Avec le Trio en mi bémol majeur pour piano et cordes no 2 de Schubert, c’est le Trio en la mineur de Ravel qui figure au programme du très beau concert de fin d'année organisé par Bertrand Latour à l’Espace Bellevue de Biarritz le jeudi 27 décembre à 19h : nous retrouverons avec plaisir nos trois solistes internationaux originaires du Pays Basque, Lutxi Nesprias, piano, Hélène Latour, violoncelle et Guillaume Latour, violon.
Composé entre le 3 avril et le 29 août 1914 à Saint-Jean-de-Luz – « comme l’adieu mélancolique à un monde trop insouciant, sinon trop beau, qui glissait à l’abîme », selon le critique musical José Bruyr, sa création eut lieu le 28 janvier 1915 à Paris lors d'un concert donné salle Gaveau par Alfredo Casella au piano, Gabriel Willaume au violon et Louis Feuillard au violoncelle.
Le premier mouvement reprend un thème basque, sur un rythme de zortziko, en le développant selon un schéma plus complexe. Et José Bruyr d’affirmer que « le thème introuvable de « Zazpiak Bat » pourrait bien ouvrir le Trio », le compositeur ayant lui-même admis que son « premier thème était de couleur basque ». Rien d’étonnant à cela : Basque par sa mère, Maurice Ravel était très attaché à son pays natal. Chaque été le ramenait à Ciboure, lieu de sa naissance. Il fallait le voir déambuler au milieu des gars du pays lors d'une partie de pelote basque ou se mêlant à la foule les soirs où, sur la place, les « estivants » étaient invités à se joindre au Fandango populaire. Avec le petit béret qui accusait son rude profil, ses beaux yeux bruns un peu rapprochés, il semblait plus basque que tous ses « frères en race », comme il aimait à les surnommer. Le Trio est bien, lui aussi, un enfant de ce pays. Tout comme son « Concerto en Sol » qu’il fait pratiquement débuter par le coup de fouet du txerrero de la mascarade souletine ! D’autant plus que d’après son ami Gustave Samazeuilh, ils allaient « faire de longues promenades pédestres ou des randonnées automobiles en Béarn, sur la côte espagole jusqu'à Santander, en Navarre, en Soule. Je me souviens, en particulier, de celle qui nous amena, par l'admirable route du col de Lesaca, de Pampelune à Estella, et retour par Roncevaux, Saint-Jean-Pied-de-Port et Mauléon. Ravel en avait rapporté le plan d'une oeuvre basque pour piano et orchestre, Zazpiak bat, dont il m'a souvent parlé, et que seule la difficulté qu'il éprouva à trouver l'idée pour la pièce expressive du milieu, à laquelle il tenait particulièrement, lui fit abandonner. J'ai toujours pensé que les éléments des pièces vives, notamment de la première et la dernière : une fête sur la place de Mauléon, avaient été utilisées dans les pièces correspondantes du Premier Concerto de piano ». Et peut-être dans le premier mouvement du Trio, ce « radieux chef-d'œuvre de la maturité » (Vladimir Jankélévitch), comme le subodore José Bruyr…
De merveilleux jeunes interprètes
Premier Prix de Violon et de Musique de chambre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Guillaume Latour remporte de nombreux concours (Prix Zulawski, Radio-France Royaume de la musique, Concours International du Maroc...). Les grandes scènes françaises l'accueillent (Salle Gaveau, Cortot, Messiaen, Grand Théâtre de Bordeaux, Grand Théâtre de Provence...) et il participe à la tournée européenne de l'Orchestre National de France, sous la direction de Kurt Masur. Ses concerts l'emmènent en Chine, Etats-Unis, Canada, Maroc, Argentine, Japon..., et dans la plupart des pays européens. Passionné de musique de chambre, il donne un grand nombre de concerts, notamment en trio avec piano. Lauréat des Concours Internationaux de Pianello Val Tidone (Italie) et Charles Hennen (Pays-Bas), il se spécialise depuis 2005 dans la formation piano/violon, avec la pianiste Célimène Daudet (leur duo gagne en 2010 le Prix Pro Musicis de Paris). Violon solo à l'opéra de Toulon de 2006 à 2011, membre du Quatuor Diotima de 2011 à 2014, Guillaume Latour poursuit sa carrière de soliste.
Passionné, curieux, il aime aller à la rencontre de nouveaux publics en innovant avec les compositeurs actuels ou grâce à son approche stylistique de ceux du passé.
Aussi bien soliste émérite, chambriste recherché que musicien de cabaret tzigane, cet artiste volubile s'est produit sur les scènes les plus prestigieuses: Philharmonie de Berlin, Suntory Hall à Tokyo, Forbidden city hall à Pékin, Wigmore hall à Londres, Teatro nacional de Madrid, Teatro Colon à Buenos Aires, Library of Congress à Washington, Théâtre des Champs Elysées à Paris...
Son travail, les critiques unanimes et ses récompenses internationales font de lui un des plus grands interprètes de sa génération.
Quant à Hélène Latour, violoncelle, après ses études musicales au Conservatoire de Bayonne, puis de Bordeaux, elle entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, dans les classes de Roland Pidoux pour le violoncelle et de Claire Désert et Ami Flammer pour la musique de chambre. Après une formation à l’Université de Montréal où elle obtient sa Maîtrise d’Interprétation en 2009 et de nombreuses master-classes (Anner Bylsma, Quatuor Talich, Trio Wanderer, Yegor Dyachkov…), elle participera à des festivals européens de renom : Saisons Musicales en Ardèche, Les Musicales d’Hossegor, Musique en Côte Basque, Festival international de la Roque d’Anthéron, Schubertiades de Barcelone, Rencontres de Violoncelle de Bélaye… Ayant participé au dernier enregistrement de l’ensemble Cairn consacré à la musique de Raphaël Cendo (Furia, AEON 1224), Hélène Latour est violoncelliste à l’Orchestre de l’Opéra de Rouen et joue très souvent avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France ou l'Orchestre National du Capitole de Toulouse.
Pour sa part, le nom de la pianiste Lutxi Nesprias reste associé, pour beaucoup de mélomanes, au souvenir ému d’Ada Labèque. Notre jeune soliste basque ne fut-elle pas la dernière élève de cette grande dame du piano, providence d’innombrables jeunes musiciens dont elle avait su éveiller la vocation ou épanouir le talent, au nombre desquels ses filles, Katia et Marielle Labèque ?
Elève également du grand maître Jacques Rouvier au Conservatoire de Paris (où elle obtint - première nommée - un premier prix exceptionnel à l'unanimité et félicitations du jury, non sans avoir joué des œuvres de Messiaen devant la veuve du maître), Lutxi Nesprias avait auparavant obtenu le Premier Prix d'Ecriture et de Musique de Chambre dans notre Conservatoire régional de bayonnais. Lauréate de plusieurs Concours Internationaux de piano (Claude Kahn et Concours de Saint Sébastien, Prix de la Musique Romantique du Festival de Tel Aviv) elle s’est produite comme soliste dans les « Trois petites liturgies de la Présence Divine » d'Olivier Messiaen à la Cathédrale de Reims, à l'Auditorium de Madrid et à Notre Dame de Paris, sous la direction de Zsolt Nagy, ainsi qu'à l'occasion des Concerts de Musique de Chambre « Quinte et plus » à l'Hôtel des Invalides. Sans oublier son Pays Basque natal où on l’avait appréciée au festival de la Dame des Aulnes à Halsou et lors de l'inauguration du Théâtre de Bayonne avec notre Orchestre régional dans le 21ème concerto de Mozart. Invitée du Festival Musiques en Scène de Biarritz, elle avait décroché, avec la violoncelliste Marion Platero, le Prix « Mélomanes Côte Sud » de l'Académie Ravel. Cette jeune pianiste est déjà reconnue comme « l'une des plus talentueuses concertistes de sa génération ».
Concert exceptionnel du Trio international du Pays Basque jeudi 27 décembre à 19h. Rotonde du Bellevue de Biarritz / Réservations au 06 80 04 53 19.