C'est la saison de la violette, une fleur raffinée et discrète qui séduit toujours et s'offre volontiers en de nombreuses occasions. Et les violettes sauvages au bord de nos chemins pyrénéens servent d'écrin au développement des chenilles qui donnent naissance au « Petit nacré », ce papillon d'un orangé vif à taches nacrées qui embellit déjà l'éveil printanier.
A l'aube du règne de Napoléon III, Biarritz avait connu des « Violettes impériales » qui marquèrent le développement de sa villégiature par la grâce d'Eugénie dont le roman fut chanté par Luis Mariano et Carmen Sevilla...
Mais en ce 74e anniversaire du tragique bombardement de Biarritz le 27 mars 1944, on pense à d'autres violettes. En effet, une semaine auparavant, la BBC n'avait-elle pas annoncé dans ces messages : « Les violettes de Parme refleuriront » ?
Il y a quelques années, Marcelo de Zarobe qui gardait sa mémoire intacte avant de disparaître, hélas, à l’été 2015 – et son appétit pour les opernes, désormais introuvables, qu'il décrochait des rochers de Biarritz dans sa jeunesse – se souvenait de l'intensité de ce bombardement : « natif d'Euskadi, j’avais déjà été bombardé plusieurs fois à Bilbao par l’aviation allemande et italienne et même par les canons du cuirassé allemand « Deutchland », mais jamais avec une telle intensité. 45 tonnes de bombes à fragmentation en moins de 7 minutes sur une surface limitée » !
Quand le soleil disparut subitement
C'était le 27 mars 1944, vers 14h30, par un temps splendide, Biarritz était bombardé par l'aviation américaine causant de nombreuses victimes et d'importants dégâts matériels. Enquêtant depuis des mois sur les tenants et les aboutissants de cette tragédie, Marcelo de Zarobe était l'auteur d'un remarquable site sur Internet http://www.biarritz-bombardement.com/ où il avait réuni, entre autres, de nombreux témoignages des aviateurs américains qui avaient participé au bombardement.
Il racontait : « Les sirènes avaient retenti vers 14h15 et de mon balcon, au deuxième étage du 10 de l’avenue Victor Hugo, je comptais les avions qui, entrant par la Barre de Bayonne se dirigeaient vers l’Est pour bombarder Pau-Pont Long. Ils n’étaient pas camouflés et brillaient à une grande altitude. J’en étais à près de 70 lorsque Biarritz se mit à trembler, comme sous l’effet d’un séisme. Une pluie de bombes tombait. Cela se passait dans mon dos car les avions venaient d’Ouest en Est et mon balcon donnait vers l’Est. Ils étaient donc cachés par mon immeuble. Ce n’est que quand j’ai vu des bombes tomber dans le jardin de la maison d’en face que je me suis précipité à l’intérieur. J’ai eu de la chance car plusieurs morceaux de mitraille avaient touché la façade et étaient même entrés dans l’appartement, les fenêtres étant grandes ouvertes.
Le soleil disparut subitement, il faisait noir, il faisait froid. Tout se passa en l’espace de quelques minutes. On entendit encore des explosions du côté de la place Pordelanne (actuelle place de la Libération) et de la gare (Biarritz-Ville), et puis plus rien. Un silence lourd et inquiétant. Que s’était-il passé ? Est-ce que c’était fini ou est-ce que cela allait reprendre ?
Bientôt le soleil réapparut et la température printanière de ce beau lundi de mars revint. Aussitôt on entendit les cris et gémissements des nombreuses victimes à qui, les responsables de la Défense Passive, Pompiers, Police, ambulances etc., portaient secours ».
Le bilan fut particulièrement lourd : 90 morts à Biarritz, une quarantaine à Anglet, et 375 immeubles détruits ou endommagés. Les funérailles des victimes eurent lieu le jeudi 30 mars 1944 au jardin public.
Bombs away ! (larguez les bombes)
Si la presse (encore sous contrôle allemand) avait dénoncé le « massacre anglo-américain » et les « libérateurs » qui avaient « semé ruines et deuils sur Biarritz », le « Sud Ouest » du 6 avril 1944 n'hésita pas, afin d'« innocenter les aviateurs de Mr Roosevelt du massacre du 27 mars », à incriminer, après réflexion, la D.C.A. allemande qui, « en touchant un des avions US, l'aurait fait se délester de ses engins ». En langage actuel, on évoquerait une fake-new !
En réalité, volant à une vitesse de 4 à 500 kms à l'heure et larguant leurs engins de 4 à 6000 mètres de hauteur, les bombardiers arrosaient forcément une surface considérable au petit bonheur des trajectoires et des déviations dues à d'aussi considérables altitude et vélocité !
Pour le témoin qu'est Marcelo de Zarobe, « la responsabilité du massacre incombe donc bien aux aviateurs américains et non à la D.C.A. allemande ».
D'autant plus que la 8e US Air Force bombardait selon la méthode « dropping on the leader » : quand le leader lâchait ses bombes, tous les autres en faisaient autant.
Etant donné la formation en diamant de l'escadrille qui s'étendait sur près d'un kilomètre de large et autant de profondeur, le tapis de bombes ainsi largué en l'espace de quelques minutes, couvrait au sol une surface considérable dans laquelle était obligatoirement comprise la cible.
Quant aux bombes à fragmentation utilisées, très meurtrières, elles étaient destinées à projeter des fragments métalliques à de très hautes vitesses, équivalentes à celle d’une balle de fusil, de façon à raser toute concentration de troupes ou d’avions au sol.
Mais quel était donc leur objectif à Biarritz ? Ni U2, ni troupes d'élites, seulement une promo de jeunes aviateurs allemands (il y avait une école à Parme) qui fêtaient l'obtention de leur brevet !
Mais alors, à quoi était dû le bombardement du centre de Biarritz ?
Pour Marcelo de Zarobe qui avait étudié la question de fond en comble, il serait « le résultat d’une ou plusieurs erreurs ou confusions dues à l’inexpérience et / ou à la précipitation de certains équipages du second groupe de bombardement, pressés d’en finir ».
D'autant plus que l'éloignement de cette mission leur faisait craindre de manquer de carburant.
Un des pilotes, interviewé par Marcelo de Zarobe semble le confirmer : « Etant peu familiarisés avec les techniques nouvelles de bombardement et avec des hommes neufs, n’importe quoi d’imprévu a pu arriver. Nous n’étions pas parfaits, loin de là. Il se peut également que certains bombardiers, un peu nerveux et pressés d’en finir, aient lâché leurs bombes un peu trop tôt. Dans ce cas, elles ont été trop courtes et sont tombées sur la Ville ».
Alexandre de La Cerda