londres », écrivit-il à son ami, le musicologue Robert Godet.
En compagnie du violoniste Gaston Poulet, il joua à l’Hôtel du Palais à Biarritz, le 14 septembre, sa dernière sonate (composée un an avant sa disparition) et applaudit, en octobre, un récital du pianiste orthézien Francis Planté lors d’un concert de la société Charles Bordes.
(*) Le chalet Habas se trouve rue Marcel Hiribarren à Saint-Jean-de-Luz, dans une allée voisine de l'école Urquijo.